La filière ‘HVP’ (3 ème partie)

Par an, il produit au moins 3 500 litres d’huile de palme à l’hectare et, autre avantage, il fixe plusieurs tonnes de CO2 par an à l’hectare pendant 25 ans. Il pousse évidemment dans les pays chauds et nécessite de l’eau pour bien produire. Si on l’utilise comme référence un peu théorique, pour se fixer les idées : pour remplacer un quart des 3,5 milliards de tonnes de pétrole que l’homme consomme actuellement par an, il faudrait mettre en culture 3 millions de Km2 soit environ 5,5 fois la surface de la France.

En Europe, le colza ou le tournesol donnent environ 8 à 900 litres par an à l’hectare et l’arrivée de nos douze nouveaux partenaires européens va considérablement changer la donne en la matière car certains disposent de larges surfaces agricoles et ils vont devoir revoir leurs pratiques à la lumière de la Politique agricole commune à venir. Ces changements, alliés à une politique énergétique faisant la part belle à l’huile végétale pure, permettront la mise en culture de centaines de milliers d’hectares d’oléagineux.

Dans les pays pauvres, d’ores et déjà de telles surfaces – voire des hectares se comptant par millions – sont, soit laissées en jachères faute de marchés pour telle ou telle culture, soit ravagées par la déforestation ou par le brûlage et vouée à l’abandon à cause de la disparition de l’humus nécessaire à la mise en culture. Toutes ces terres pourraient être affectées à la culture de certains oléagineux bien productifs comme la pourghère qui présenteront en outre l’avantage de (re)constituer un humus et de valoriser ainsi ces sols abandonnés ou en voie de l’être (Le nom scientifique de la pourghère est jatropha curcas L. – 650 à 800 litres à l’hectare [6]).

Ici comme là-bas, toute cette huile produite là-bas fera l’objet d’un commerce : soit localement, le village ou la ville produit son énergie propre (dans les deux sens du terme), soit nationalement ou internationalement, les paysans organisés en coopérative approvisionnant un vaste marché de l’huile énergétique qui fait fonctionner, soit des véhicules, soit des centrales thermiques ici et là-bas. N’oublions pas que cette filière peut fonctionner à l’huile d’un bout à l’autre avec, pour conséquence : très très peu de rejet de gaz à effet de serre lors du fonctionnement…

TROIS CONDITIONS SINE QUA NON
Ces idées paraissent d’emblée séduisantes, mais elles ne le sont qu’à trois conditions cumulatives et impératives. Qu’une seule de ces conditions ne soit pas remplie et le changement n’est pas possible.

1e condition : une condition technique, financière et politique :

À première vue, ce dossier paraît comme porteur d’intérêts opposés à ceux des pétroliers, mais en fait il n’en est rien pour deux raisons : la première est que, tôt ou tard, ils seront contraints à de déchirantes reconversions et la filière huile végétale pure est le moyen, de très loin, le moins différent et le moins traumatisant pour eux de passer l’obstacle. L’huile végétale est le produit qui ressemble le plus au pétrole. La seconde est que le métier de vendre du pétrole est le plus proche d’un métier qui n’existe pas encore à l’échelle mondiale : vendre de l’huile végétale énergétique. (Du fait que la filière n’existe pas, on ne peut pas parler de prix aujourd’hui : il n’y a pas de demande, donc il n’y a pas d’offre, donc il n’y a pas de prix. Les huiles commercialisées aujourd’hui ne sont pas purement énergétiques, donc elles présentent des spécifications – donc des coûts de production et de mise sur le marché – qui ne sont pas celles des huiles énergétiques à venir).

Les pétroliers ont le matériel et le savoir-faire et les mettre dans le circuit est la meilleure façon d’obtenir leur coopération au lieu de leur opposition. On peut d’ailleurs faire la même remarque pour les huiliers.
Si l’on veut que le système fonctionne, il faut un suivi dans la qualité identique à celui que l’on connaît pour le pétrole ou pour l’huile alimentaire ou industrielle. Seuls ces professionnels sont en mesure de travailler la question jusqu’au succès dans des délais acceptables.

Il y a peut-être lieu de leur demander de réfléchir, avec les motoristes, à un produit composé d’un mélange de différentes huiles non modifiées avec un potentiel énergétique et une fluidité suivis qui seraient comparable partout dans le monde.

Un peu comme avec le pétrole aujourd’hui, on pourrait optimiser des produits pour les différents types d’utilisations : a – véhicules routiers et petits bateaux ou navires, b – trains et moyens bateaux ou navires, avions à moteur à pistons diesel, c – gros navires et centrales électriques diesel, centrales thermiques et, enfin, d – avions à réaction. C’est peut-être ça l’avenir de l’huile…

Pour que ce système se mette en place, il nécessite aussi impérativement la collaboration des responsables politiques car ils ont la légitimité d’imposer des solutions internationales. Il leur revient de fixer la taxation locale qui déterminera le prix à la consommation.
Ce système nécessite enfin la collaboration des financiers car ils ont les moyens de financer les investissements nécessaires.

Les deuxième et troisième conditions suivantes doivent faire l’objet d’une obligation juridique impérative pour la validité de chaque contrat d’approvisionnement et doivent être consignées dans un cahier des charges écrit devant obligatoirement accompagner la livraison. Si le cahier des charges n’est pas dûment respecté, il ne faut pas que la livraison ait lieu. Si l’on ne suit pas une procédure juridique aussi contraignante, il ne faut pas mettre en œuvre les idées contenues dans la présente note (Ce point particulier est d’ailleurs conforme à l’esprit de la directive 2003/30/CE précitée. Cf. par exemple : Art. 4 point 2 Point d).

2e condition : une condition agricole :

si cette condition n’est pas remplie, non seulement le changement n’est pas possible, mais il n’est même pas souhaitable car le remède serait pire que le mal. C’est la même chose si l’on pratique la déforestation pour planter des oléagineux. Il vaut mieux continuer avec les combustibles fossiles, la destruction sera aussi inéluctable, mais un peu plus lente…

Pour la raison précitée que l’usage de produits chimiques dans l’agriculture est générateur d’énormes quantités de gaz à effet de serre, il est absolument impératif que les méthodes culturales utilisées pour la production des ol&eacu
te;agineux fassent appel à un concept d’agriculture durable (c’est-à-dire qui préserve les ressources et évite les produits chimiques). Ou, au minimum, d’agriculture raisonnée (on utilise des produits chimiques, mais seulement quand c’est nécessaire et seulement la quantité nécessaire), sinon, le remède sera pire que le mal.

On pourrait citer également l’agriculture « intégrée » qui est un concept où l’approche de l’exploitation est globale. Elle prend en compte les interactions entre les différentes espèces cultivées les unes près des autres pour minimiser l’usage des intrants chimiques et majorer l’effet bénéfique de la complémentarité des processus naturels entre eux [7].

Une ressource semble très prometteuse et fait l’objet actuellement d’études dans plusieurs universités américaines, il s’agit des micro algues oléagineuses (ex. : diatomées). Elles contiendraient de grandes quantités d’huile, auraient une possibilité de récoltes à un rythme très rapide et nécessiteraient peu de surface pour un gros rendement [8].

En toutes hypothèses, les éléments à protéger au maximum au plus haut niveau politique mondial sont : l’eau, l’air, le sol, la biodiversité et les paysages car ils sont les biens communs naturels les plus précieux pour l’humanité.

3e condition : une condition commerciale :

Ces propositions manqueraient la moitié de leur objectif si elles n’aboutissaient pas à une amélioration importante du sort des populations les plus démunies de la Terre.
Un humain digne de ce nom ne doit plus accepter de vivre confortablement sur la même planète que des milliards d’hommes et de femmes qui n’ont même pas le minimum vital et qui meurent chaque année par millions de l’extrême pauvreté. Cela est d’autant plus insupportable qu’il existe désormais la présente idée qui permet de garantir à la fois l’essentiel du niveau de vie des plus riches et l’accès à une "vrai vie" pour les plus pauvres sachant que la "vraie vie" n’est pas forcément le passage au rock’n roll et au soda brunâtre…
Pour parvenir à ce résultat, il est indispensable que la collecte et le commerce des graines d’oléagineux et des huiles soient organisés selon les règles du commerce équitable, sinon le but affiché de développement des pays pauvres ne sera pas atteint et les différences ne feront que s’amplifier [9].
Encourager les pays pauvres à devenir producteurs et exportateurs de richesses (pour leur compte) est sans doute plus intelligent et plus utile que de leur donner seulement des subventions, même importantes.
Pour orienter durablement la planète vers cette solution, il faut lancer dès aujourd’hui un mouvement d’opinion qui génère une pression suffisamment forte sur les politiques pour qu’ils comprennent que nous ne pouvons plus attendre.

Nous sommes en train de changer d’ère.
Nous sommes en train de quitter une époque où les technocrates cherchaient comment faire passer la filière "huile végétale" sous les fourches caudines du Roi Pétrole.
Nous allons entrer bientôt dans une nouvelle époque où la principale source mondiale d’énergie dans les transports et le chauffage sera l’huile végétale pure et où le pétrole devra s’adapter à ses exigences.
Il faut regarder cela comme une seconde chance que la nature nous donne. À nous de ne pas commettre les mêmes erreurs qu’avec la déification du pétrole et à nous d’optimiser la ressource et les gains financiers pour assurer l’avenir de nos descendants. C’est notre responsabilité. L’huile végétale pure n’est ni un roi ni un dieu. C’est un excellent outil de développement durable, c’est tout.

NB : La présente note est traduite en anglais et en allemand. Un document plus détaillé avec quelques idées de projets est disponible en français, anglais et allemand sur simple demande à [email protected]. Une version anglaise en a été publiée sous le titre "The pure vegetable oil used as fuel" dans les annales de la Conférence internationale de Pékin qui s’est tenue en Novembre 2005 sur les énergies renouvelables.

[6] <http://www.jatrophaworld.org/>,
<http://fr.wikipedia.org/wiki/Jatropha_curcas>
[7] "strategyagricultureconferencedocsagri27f.01".
Coller cette référence dans la fenêtre de recherche d’un moteur de recherche Internet.
[8] Sur ce sujet, contacter [email protected] en faisant référence à la présente note.
[9] <http://www.novethic.fr/novethic/site/article/index.jsp?id=97734>

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Yves Lubraniecki

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