La révolution du gaz de schiste US entraîne des changements en Europe

Les gaz de schiste représentent la révolution énergétique de ce début du siècle. Entre 2005 et 2012, la production de gaz naturel aux États-Unis a augmenté de 33%. Grâce à l’exploitation de ces gaz piégés dans la roche, l’industrie énergétique américaine est en passe de redevenir le moteur d’une économie durement frappée par la crise des subprimes de 2007.

Cette révolution américaine est un bouleversement global à l’échelle de la planète. D’importateurs massifs d’énergie, les États-Unis entrevoient désormais le rêve de l’indépendance énergétique, et investissent même pour exporter le gaz naturel extrait de Pennsylvanie et du Texas.

Le développement des projets gaziers aux Etats-Unis et l’offre abondante qui en résulte a conduit à une chute sans précédent du cours du gaz sur le marché américain. De 12.7$ par mmBtu (million de British thermal unit) en juin 2008, le gaz américain s’échange désormais autour de 4$.

Le gaz américain se substitue au charbon pour la production d’électricité

Première conséquence : la compétitivité nouvelle de cette énergie, qui apporte un facteur de production bon marché et ainsi un soutien inespéré à l’industrie américaine dans son ensemble.

Le gaz naturel américain est désormais moins cher que le charbon, la principale source de génération d’électricité jusqu’alors. Le gaz naturel chasse le charbon des Appalaches de la production électrique américaine. Bénéfice indirect, le gaz naturel étant moins émetteur de CO2 que le charbon, les États-Unis ont trouvé dans le recours massif à l’or bleu un moyen de réduire leur impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

Le charbon américain chasse le gaz naturel d’importation en Europe

Le charbon nord-américain, à l’échelle internationale, reste néanmoins très bon marché. C’est là une deuxième conséquence de la révolution du gaz de schiste américaine. Elle est à observer en Europe, qui est en passe d’effectuer le chemin inverse des opérateurs d’outre-Atlantique. Les pays membres de l’Union Européenne ont pris du retard sur l’exploitation de leurs réserves en gaz de schiste. Malgré le potentiel annoncé des gisements sous-terrain, plusieurs pays ont même interdit leur exploitation – c’est le cas notamment de la France. Si certains pays envisagent de suivre la trace des États-Unis, le prix du gaz naturel européen reste à ce jour très élevé : environ 13$ par mmBtu.

Face à un gaz naturel si cher, le charbon américain, chassé du marché électrique aux États-Unis par l’émergence des gaz de schiste, trouve un débouché idéal en s’exportant en Europe, chassant à son tour du marché électrique européen les centrales à gaz. La tendance est lourde : GDF Suez a déjà fermé près de 8.000 mégawatts de capacités en Europe depuis 2009 – l’équivalent de 5 centrales de Fessenheim – tandis qu’E.ON, l’un des principaux opérateurs allemands, a annoncé la fermeture de 11000 MW.

L’Allemagne constitue un important débouché alors que le pays ferme dans le même temps ses centrales nucléaires et doit rapidement trouver une énergie de substitution.

Le prix du CO2 ne permet plus de compenser l’écart de prix gaz-charbon

Le faible prix du CO2 sur les marchés d’émissions européens est un autre motif de l’incitation des pays européens à recourir au charbon importé des Etats-Unis. La prise en compte des coûts du carbone permettrait de réduire le différentiel de prix entre charbon et gaz, mais le marché de quotas européen s’est effondré et la tonne de CO2 s’échange à près de 3.5€. Insuffisant pour exercer un impact significatif sur les décisions économiques des opérateurs.

La révolution du gaz de schiste aux États-Unis s’avère donc une véritable révolution du marché électrique en Europe. Si rien n’est fait, les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre – réduction de 20% des émissions de CO2 entre 1990 et 2020 –, fer de lance de la politique environnementale de l’Union Européenne, risquent de passer à la trappe.

Il est nécessaire en Europe d’effectuer des choix forts afin de donner un second souffle à la politique énergétique européenne et ainsi resserrer la vis d’un projet qui autrement risque de laisser la compétitivité, l’ambition climatique et la sécurité d’approvisionnement énergétique européenne sur le carreau.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Sidney

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