“Le nucléaire a perdu son triple AAA énergétique”

Le WWF a fait part de sa critique juste avant la publication mardi par la Cour des comptes du rapport sur les coûts de la filière nucléaire, en indiquant que "l’intérêt de cet audit aura été de pointer l’opacité qui entoure le coût économique de l’énergie nucléaire pour la collectivité."

"Si l’on ajoute les sérieuses interrogations qui restent en suspens concernant la sécurité et la sûreté des installations, on découvre une énergie aux coûts non maîtrisés" a dénoncé l’ONG.

"Cette absence d’informations stabilisées est d’autant plus alarmante que l’EPR de Flamanville démontre l’inflation galopante de la charge financière d’un tel projet nucléaire. En effet, de réévaluations en retards, l’EPR a déjà augmenté sa facture de 25%. Plus grave encore, la lecture du rapport montre que le renforcement de la sûreté, le démantèlement et le stockage des déchets sont mal provisionnés par EDF, pourtant censé anticiper les charges afférentes au démantèlement et à la gestion des déchets comme cela est posé dans la loi du 28 juin 2006."

Notre souveraineté énergétique passe par une inflexion majeure dans les choix établis.

"La plupart des scénarii énergétiques montre qu’il est possible de diviser par 4 les émissions de GES d’ici 2050 tout en limitant la part du nucléaire, voire en l’écartant au fur et à mesure de l’arrivée en fin de vie des réacteurs" a tenu à préciser le WWF.

"Pour cela, il est nécessaire de réorienter la politique énergétique vers le triptyque sobriété/efficacité/énergie renouvelable, seules pistes capables d’augmenter notre indépendance énergétique tout en créant de l’emploi et en jugulant la précarité énergétique. Ces pistes sont d’ailleurs déjà inscrites dans la loi : « obligation est faite à la France de produire 23 % de son énergie par des sources renouvelables d’ici 2020 ». Or, il est bon de rappeler que notre pays n’a que l’embarras du choix entre le solaire, l’éolien, la géothermie, la biomasse et demain, les énergies marines."

"De plus, la simple application des lois Grenelle (concernant en particulier la réglementation thermique des bâtiments) et de la directive Efficacité énergétique 2006 – revue à la hausse dans les prochains mois – se traduira inéluctablement par une réduction des consommations électriques dans notre pays, induisant la fermeture obligatoire de plusieurs réacteurs nucléaires dans les prochaines années. C’est une perspective que les opérateurs n’ignorent évidemment pas."

Enfin, "l’étranglement de la rigueur budgétaire plaide évidemment pour une orientation vers des mesures aux coûts plus faibles et à l’impact positif plus important, notamment sur la balance commerciale. La sobriété énergétique prendra alors tout son sens. Réduire les consommations sans réduire le confort et la compétitivité, c’est automatiser l’éclairage et le chauffage en fonction des conditions, c’est diminuer les vitesses maximales autorisées sur routes, c’est « lutter contre le gaspi » en appliquant des mesures acceptées lors du choc pétrolier de 1973 et oubliées depuis".

Un exercice imparfait mais nécessaire pour préparer un débat public serein sur l’avenir énergétique du pays.

"Contrairement aux conclusions que s’apprête à rendre début février la commission Energie 2050, mise en place par E. Besson, l’avenir énergétique français n’est pas forcément nucléaire. Que les lobbies le souhaitent, c’est une chose. Qu’ils étayent leurs points de vue à grand renfort de modélisation économique, c’est de bonne guerre. Qu’ils cherchent à étouffer le débat et à imposer le prolongement des centrales nucléaires comme principal horizon visible, c’est, 10 mois après le drame de Fukushima, dénier le droit des populations et connaître les risques qu’ils encourent et à choisir leur modèle énergétique."

"Cet audit de la Cour des comptes démontre la nécessité d’améliorer la transparence concernant les coûts des options énergétiques entreprises et interroge fortement le bien fondé de la stratégie énergétique nationale. Il conviendra donc au futur Président de la République de prendre ses responsabilités devant les générations futures en créant les conditions nécessaires à un débat public serein et éclairé sur l’avenir énergétique de notre pays."

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Lepicard

Ne faisant qu’une confiance limité aux médias je me suis procuré le rapport original sur internet. Ce que dit ce rapport est en complète contradiction avec L’affirmation de WWF “d’opacité des coûts”. Le rapport confirme bien les coûts complets d’EDF et les domaines d’incertitude (démantèlement et stockage profond) en précisant que le poids de ces incertitudes n’a que qqs % d’influence sur le coût total. La durée de fonctionnement a beaucoup plus d’impact. C’est une Lapalissade…

Devoirdereserve

Bienvenue à Lepicard. Je vois dans votre commentaire la preuve : – que le rapport est bien écrit – que la transparence est le bon pari, et qu’à l’heure d’Internet et de 80% d’une classe d’âge au bac, la raison finira par triompher de l’obscurantisme.

Dan1

J’ajoute à ce que vous avez écrit que le rapport de la cour des comptes ne fait que confirmer ce que nous savions déjà depuis plus de 10 ans et la parution du très fameux rapport Charpin-Dessus-Pellat que j’ai cité si souvent sur Enerzine. Le seul bémol est la construction des coûts qui est différente à partir de données en grande partie identique. Les journaux ne retiennent qu’un seul coût : le Coût Courant Economique (CCE) évalué à 49,5 euros. Le hic, c’est que la cour des comptes précise très clairement qu’elle évalué ou comparé quatre types différents de coût dont un décliné en deux variantes : 1) Le Coût Comptable de la Production (CCP) à un moment donné 2) Le Coût Courant Economique (CCE) : coût global moyen sur toute la durée de fonctionnement 3) L’approche de la commission Champsaur : coût de production en France sur les 15 prochaines années216, en tenant compte du fait que le parc est déjà en grande partie amorti 4) Le Coût Comptable Complet de Production (C3P) : d’un coût dégressif dans le temps tenant compte d’un objectif de renouvellement du parc dans les conditions de construction actuelle Le C3P est lui-même décliné en deux sous-coûts : – celui calculé par EDF – celui calculé par la Cour des Comptes. Au final on obtient 4 valeurs différentes publiées : 1) CCP = 33,4 €/MWh 2) CCE = 49,5 €/MWh 3) Champsaur = 33,1 €/MWh 4) C3P = 39,8 €/MWh

Dan1

Une observation pour rouget : Les chiffres de Dan1 sont en fait les chiffres de la cour des comptes tels qu’ils doivent être rapportés. Je n’ai fait que recopier le plus exactement possible ce qui est écrit dans le rapport à partir de la page 271 (266/430 du PDF). Je pense qu’il faut vraiment bien lire ce qu’écrit la cour de la page 270 à 280 pour pouvoir décoder ce signifie les coûts annoncés. Cela permet notamment de comprendre ce que signifie ce fameux coût annoncé urbi et orbi, les désormais célèbres 49,5 Euros/MWh. La cour des comptes en donne la définition suivante : “Dans cette approche, on cherche à mesurer le coût annuel de rémunération et de remboursement du capital permettant, à la fin de vie du parc, de reconstituer en monnaie constante le montant de l’investissement initial (c’est-à-dire le montant qui permettrait de reconstruire, à la fin de vie du parc, un parc identique au parc historique).” La cour des comptes précise encore que : “Les résultats de cette méthode sont sensibles au taux de rémunération du capital choisi et, à l’inverse, ils ont une faible sensibilité à la durée de fonctionnement des centrales, ce qui ne permet pas de l’utiliser pour calculer l’impact financier induit par un allongement de la durée de vie du parc.” On voit donc bien qu’il faut manier, avec toutes les précautions d’usage, ce déjà trop célèbre coût de 49,5 Euros le MWh qui ne représente pas le coût du MWh du parc historique amorti, qui lui, est inférieur. En revanche, on peut l’utiliser si on veut continuer le nucléaire après la fin de vie du parc car il faudra alors investir de nouveau dans des réacteurs neufs.

Dan1

J’ai oublié de confirmer ce que dit pamina : tout citoyen libre désirant se forger une opiniuon solide sur le sujet doit absolument lire la synthèse de Sylvestre Huet. Et surtout, ne pas oublier qu’entre ce qui s’écrit dans le journal Libération et les articles de Sylvestre Huet, il y a souvent des divergences majeures. C’est à croire que certains journalistes de Libération ne connaissent pas l’existence de Sylvestre Huet au sein du journal ! C’est dommage, car cela pourrait leur éviter d’écrire des âneries et cela pourrait donc avoir un effet bénéfique sur le crédit qu’on peut leur accorder.

Nicias

Merci Dan1 pour ces précisions. Si j’ai bien compris, dans les 49,5€ on a le coût d’un parc qui a produit, et le coût d’un parc qui produira. C’est nos enfants qui vont être contents, ils auront de l’électricité pas cher avec cette méthode comptable. Mais historiquement, elle a de la pertinence. En fait on a la génération perdante qui a bossé pour construire le parc, puis vient une génération gagnante qui profite des centrales amorties avant que leur obsolescence force la génération suivante à suer comme ses grand-parents. 49,5€, c’est certainement le meilleur calcul si on continue le nucléaire ad eternam (hypothèse audacieuse tout de même). Dans mon modèle à générations, les gagnantes doivent mettre de l’argent de coté pour partager le fardeau des autres (une sorte de fond retraite du nucléaire). PS: Huet le nucléophile est compétant, le huet climato-alarmiste est son Mr Hide et me sort par les trous de nez.

Sicetaitsimple

un beau cadeau, mais peut-être pas pour nos enfants si nous parents ne décidons pas de payer le vrai prix et de constituer un fond ” bétonné” pour les coûts futurs, cf mon post ici, en fait celui qui précède, mais pas sur la même page: