L’incorporation de guanidinium dans les cellules solaires à pérovskites stabilise leur rendement à 19% pour une durée de 1000 heures lors d’essais en plein soleil. L’étude, menée par l’EPFL, est publiée dans Nature Energy.
Avec un rendement de la conversion énergétique de cellules solaires au silicium plafonnant à environ 25%, les pérovskites se trouvent désormais en position idéale pour devenir la nouvelle génération de cellules photovoltaïques sur le marché. En particulier, les pérovskites hybrides organiques-inorganiques alliés à l’halogénure de plomb offrent une fabrication polyvalente qui devrait se traduire par un rendement bien meilleur : quelques études ont déjà montré des rendements photovoltaïques atteignant plus de 20% sur diverses architectures de cellules solaires fabriquées selon des processus simples et peu coûteux.
Le défi principal en ce qui concerne les pérovskites est moins une question de rendement que de stabilité. À la différence des cellules au silicium, les pérovskites sont des matériaux cristallins mous et donc sujets à des problèmes liés à la décomposition au cours du temps. Dans un contexte commercial, ceci range les pérovskites du côté des matériaux plutôt onéreux à l’inverse de leurs cousins plus conventionnels : les cellules au silicium.
De ce fait, il y a eu de nombreuses tentatives de synthèse de matériaux à pérovskites dans le but de maintenir un rendement élevé sur la durée. Ceci peut se faire en introduisant différents cations (des ions chargés positivement) dans la structure cristalline-même du pérovskite. En rajoutant des cations inorganiques, tels que le césium ou le rubidium, dans la composition du pérovskite, quelques essais se sont montrés positifs. Toutefois, de telles solutions tendent à être non seulement difficiles mais aussi coûteuses à mettre en œuvre.
En attendant, jusqu’à ce jour aucun cation organique, plus facile à synthétiser et qui pourrait améliorer à la fois le rendement et la stabilité, n’a encore été trouvé. Or, avec des collègues de l’Université de Cordoba, le laboratoire de Mohammad Khaja Nazeeruddin à l’EPFL Valais Wallis a découvert que la stabilité du pérovskite peut être améliorée en introduisant du guanidinium (CH6N3+) – un grand cation organique – dans des pérovskites à iodure de plomb auquel on a rajouté du méthylammonium. Il s’agit là d’une proposition d’alternatives parmi les plus prometteuses du groupe aujourd’hui.
Les scientifiques ont pu montrer que le cation guanidinium s’insère dans la structure cristalline du pérovskite en y améliorant les stabilités thermique et environnementale globales du matériau, surmontant ainsi ce qui est connu sous le nom de « facteur limite de tolérance de Goldschmidt ». Ce facteur indique la stabilité du cristal de pérovskite, décrivant par la même occasion la compatibilité de l’ion inséré. Un facteur de tolérance de Goldschmidt idéal devrait se situer en-dessous de, ou être égal à, 1 ; celui du guanidinium est de 1.03.
Test de stabilité du nouveau matériau à pérovskites MA(1-x)GuaxPbI3 sous un éclairage de lumière continue comparé au MAPbI3 de pointe. Un schéma de l’architecture du dispositif et de la structure cristalline simulée sont aussi fournis (crédit : M.K.Nazeeruddin/EPFL)
L’étude montre que l’addition de guanidinum améliore de manière significative la stabilité matérielle du pérovskite, tout en livrant un rendement énergétique moyen de plus de 19% (19.2 ± 0.4%) et en tenant les résultats stables sur une période de 1000 heures sous un éclairage de lumière continue – ce qui correspond à des essais standards de laboratoire lors de mesures de rendement de matériaux photovoltaïques. Les scientifiques ont estimé que ceci équivaut à 1333 jours (ou 3.7 années) d’usage réel – une estimation basée sur des critères standards dans le domaine.
Le professeur Nazeeruddin explique: “En considérant un facteur standard d’accélération de 2 pour une augmentation de dix degrés de la température, on estime alors un facteur d’accélération de 8 pour 55 °C, au lieu des 25 °C degrés. Ainsi les 1000 heures à 55 °C représentent 8000 heures. Nos cellules ont été soumises à 60 °C, les chiffres pourraient donc être plus élevés. En supposant l’équivalent de 6 heures de plein soleil par jour – ou une moyenne de 250Wm-2 d’irradiance (ce qui équivaut à l’Afrique du Nord) – le nombre total de jours serait de 1333, autrement dit 44.4 mois et 3.7 années de stabilité. Ceci dit, pour une accréditation standard de cellules solaires, on requiert une série de tests de stress, y inclus la chaleur humide et les variations de température. »
« Ceci constitue une étape fondamentale dans le domaine du pérovskite, » dit Nazeeruddin. « Elle offre un nouveau paradigme quant au design des pérovskites ; de nouvelles recherches au-delà du facteur limite de tolérance se poursuivent et des assemblages cationiques pourraient l’emporter, tout en préservant la structure 3D à stabilité améliorée grâce à un nombre plus élevé de liens hydrogène au sein de la structure inorganique – un problème que nous sommes sur le point de résoudre. »
Contributeurs Universidad de Córdoba Abengoa Research Humboldt Universitat zu Berlin Helmholtz-Zentrum Berlin für Materialien und Energie Financement European Commission Horizon 2020 (SOLEDLIGHT) Swiss State Secretariat for Education, Research and Innovation (SERI) Toyota Motor Europe Technical Center Marie Skłodowska Curie fellowship (Horizon 2020 Grant agreement) Spanish Ministry of Economy and Competitiveness European Cooperation in Science & Technology (COST) Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) Référence Alexander D. Jodlowski, Cristina Roldán-Carmona, Giulia Grancini, Manuel Salado, Maryline Ralaiarisoa, Shahzada Ahmad, Norbert Koch, Luis Camacho, Gustavo de Miguel, Mohammad Khaja Nazeeruddin. Large guanidinium cation mixed with methylammonium in lead iodide perovskites for 19% efficient solar cells. Nature Energy 08 December 2017. Auteur : Nik Papageorgiou