Les terres rares sont des métaux aux propriétés uniques qui se cachent dans nos smartphones, nos ampoules LED, et même dans les éoliennes qui produisent notre électricité verte. Leur extraction pose toutefois un sérieux problème environnemental. Une équipe de chercheurs du laboratoire national Sandia aux États-Unis vient de faire une saut qualitatif dans ce domaine, en développant une méthode d’extraction écologique.
Les terres rares, malgré leur nom, ne sont pas si rares dans la croûte terrestre. Le véritable défi réside dans leur extraction et leur purification. Les méthodes actuelles, principalement utilisées en Chine, font appel à des acides puissants et des solvants dangereux, causant de sérieux dommages à l’environnement.
Face à ce constat, l’équipe de Sandia s’est lancée dans une quête de trois ans pour trouver une alternative plus verte. Leur approche ? Créer des «éponges» moléculaires capables de capturer sélectivement ces précieux métaux dans des solutions aqueuses.
Les MOFs : des éponges moléculaires sur mesure
Au cœur de cette innovation se trouvent les MOFs (Metal-Organic Frameworks), des structures moléculaires ressemblant à des jeux de construction. Imaginez des Lego à l’échelle nanométrique, où chaque brique peut être modifiée pour changer les propriétés de l’ensemble.
«Nous avons synthétisé des MOFs avec une chimie de surface variable et avons pu démontrer qu’ils peuvent sélectionner les éléments de terres rares dans un mélange d’autres métaux. Leur capacité à trier les métaux peut être affinée en ajoutant des groupes chimiques sur leurs surfaces.» indique Anastasia Ilgen, géochimiste et chef de projet.
L’équipe a travaillé sur deux types de MOFs à base de zirconium, choisis pour leur stabilité dans l’eau et leur flexibilité. En modifiant leurs composants, les chercheurs ont pu créer des «éponges» aux propriétés variées. Dorina Sava Gallis, chimiste des matériaux, précise : «Nous avons constaté que les deux approches mises en œuvre permettent effectivement d’ajuster la sélectivité pour différents ions.»
De la simulation à la réalité
Pour affiner leur conception, les chercheurs ont fait appel à des simulations informatiques avancées. Kevin Leung, scientifique en matériaux computationnels, a utilisé des techniques de modélisation pour comprendre comment les terres rares interagissent avec les MOFs au niveau moléculaire.
Ces simulations ont révélé des préférences intéressantes : «Les éléments de terres rares montrent une préférence pour les produits chimiques chargés négativement comme le sulfate ou le phosphate par rapport à l’eau. Cette préférence est plus forte pour les éléments de terres rares lourds comme le lutétium que pour les éléments plus légers comme le cérium et le néodyme», explique Kevin Leung.
Pour confirmer ces résultats théoriques, Anastasia Ilgen a utilisé la spectroscopie aux rayons X pour observer directement les interactions entre les terres rares et les MOFs. Cette technique a permis de «voir» pour la première fois comment ces éléments se lient aux structures moléculaires.
«Mon travail de spectroscopie est le premier à identifier les complexes de surface formés par les éléments de terres rares dans les MOFs», déclare fièrement la géochimiste. «J’ai pu les voir avec mes yeux aux rayons X.»
Cette recherche ouvre la voie à de nombreuses possibilités pour concevoir des «éponges» sélectives capables d’extraire spécifiquement certains éléments de terres rares. Les stratégies envisagées incluent l’ajustement de la chimie du centre métallique, l’optimisation des groupes de surface, et même la modification de la taille des pores des MOFs.
L’impact potentiel de cette technologie est considérable. Elle pourrait révolutionner l’industrie des terres rares en offrant une alternative propre et efficace aux méthodes d’extraction actuelles, réduisant ainsi considérablement l’empreinte environnementale de nos technologies modernes.
Légende illustration : Anastasia Ilgen, géochimiste aux Sandia National Laboratories, travaille sur un analyseur de sorption de vapeur utilisé pour caractériser la chimie des solides poreux tels que les cadres métallo-organiques. Ilgen et son équipe ont conçu des MOF pour purifier sélectivement les éléments des terres rares. Crédit : Craig Fritz/Sandia National Laboratories
Article : ‘Local Coordination Environment of Lanthanides Adsorbed onto Cr- and Zr-based Metal–Organic Frameworks’ / ( 10.1021/acsami.4c09445 ) – DOE/Sandia National Laboratories – Publication dans la revue ACS Applied Materials & Interfaces