Charbon : chronique d’un départ reporté

On entend cette petite musique un peu partout, dans les médias, dans la bouche des experts en énergie, dans les couloirs et les débats de la COP21, etc. Nous serions en train de nous diriger doucement mais sûrement vers une fin du charbon. Dans la loi de transition énergétique votée cet été en France, il est en effet question de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, responsables du réchauffement climatique, en favorisant particulièrement le développement des énergies renouvelables. Il serait difficile en effet de nier l’impact négatif que peut avoir le charbon sur l’environnement et rester les bras croisés sans ne rien faire pour arranger les choses.

Le mirage des EnR

De toutes les énergies fossiles, le charbon est l’énergie la plus polluante. A lui seul, il est responsable de plus de 40 % des émissions de CO2 sur terre. Seulement, il fournit également près d’un tiers de la demande énergétique mondiale, une demande qui devrait croître de 2 % par an selon les spécialistes. Des prévisions paradoxales quand on sait la lutte que mène la communauté internationale pour faire sortir le charbon du mix énergétique mondial.

Montré du doigt, désigné comme l’un des principaux coupables de la crise environnementale actuelle, le charbon n’en reste pas moins une énergie nécessaire pour subvenir aux besoins énergétiques de notre société. C’est une énergie peu chère, plutôt bien répartie sur la planète et présente en abondance.

On a beau nous vendre les énergies renouvelables comme la solution miracle à tous nos problèmes, cette filière est jeune, toujours en phase d’expérimentation, peu fiable et pas encore compétitive. S’en remettre aux EnR pour sauver la planète, c’est batailler contre leur intermittence, trouver des moyens pour compenser les défauts de ces énergies propres et assurer une production énergétique qui ne mette pas en péril la viabilité de notre société.

C’est en cela que l’on continuera d’avoir recours à des industries comme celle du charbon, rodées et prêtes à l’emploi. Ceux qui voudraient sevrer le monde des énergies fossiles devraient plutôt apprendre à vivre avec et réfléchir dès maintenant à la façon de réduire leur impact sur l’environnement.

Trouver l’équilibre entre rendements et solution de stockages de CO2

La guerre contre les énergies fossiles trouve assurément un sens du point de vue environnemental mais elle demeure déconnectée d’une réalité qui jongle avec des enjeux économiques et technologiques complexes. Les énergies fossiles sont importantes et cela tant que les renouvelables ne seront en mesure de suffire à la demande mondiale.

Le véritable défi est donc de savoir comment s’y prendre pour amoindrir les conséquences négatives des fossiles sur notre planète. C’est ainsi que certaines solutions commencent peu à peu à voir le jour. Il s’agira par exemple d’augmenter le rendement des centrales à charbon. Sous exploitées, la majorité des usines présenterait un rendement de près de 30 % quand les plus récentes tournent à 45 %. Augmenter leur capacité permettrait de diminuer de manière significative les émissions de CO2 dégagées par la combustion du charbon.

S’attaquer directement au CO2 fait aussi partie des alternatives qui permettrait de dépolluer l’utilisation du charbon. On parle ici de récupérer les émissions de CO2 causées par l’activité des centrales et de les injecter ensuite dans le sol, à des profondeurs importantes afin de garantir une sécurité optimale. L’Europe avait planifié de financer de nombreux projets de captage-stockage de CO2 avant 2020 mais force est de constater que les chantiers tardent à se mettre en place.

Dans le monde, on compte seulement treize installations, majoritairement situées aux Etats-Unis. Le coût est le principal frein au développement de la filière. Les projets nécessitent des investissements très lourds que peu d’acteurs du secteur ont consentis à faire. « Il faut poursuivre les recherches en ciblant des projets qui, économiquement, pourront devenir acceptables par les industriels », explique Michel Tournier, directeur de la division production et ingénierie thermique d’EDF.

« Ce qui ne peut être évité, il faut l’embrasser » disait Shakespeare. On a fait du charbon cet ennemi énergétique numéro un sans pour autant travailler à sa réhabilitation. Privilégier l’essor des renouvelables doit certes être une priorité mais écarter le charbon de nos stratégies énergétiques reviendrait à se tirer une balle dans le pied.

Alors que la COP21 bat son plein, on reproche souvent aux responsables politiques de tenir des discours et d’adopter des mesures fantaisistes. Pour être efficaces tout en étant justes, il est essentiel que nos décideurs réintroduisent le charbon dans les perspectives d’avenir. L’ignorer, c’est s’empêcher d’avancer.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Jérôme Cormary

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