La quête de ressources naturelles de haute valeur revêt une importance singulière dans les secteurs industriels. Les métaux comme le lithium et le magnésium, essentiels pour diverses applications industrielles, pourraient être extraits directement des eaux marines, des saumures de lac ou recyclés à partir des déchets électroniques. Une nouvelle méthode, basée sur l’utilisation de membranes nanoporeuses, propose une solution innovante pour cette extraction sélective, en promettant une réduction de l’empreinte environnementale et une augmentation de l’efficacité.
Les métaux de haute valeur, tels que le lithium, ont été identifiés comme pouvant être extraits directement de l’eau de mer, des saumures de lac ou recyclés à partir des déchets électroniques. Une étude sur les membranes nanoporeuses conçues pour cette tâche a révélé que ces membranes intègrent des molécules en forme d’anneau appelées ‘macrocycles’. Ces macrocycles forment des pores définis avec précision, permettant uniquement au métal cible de passer. Les membranes à macrocycles se sont également avérées efficaces pour purifier des mélanges complexes de produits chimiques de haute valeur, comme des ingrédients pharmaceutiques.
La séparation des mélanges multiconstituants constitue une tâche centrale dans les activités industrielles, allant du traitement des minéraux bruts à la production de produits chimiques fins et pharmaceutiques. Ces procédés laissent souvent une empreinte environnementale considérable, principalement à cause des méthodes de séparation thermiques, comme la distillation et l’évaporation, qui consomment beaucoup d’énergie.
«Des méthodes de séparation plus efficaces mèneraient à une industrie chimique beaucoup plus durable et rentable, diminuant le besoin de capture du carbone à la fin du processus,» a affirmé Suzana Nunes, qui a dirigé la recherche au KAUST.
L’utilisation de membranes pour la séparation
Quelques industries, notamment la désalinisation de l’eau de mer, ont adopté les membranes comme une alternative énergétiquement efficace aux séparations thermiques. Les membranes utilisées dans ces secteurs sont composées de fines feuilles de polymères étroitement tissées, à travers lesquelles les molécules d’eau peuvent se faufiler mais pas le sel.
«Les membranes commerciales séparent principalement l’eau du sel ou des grands solutés des très petits,» a précisé Suzana Nunes. Cependant, à cause de leur manque de pores précisément définis, elles sont peu efficaces pour des séparations plus fines.
Pour séparer efficacement des mélanges de molécules de taille similaire, les chercheurs ont développé des membranes intégrant des macrocycles en forme d’anneau dans leur structure. «Les macrocycles peuvent agir comme des pores, ajustés spécifiquement pour la taille de la molécule ou de l’ion à transporter,» a ajouté la scientifique.
Développement et fabrication des membranes
Le premier défi pour l’équipe fut de développer une méthode polyvalente et évolutive pour fabriquer des membranes avec des macrocycles intégrés. Les chercheurs ont adapté une méthode existante, utilisée par l’industrie pour la fabrication de membranes, appelée polymérisation interfaciale. Cette approche souligne le pragmatisme de l’équipe pour faciliter l’adoption industrielle. «Notre objectif est d’investir dans des méthodes et matériaux qui pourraient être fabriqués aux échelles requises par l’industrie,» a souligné Suzana Nunes.
La membrane a été créée en combinant le composant macrocycle avec un liant moléculaire. La méthode de polymérisation interfaciale réunit ces deux composants dans des conditions contrôlées, en exploitant le fait que l’eau et les solvants organiques ne se mélangent pas. Lorsque l’équipe a créé un composant macrocycle soluble dans l’eau et un composant liant soluble dans un solvant organique, puis a combiné les deux liquides non miscibles, la membrane s’est auto-assemblée sous forme de film mince à l’interface entre les deux liquides.
Applications pratiques des membranes macrocycliques
Ils ont démontré que les membranes fabriquées à partir d’un macrocycle nommé 18-crown-6 pouvaient séparer des mélanges de composés pharmaceutiques étroitement liés. «Les membranes ont montré une excellente sélectivité. Nous pouvions séparer des solutés ayant de petites différences dans leur poids moléculaire, ce qui est très recherché par les industries pharmaceutiques et chimiques fines.» a indiqué pour sa part Gyorgy Szekely professeur associé au sein du programme d’ingénierie chimique.
De plus, Suzana Nunes a montré que, en utilisant un macrocycle appelé cyclodextrine, la membrane pouvait concentrer sélectivement du lithium ou du magnésium à partir de mélanges salins imitant l’eau de mer et les saumures industrielles. Les molécules macrocycliques sont disponibles dans une large gamme de tailles, suggérant que des membranes macrocycliques ultra-sélectives, conçues pour des séparations industrielles spécifiques, pourraient être créées.
Les mélanges de métaux provenant du recyclage des déchets électroniques pourraient également être séparés par cette méthode, a t-elle affirmé. «Nous examinons maintenant différents macrocycles, diverses formes d’auto-assemblage et différentes applications, en collaboration avec l’industrie, nous travaillons également sur l’augmentation de l’échelle de production des membranes.»
Légende illustration : En intégrant des macrocycles en forme d’anneau dans leur structure, les chercheurs de KAUST ont mis au point des membranes avancées capables de séparer avec précision des molécules de taille similaire. 2024 KAUST.
Hong, S., Di Vincenzo, M., Tiraferri, A., Bertozzi, A., Górecki, R., Davaasuren, B., Li, X., Nunes, S. P. Precision ion separation via self-assembled channels. Nature Communications 15, 3160 (2024).| article
Alhazmi, B., Ignacz, G., Di Vincenzo, M., Hedhili,M. N., Szekely, G., Nunes, S. P. Ultraselective Macrocycle Membranes for Pharmaceutical Ingredients Separation in Organic Solvents. Nature Communications 15, 7151 (2024).| article