Les LEDs dangereuses pour l’oeil ?

Utilisées depuis de nombreuses années dans l’électronique comme sources de lumières faibles et mono- chromatiques pour des applications de témoins lumineux, les diodes électro- luminescentes (LED1) sont des sources d’éclairage en plein développement technologique et économique.

Elles trouvent aujourd’hui leur place dans des systèmes d’éclairage à part entière : feux de signalisation, éclairage portatif, feux de véhicules et éclairages domestiques d’ambiance, par exemple ou encore, de plus en plus comme source d’éclairage des lieux de travail.

La première LED à spectre visible a été créée en 1962, émettant une intensité lumineuse extrêmement faible. La diode bleue a été inventée en 1990, suivie par la mise au point de la diode blanche, qui a permis de nouvelles applications majeures, notamment dans le domaine de l’éclairage et des écrans de télévisions et d’ordinateurs.

Les premières LED blanches sont peu à peu apparues sur le marché et sont maintenant de plus en plus puissantes2 (de l’ordre de plusieurs Watts). Pour produire de la lumière blanche, le procédé le plus répandu couple une LED bleue à un phosphore jaune.

La société OSYRIS3 s’est inquiétée, dans un courrier à destination de l’Institut de veille sanitaire (InVS) datant du 27 décembre 2007, des possibles impacts des LED sur la rétine. Dans ce courrier était souligné le lien possible entre l’exposition de l’oeil à des rayonnements de longueurs d’ondes courtes, proches des ultraviolets (caractéristiques des spectres lumineux des LED) et le risque d’induire une pathologie oculaire : la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

Sur proposition de son Comité d’Experts Spécialisés (CES) « Agents Physiques, Nouvelles Technologies et Grands Aménagements », et après validation par son conseil scientifique, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a engagé une auto-saisine sur la question des impacts sanitaires liés à l’usage des systèmes d’éclairage par LED.

Cette auto-saisine s’est intéressée tant aux questions de l’éclairage public qu’aux questions d’éclairage sur les lieux de travail.

L’éclairage représente en France 10 % de la consommation électrique totale, soit 350 kW/h par an et par ménage 4. Les LED sont des systèmes d’éclairage beaucoup moins consommateurs d’énergie que d’autres types d’éclairage et ont des durées de vie beaucoup plus longues.

Les lampes à incandescence ont une efficacité lumineuse de l’ordre de 10 à 15 lumens5 par Watt (lm / W), les lampes halogènes de l’ordre de 15 à 30 lm / W, les lampes fluorescentes compactes de l’ordre de 50 à 100 lm / W. Actuellement, certaines LED atteignent des rendements allant jusqu’à 100 à 150 lm / W, avec des prévisions pour 2020 de l’ordre de 200 lm / W6.

La définition de la durée de vie d’une LED n’est pas à ce jour normalisée.
Les LED ont actuellement des durées de vie importantes (estimées jusqu’à 50 000 h7, soit cinquante fois celles des lampes à incandescence, et 3 à 5 fois celles des lampes fluorescentes compactes).

La technologie des LED, qui présente certains avantages par rapport aux autres types d’éclairage (efficacité énergétique, durée de vie), est en pleine évolution mais la qualité de la lumière (température de couleur8, indice de rendu de couleur9) émise par ces lampes ne présente pas toujours le même niveau de performances que les autres sources d’éclairage. À l’heure actuelle, l’impact environnemental des LED est nettement moins bon que les autres types d’éclairage.

Des composantes intenses dans la partie bleue du spectre de la lumière émise par les LED, ainsi que des intensités de rayonnement très importantes émises par ces sources quasiment ponctuelles font craindre de nouveaux risques sanitaires liés à ces sources d’éclairage.

Les effets sur l’oeil
:

– Risque lié à un effet thermique de la lumière

Le risque d’effet thermique est associé à une brûlure de la rétine résultant généralement d’une exposition de courte durée à une lumière très intense. Ce type de danger concerne toutes les longueurs d’onde, de l’ultraviolet à l’infrarouge en passant par le visible. Ce type de risque associé aux lasers est peu probable dans un usage classique des LED.

– Risques liés aux effets photochimiques de la lumière bleue

Le risque d’effet photochimique est associé à la lumière bleue et son niveau dépend de la dose cumulée de lumière bleue à laquelle la personne a été exposée. Ainsi, il s’agit généralement d’expositions modérées répétées sur de longues durées.

– Risques liés à l’éblouissement

Il existe deux types d’éblouissement : l’éblouissement d’inconfort et l’éblouissement d’incapacité.

L’éblouissement d’inconfort produit une sensation désagréable, sans nécessairement troubler la vision des objets. Il est lié à la luminance du luminaire et aux différences de contrastes. Il est associé à une baisse transitoire des performances visuelles.

L’éblouissement d’incapacité trouble la vision des objets (apparition d’une luminance de voile) sans provoquer nécessairement une sensation désagréable. Il est lié à la quantité de lumière incidente sur l’oeil et à la luminance du luminaire. Il est susceptible d’entrainer des accidents domestiques (notamment chute de plain-pied ou de hauteur) ou de la route (collision), etc.

En raison notamment du caractère ponctuel de leur surface d’émission, les LED ont des luminances au moins 1 000 fois plus élevées que celles d’une source d’éclairage traditionnelle.

Le niveau de rayonnement direct de ce type de source dépasse largement le niveau d’inconfort visuel. Le groupe de travail a mesuré des luminances supérieures à 10 000 000 cd / m² sur certaines LED d’une puissance électrique de 1 W (disponibles dans le commerce pour une utilisation domestique).

Dans les systèmes d’éclairage à LED disponibles sur le marché, les LED sont souvent directement apparentes afin de ne pas atténuer le niveau d’éclairement produit. Ceci conduit à un non respect des exigences normatives (ergonomie visuelle et exigences de sécurité) de l’éclairage relatives à la limitation des luminances élevées dans le champ visuel.

D’autres effets :

– Risque de perturbation de l’horloge biologique et de la contraction pupillaire

L’horloge biologique et la contraction pupillaire sont régulées chez l’homme par des longueurs d’onde situées autour de 480 nm qui suppriment la production de mélatonine (hormone participant à la régulation de l’horloge biologique et donc du cycle circadien).

Les LED présentent un spectre fondamentalement différent de celui de la lumière naturelle, avec une très faible proportion à 480 nm. Ceci pourrait exposer à un risque de dérèglement de l’horloge biologique et, par conséquent, des rythmes circadiens. Ces risques seraient accrus par des températures de couleur élevées (blanc froid et bleu), que l’on rencontre fréquemment dans les systèmes d’éclairage à LED.

Le dérèglement de l’horloge biologique peut induire des conséquences métaboliques, thymiques (dépression, troubles de l’humeur), troubles des cycles veille/ sommeil, etc.

Par ailleurs, la contraction pupillaire réflexe en forte luminance est induite par ces mêmes longueurs d’onde. Elle pourrait être réduite en présence d’éclairage à LED, conduisant à un éclairement rétinien plus important et une augmentation des risques associés à la lumière bleue.

– Risque lié au papillotement de la lumière émise par les LED

Conséquence de leur mode d’alimentation électronique, la lumière des LED peut présenter des fluctuations rapides et de grande amplitude. Cette fluctuation de la lumière, liée au fait que les LED ne présentent qu’une très faible rémanence, est le plus souvent imperceptible par le système visuel. En situation de mouvement ou dans des espaces confinés avec des variations périodiques de contraste, elle peut être responsable d’effets stroboscopiques. Ces effets stroboscopiques, qui n’ont cependant jamais été étudiés en profondeur, peuvent avoir une incidence directe sur la santé (crises d’épilepsie pour les sujets à risques), les performances visuelles et la sécurité.

Une publication10 récente a montré que des LED pouvaient présenter des fluctuations de lumière à des fréquences auxquelles correspondent des effets sanitaires (3 à 60 Hz pour les fluctuations visibles et de 120 à 150 Hz pour les fluctuations non-visibles).

Les recommandations :

Pour l’Anses, il est nécessaire de restreindre la mise sur le marché « grand public » des systèmes d’éclairage à LED pour n’autoriser que des LED ne présentant pas plus de risques liés à la lumière bleue que les éclairages traditionnels. Par ailleurs, l’Anses recommande d’adapter la norme NF EN 62 471 relative à la sécurité photobiologique des lampes aux spécificités des LED et de prendre en compte les populations sensibles et les personnes particulièrement exposées (certaines populations de travailleurs : installateurs éclairagistes, métiers du spectacle, etc.).

L’Anses recommande également que les normes relatives au confort et à l’ergonomie visuelle soient respectées sur les lieux de travail et dans les foyers. Dans ce sens, l’Anses recommande de diminuer les luminances des LED, notamment par des dispositifs optiques ou des luminaires adaptés, pour limiter les risques d’éblouissement.

Afin de mieux informer le consommateur, l’Anses recommande également que l’étiquetage informatif des systèmes d’éclairage présente clairement des informations concernant la qualité de la lumière et le niveau de sécurité photobiologique selon la norme NF EN 62 471.

 

 

TELECHARGER LES DOCUMENTS (.PDF) :

 Avis «Effets sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (LED)» – octobre 2010 (120 Ko)  

 Synthèse «Effets sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (LED)» – octobre 2010 (85 Ko) 

 Rapport «Effets sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (LED)» – octobre 2010 (7,3 Mo) 

 Couverture du rapport «Effets sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (LED)» – octobre 2010 (1 Mo) 

Notes :

1 Nous utiliserons le terme « LED » pour désigner les diodes électroluminescentes, plutôt que l’acronyme français DEL, beaucoup moins usité.
2 Source ADEME : « Les LED de faible puissance c’est-à-dire inférieure à 1 Watt sont utilisées comme voyant lumineux sur les appareils électroménagers par exemple. Les LED de forte puissance c’est-à-dire supérieure à 1 Watt supportent des courants plus importants (jusqu’à 1 500 mA) et fournissent d’avantages de lumière (135 lm / W) »
3 Société française spécialisée autour des lasers et leurs applications dans les domaines médical et
industriel.

4 Source ADEME 2010
5 Le lumen est l’unité utilisée pour quantifier le flux lumineux
6 La limite théorique de l’efficacité lumineuse des sources lumineuses est fixée à 683 lm/W.
7 Source ADEME 2010
8 La température de couleur d’une lumière blanche permet de définir sa teinte, plus ou moins chaude ou froide ; les lumières de teintes chaudes « tirent » sur le jaune-orangé et ont une température de couleur inférieure à 3 000 K. Plus la température de couleur augmente et plus la teinte est dite « froide ».
9 L’Indice de Rendu des Couleurs (IRC) est un indice compris entre 0 et 100 qui définit l’aptitude d’une source lumineuse à restituer les différentes couleurs des objets qu’elle éclaire, par rapport à une source de référence. La lumière solaire a un IRC de 100, tandis que certaines lampes à vapeur de sodium basse pression (utilisées dans les tunnels routiers par exemple) ont un IRC de 20. Dans les magasins, les locaux scolaires ou les bureaux, l’IRC devrait toujours être supérieur à 80.
10 A Review of the Literature on Light Flicker: Ergonomics, Biological Attributes, Potential Health Effects, and Methods in Which Some LED Lighting May Introduce Flicker, IEEE Standard P1789 (2010)

         

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Pastilleverte

ne surtout pas affoler les populations… au passage, il faudrait recommander de ne pas regarder le soleil en fac, même avec des protections, faire attention à ne pas rester trop longtemps devant des écrans, TV ou ordinateurs, d’éviter de fixer une ampoule, quel que soit son modèle, son âge et sa puissance etc…

Anonyme

Tout à fait d’accord avec Pastilleverte… Certaines technologies sont à tort bien vite accusées. Le bon sens, cela s’apprend-il ?

michel123

Pour éviter une sur représentation du bleu il n’est besoin que d’interposer un filtre pour diversifier les rayonnements et eviter une lumière monochromatique qui pourrait effectivement aggresser rétines et cristalins . Ou encore plus simple , faire un mélange de plusieurs couleurs de led afin de mieux représenter le spectre solaire.

Pastilleverte

encore merci pour ces explications, vous êtes un vrai “puits de science”…