En 2004, le rapport annuel de l’Agence Internationale à l’Energie pronostiquait un baril à 20 dollars en 2010. L’erreur de diagnostic souligne la difficulté de prédire l’avenir. Aujourd’hui, les arguments suggérant un renforcement du cours abondent : épuisement à terme de l’énergie d’origine fossile, consommation croissante des pays émergeants, risques politiques, spéculation, aggravation de l’effet de serre. Même les compagnies pétrolières, traditionnellement optimistes, envisagent l’exploitation de gisement au coût d’extraction onéreux, tel est déjà le cas des schistes bitumineux. Qui plus est, les principaux Etats jouent l’hypothèse d’un prix durablement élevé. Les pays pétroliers, soucieux de se développer et de constituer une rente ; les pays occidentaux, désireux de valoriser des gisements jusque là non rentables et de réanimer leur flamme industrielle en réorientant l’investissement.
Dans ce contexte, les énergies alternatives se développent : solaire, photovoltaïque, agro carburants, éolien, marinien. D’autres connaissent un nouvel élan tel le nucléaire. Au nombre des pistes, la Chimie suggère des réticences. Les drames de Seveso, de Bhopal et le programme européen Reach ont introduit de légitimes inquiétudes, toujours d’actualité avec les pollutions provoquées par le tremblement de terre de Sichuan. Dangereuse, la chimie est jugée préjudiciable à l’environnement. A cet égard, la conversion du charbon en hydrocarbures liquides ne fabrique-elle pas massivement du CO2 ? Autre trouble, la chimie n’est-elle pas le point de ralliement de régimes à bout de souffle ? Pendant la seconde guerre mondiale, le procédé Fischer & Tropsch[1] permettait le renflouement des cuves de la Wehrmacht. Soumise à un blocus pendant la période de l’apartheid, l’Afrique du Sud développe la méthode « coal to liquid ». GTL (Malaisie) CTL (Chine)
Pourtant, une voie « chimique » existe pour résoudre conjointement la crise énergétique et le problème des dégagements de CO2.
Rendons à César ce qui lui revient ! Ce sont d’abord des phénomènes chimiques qui ont rendu la vie possible sur terre ! Voici trois milliards d’années, l’atmosphère surchauffée était irrespirable, saturée de vapeur d’eau, de CO2 et d’autres gaz très toxiques. A l’époque, les atomes d’oxygène étaient rares. Le sol était brûlant, composé de roches magmatiques. Malgré un effet de serre redoutable, la température décline. Se condensant, la vapeur d’eau donne la naissance de pluie, puis aux mers et aux océans. A ce moment, l’eau des océans dissout puis précipite sous formes minérales les gaz nocifs qui composaient alors essentiellement l’atmosphère, notamment, le CO2. Dès lors, les carbonates minéraux se répandent sur l’écorce terrestre parmi lesquels le carbonate de calcium ou le calcaire.
Sous l’antiquité, la première révolution technologique est celle de la chaux ! Très apprécié par les romains, c’est le plus ancien liant utilisé dans la construction. Les calcaires sont traités thermiquement dans des fours à chaux afin de séparer la chaux (CaO) du CO2, constituants du carbonate de calcium. Se consolidant, la chaux donne un effet liant sous l’action combinée du CO2 et de l’humidité de l’air. La chaux redevient naturellement du carbonate de calcium tout en capturant la quantité exacte de CO2 relâché pendant sa fabrication. Le voilà alors immobilisée de façon pérenne !
Présent partout, le calcaire est le minéral le plus égalitaire au monde. Aussi est-il logique de l’intégrer dans un cycle, labellisé cycle C4*, destiné à fabriquer des carburants liquides (essence, gasoil, etc.) par synthèse tout en fixant à terme le CO2.
Le cycle ne souffre d’aucune incertitude d’ordre technologique, chaque étape étant maîtrisée. D’abord, il faut compter avec la présence de CO2 lequel est obtenu en four à chaux à partir du calcaire, chauffé par de l’énergie d’origine non fossile. Ensuite vient la présence d’hydrogène (H2) dont la production peut-être réalisée selon diverses voies, la plus accessible étant l’eau. Générée par de l’électricité non fossile (nucléaire, hydraulique, éolienne, photovoltaïque…), l’eau électrolysée produit de l’hydrogène mais également de l’oxygène. Intervient ensuite la synthèse CO2 plus H2, technique éprouvée à condition d’investir dans des grandes unités industrielles dédiées ! La dernière étape consiste à capturer le CO2 produit par l’usage des hydrocarbures ainsi obtenus. Apparaît alors l’utilité de la chaux car quelle que soit sa destination, la chaux est « condamnée » à récupérer son équivalent CO2 ! Immergée en mer (pour résoudre des problèmes d’acidification), déposée sur des façades d’immeubles ou utilisée en agriculture, la chaux capture son équivalent CO2. Ces techniques fonctionnent indistinctement sur du CO2 diffus (atmosphère terrestre) ou du CO2 concentré (à la sortie de cimenteries, par exemple).
A la condition de disposer de calcaire, d’eau et d’énergie non fossile, le Cycle peut être mis en œuvre partout dans le monde ! In fine, le calcaire et l’eau seront restitués à terme au milieu naturel, seule l’énergie sera consommée ! L’énergie est la seule matière première du cycle : tout le reste est recyclé.
Ce cycle apporte plusieurs réponses aux désordres actuels. Outre l’indépendance énergétique aux bornes des entités politiques, il confirme le maintien des technologies établies dans les secteurs des transports, agriculture et pêche, tout en facilitant l’innovation : hybridité, rendement, fiabilité, etc. De surcroît, il promeut une énergie sans empreinte carbone. Il permet aussi de préserver le capital carbone sous forme hydrocarbonée et de le réserver à des applications plus nobles : aujourd’hui plus de 90% des hydrocarbures fossiles est brûlé et transformé directement en CO2 atmosphérique.
Viable avec un baril à 100 dollars, l’économie générale du cycle est rentable. Seul coût notable, la variable énergétique nécessaire pour obtenir le carburant liquide. Calculée sur la base de 26,7MWh par tonne d’hydrocarbure, la dépense énergétique affiche un prix de 0.025€/ du KWh pour un coût complet de 0,67€/litre de carburant. Inférieur au prix actuel du litre à la pompe (hors TIPP), ce coût intègre aussi la capture du CO2 produit ! Si donc se confirment les crédits CO2 ou les droits à polluer, sa rentabilité serait d’autant plus renforcée !
Au lieu de prédire hasardeusement l’avenir, mieux vaut apporter une solution alternative destinée au plus grand nombre, pays développés et en émergence. Dans ce cas, la chaux, pièce maîtresse du cycle C4, est de celle-là !
Claude CHARZAT, l’inventeur, et François de la CHEVALERIE, Jacques HUMBERT, Daniel JOUBERT (co-propriétaires des brevets du cycle C4)
[1] Procédé de liquéfaction d’un combustible solide ou gazeux.
[ Archive ] – Cet article a été écrit par François de la Chevalerie