La pollution chimique diffuse menace la santé et la reproduction humaine

A la demande de l’Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail), des experts en épidémiologie, toxicologie, clinique, médecine du travail ou quantification des risques ont analysé les données scientifiques disponibles sur neuf cancers dont l’incidence a augmenté depuis une vingtaine d’années : cancer du poumon, de la plèvre, du sein, de l’ovaire, du testicule, de la prostate, de la thyroïde, leucémie et tumeurs cérébrales.

Ils ont pu ainsi mettre en relief des "facteurs cancérogènes avérés ou probables", comme l’amiante, les radiations, le radon ou le tabac passif pour le cancer du poumon, ou des "facteurs débattus", pour lesquels les études sont limitées, comme le tabac passif ou les pesticides pour le cancer du sein.

Depuis trente ans, le développement de nouveaux produits chimiques pour le bâtiment, le mobilier et l’entretien a été très rapide. Mais ce changement n’a été suivi d’aucun contrôle de l’hygiène des bâtiments. Parmi ces nouveaux produits se trouvent les COV, dont les aldéhydes, le formaldéhyde, le benzène, le toluène, les éthers de glycol actuellement fortement présents dans l’air ambiant des maisons.

Les COV – Combinés Organiques Volatils – sont des substances composées de carbone et d’hydrogène présents dans la plupart des matériaux de construction. Ils constituent une nouvelle source de pollution de l’air ambiant des maisons. Ils peuvent s’évaporer pendant des mois et des années. L’un des plus nocifs est actuellement le Formaldéhyde – un combiné chimique dérivé du Formol. Ses émissions varient en fonction du taux d’humidité et de température de la pièce. Plus l’ambiance de la pièce sera chaude et humide et plus les dégagements de formaldéhyde seront importants.

Le formaldéhyde également appelé méthanal ou aldéhyde formique est un gaz incolore fortement irritant et classé cancérogène pour l’homme depuis juin 2004 en France. Selon les résultats d’une enquête de l’INRS, sa consommation française a atteint 126.352 tonnes en 2005. Près de la moitié de ce tonnage est utilisée dans le secteur de la fabrication de résines qui servent par exemple à élaborer des vernis ou des colles. Les secteurs de la fabrication de produits agrochimiques et de la fabrication de produits chimiques à usage industriel consomment plus de 40 % de la quantité annuelle, pour la production de désinfectants, antimycosiques et conservateurs.

De très nombreux secteurs industriels sont donc concernés par l’utilisation de solution de formaldéhyde ou de résines : le tannage des cuirs, la fabrication des panneaux de bois, de colles et gélatine, de caoutchouc synthétique, de produits pharmaceutiques, de moules de fonderie, de colorants, de pigments, d’huiles essentielles, de parfums, de savons, de détergents, de peintures, d’engrais, d’aliments pour animaux… En Juin 2004, le Centre International de Recherche sur le Cancer (Circ) a classé le formaldéhyde en catégorie 1 (cancérogène avéré chez l’homme).

Une campagne de mesure dans les écoles et crèches de Strasbourg a relevé en 2004/2005 des teneurs significatives de formaldéhyde (23 microgrammes/m3 en moyenne sur 48 heures, plus de 50 microgrammes dans 2 crèches, 10 maternelles et 8 élémentaires). Depuis le 1er janvier 2007, les travaux exposant au formaldéhyde sont soumis, en France, à la réglementation prévue pour les agents cancérogènes de catégorie 1 (cancérogènes avérés) et 2 (cancérogènes probables). Une initiative isolée du gouvernement français, qui fait ainsi figure de pionnier. En effet, même si le formaldéhyde a été reconnu cancérogène avéré en juin 2004 par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), la classification européenne continue à le considérer seulement comme un cancérogène possible, de catégorie 3.

De ce fait, il est impossible de l’interdire dans les produits destinés au public et de rendre obligatoire la protection des salariés exposés. Pour mettre fin à cette situation, la France a réclamé son inscription en catégorie 1 ou 2 au niveau communautaire. En France, il n’existe pas de réglementation générale en ce qui concerne les valeurs limites pour le formaldéhyde dans l’air intérieur des maisons. Selon plusieurs études européennes, dont celle de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur pour la France, les enfants respirent un air généralement plus pollué à l’intérieur des écoles qu’à l’extérieur. Les études de terrain anglaises, danoises, néerlandaises et françaises sont formelles : les écoles sont en général mal aérées, et le confinement favorise les concentrations de polluants.

En France, aucune des 11 écoles visitées en 2001 par l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur ne respectait les renouvellements d’air réglementaires de 15 m3 par heure et par personne. Le débit maximal observé dans l’échantillon était de 10 m3. La très grande majorité (80 à 90 %) des écoles ne dispose pas de ventilation mécanique, et lorsqu’elle existe, elle n’est pas entretenue (filtres usés etc.)

Quant aux particules fines des moteurs diesel, qui atteignent les alvéoles pulmonaires, leur rôle est avéré pour le cancer du poumon. Selon des études menées à Paris, Grenoble, Rouen et Strasbourg, 10 % des cancers du poumon dans ces villes leur sont attribuables.

Autre problème que l’on commence seulement à appréhender : celui des perturbateurs endocriniens, comme les phtalates et le bisphénol A qui ont un effet avéré sur la reproduction et le développement du fœtus ; or le nombre et la qualité des spermatozoïdes ont diminué d’environ 50 % par rapport à 1950. Par ailleurs, l’incidence du cancer des testicules a doublé au cours des trente dernières années. Le nombre de malformations génitales masculines est en hausse.

Le Gouvernement prend très au sérieux cette question et les ministères de l’écologie et la santé, l’Institut de recherche en santé publique (Iresp) et l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) ont organisé le colloque "Environnement chimique, reproduction et développement de l’enfant", mardi 25 novembre à Paris.

A l’issue de ce colloque, Madame Bachelot a déclaré qu’elle demanderait à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) de lancer une étude sur le risque des cosmétiques pendant la grossesse et chez le jeune enfant, "notamment les cosmétiques distribués dans les maternités". Elle a indiqué qu’elle allait commander à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) "une expertise collective sur la mutagenèse et la reprotoxicité de produits chimiques, notamment les produits classés CMR3".

Ces plastifiants s’opposent à l’action des hormones masculines, les androgènes. Les phtalates sont employés comme lubrifiants dans le PVC et se retrouvent dans de nombreux objets de consommation courante : cosmétiques et emballages pour la nourriture. Ce sont des antiandrogènes. Le bisphénol A est un œstrogène de synthèse qui n’a pas été utilisé comme tel car le même chimiste a mis au point un œstrogène plus puissant, le Distilbène… Le bisphénol A est utilisé pour fabriquer des biberons, des bouteilles en plastique et d’autres produits courants. Ana Soto a montré chez la souris des images analogues à une cancérisation après exposition de la glande mammaire à du bisphénol A. Ces perturbateurs endocriniens se retrouvent dans l’organisme, y compris dans le lait de la mère qui nourrit son enfant au sein.

L’action hormonale de ces substances est évitable. La question est donc posée d’éviter les expositions. Il ne faut attendre la preuve de la causalité pour prendre des mesures de protection. Les usines de traitement des eaux ne captent malheureusement pas les produits de dégradation de médicaments ayant des effets oestrogéniques ou antiandrogènes, à commencer par les pilules anticonceptionnelles. Il faut développer des moyens technologiques pour le faire. Le Canada est le premier pays au monde à avoir interdit les biberons pour bébés en plastique rigide fabriqués à partir de bisphénol A (BPA), en raison des « incertitudes » soulevées par de récentes études scientifiques.

En France, une étude scientifique rigoureuse réalisée par une unité de recherche du CEA vient confirmer ces soupçons : le MEHP, un phtalate répandu, nuit à la fertilité masculine en agissant dès le stade fœtal. La Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) vient pour sa part de demander que les pouvoirs publics français contribuent à l’adoption d’un texte européen interdisant la présence de substances chimiques toxiques et de métaux dans les vêtements pour enfants.

A la lumière de ces récentes et convergentes avancées scientifiques, notre pays doit prendre à bras le corps ce grave problème, totalement négligé depuis des décennies, que constitue la pollution chimique intérieure et diffuse. Il y là un enjeu majeur de santé publique et un défi industriel, scientifique et médical que la France doit relever.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par René Tregouët

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