L’eau virtuelle : un baromètre des ressources globales

La plupart des échanges commerciaux impliquent l’utilisation d’une certaine quantité d’eau dans le pays producteur. Bien que «virtuel», le commerce du précieux liquide donne des indications cruciales sur l’évolution des ressources. D’étonnantes conclusions sont publiées cette semaine dans PNAS.

Plus de six fois le volume du lac Léman, soit 567 milliards de litres. Tel a été le bilan, en 2007, des «échange d’eau virtuelle» à l’échelle de la planète. C’est deux fois plus qu’en 1986!

Tout bien produit à un certain endroit, en particulier les biens agricoles, nécessite de l’eau. L’importer dans un pays étranger revient en quelque sorte à l’importer elle-même, d’où la notion d’«eau virtuelle». «Ce concept prend tout son intérêt lorsqu’on l’observe en terme de flux entre les pays, et surtout d’évolution de ces flux», explique Andrea Rinaldo, directeur du Laboratoire d’écohydrologie (ECHO) de l’EPFL. Il a été développé il y a une vingtaine d’année par un chercheur britannique, John Anthony Allan, du King’s College de Londres.

Le chercheur de l’EPFL publie cette semaine, dans Proceedings of the National Academy of Science (PNAS) et en partenariat avec l’Université Princeton, une nouvelle étude basée sur cette notion. Celle-ci compare les échanges d’eau virtuelle entre 1986 et 2007, et observe par exemple que l’Asie a fait augmenter ses importations de plus de 170% durant cette période. La Chine, en particulier, a fait exploser la statistique, surtout à cause d’une décision politique qui s’est traduite, dès 2000, par des achats massifs de soja. Le pays se fournit désormais essentiellement au Brésil. Cela implique certes une moins grande utilisation d’eau d’irrigation que pour la production domestique, mais au prix d’une pression encore plus forte sur la forêt amazonienne… De façon générale, l’Asie trouve désormais en Amérique du Sud ses principaux partenaires commerciaux pour l’eau virtuelle.

L'eau virtuelle : un baromètre des ressources globales

Ces graphiques matérialisent l’évolution des flux commerciaux d’eau virtuelle entre les continents, de 1986 à 2007.

«L’un de nos constats les plus remarquables est toutefois que la globalisation alimentaire induit une efficacité accrue dans la gestion globale des ressources en eau», estime Andrea Rinaldo. A l’instar de la Chine pour le soja, les pays moins efficaces du point de vue de l’utilisation de l’eau importent davantage en provenance de pays mieux arrosés. En 2007, cela s’est traduit par une augmentation globale de 9% du rendement agricole par litre d’eau utilisé.

Un réseau auto-organisé

Les chercheurs de Princeton et de l’EPFL observent que chaque pays est connecté à 47 partenaires en moyenne. «Il est intéressant de remarquer que les échanges se sont auto-organisés en réseaux, avec des liens et des nœuds, et que ceux-ci se réarrangent d’eux-mêmes, par exemple en cas d’embargo économique», commente le spécialiste. Environ 6500 de ces liens ont pu être dénombrés en 2007, un nombre qui a doublé entre 1986 et 2001 avant de se stabiliser.

La compréhension de ces réseaux fournit de précieux outils pour établir des prévisions économiques et sociales de portée planétaire. Elles mettent en lumière une utilisation d’eau qui, à l’échelle d’un pays, peut se révéler non durable. «Nous pouvons désormais formuler des hypothèses sur l’évolution future de ces échanges et entrevoir quels seront les pays riches et les pays pauvres du futur. Notre espoir est que cela contribuera à ce que la croissance de la population ne condamne pas certaines régions du monde à la famine.»

            

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