Lorsqu’un insecte est pris dans le piège mortel de la Dionée attrape-mouche, plus connue sous le nom de Venus Flytrap, que se passe-t-il au cœur de cette plante carnivore ? De récentes découvertes technologiques ont jeté une lumière nouvelle sur les phénomènes électriques qui déclenchent le mécanisme de fermeture du piège.
Il est bien connu que notre système nerveux envoie des impulsions électriques. Mais qu’en est-il des plantes, qui ne possèdent pas de système nerveux ? La réponse est oui. Les plantes génèrent des signaux électriques en réponse au toucher et aux facteurs de stress, comme les blessures causées par les herbivores ou les attaques sur leurs racines. Contrairement aux animaux, qui peuvent se déplacer pour éviter le danger, les plantes doivent faire face aux facteurs de stress là où elles poussent.
« Il est essentiel que nous comprenions comment les plantes réagissent au stress. Je pense que cette nouvelle technologie peut contribuer à ce domaine de recherche. » déclare Eleni Stavrinidou, professeure associée au Département des Sciences et de la Technologie de l’Université de Linköping, en Suède, et leader du groupe Plantes Électroniques.
Les mouvements rapides et les signaux électriques
Dans certaines plantes, les signaux électriques sont corrélés à des mouvements rapides. La Dionée attrape-mouche est un modèle de choix pour les chercheurs qui étudient la signalisation électrique rapide dans les plantes. Cette plante possède des poils sensoriels à l’intérieur de ses pièges. Le mouvement d’un insecte déclenche un mécanisme qui fait se refermer le piège. L’insecte capturé est ensuite décomposé par une enzyme, et la plante absorbe les nutriments.
Mais pour que le piège se ferme, les poils sensoriels doivent être touchés deux fois en l’espace de 30 secondes environ. De cette manière, la plante économise de l’énergie en évitant de se refermer chaque fois qu’un poil est stimulé par autre chose qu’une proie potentielle.
Comment fonctionne la signalisation électrique chez les plantes ?
La signalisation électrique chez les organismes vivants repose sur une différence de tension entre l’intérieur des cellules et l’environnement extérieur. Lorsqu’un signal est déclenché, par exemple par une stimulation mécanique sous forme de courbure d’un poil sensoriel, des ions se déplacent très rapidement à travers la membrane cellulaire. Le changement rapide de tension génère une impulsion qui se propage.
Nous connaissons bien le fonctionnement des impulsions nerveuses chez l’homme et chez les autres animaux. Mais en ce qui concerne les plantes, qui ne disposent pas d’un système nerveux, beaucoup reste à découvrir.
Une technologie de pointe pour comprendre la Dionée
Dans une étude publiée dans Science Advances, les chercheurs présentent une technologie de réseaux multi-électrodes utilisée pour examiner l’apparition et la propagation du signal électrique dans une Dionée attrape-mouche. Cette nouvelle technologie a été développée par des chercheurs de l’Université de Linköping en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Columbia.
Le nouvel appareil de mesure se compose d’un film très fin avec des électrodes à l’intérieur. Étant aussi mince que le film plastique utilisé pour couvrir les aliments, il suit la courbure de l’extérieur des lobes de la plante. Les chercheurs ont stimulé un poil sensoriel et ont mesuré le signal dans le lobe à l’aide d’une trentaine d’électrodes. Ils ont également filmé les mouvements de la plante, afin de pouvoir corréler le signal électrique avec la fermeture du piège de la Dionée.
« Nous pouvons maintenant affirmer avec certitude que le signal électrique provient des poils sensoriels de la Dionée attrape-mouche. Avec notre technologie, nous pouvons également voir que le signal se propage principalement de manière radiale à partir du poil, sans direction précise », explique Eleni Stavrinidou.
En synthèse
La technologie bio-électronique a permis d’avancer dans la compréhension des mécanismes de la Dionée attrape-mouche, révélant l’origine précise des signaux électriques dans cette plante carnivore. Elle a aussi démontré que ces signaux peuvent parfois être spontanés, même sans stimulation directe des poils sensoriels. Ces découvertes sont un premier pas vers une meilleure connaissance de la réponse des plantes au stress, ce qui pourrait ouvrir de nouvelles voies dans la recherche agricole et forestière.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce que la signalisation électrique chez les plantes ?
C’est un phénomène par lequel les plantes génèrent des signaux électriques en réponse au toucher et aux facteurs de stress. C’est un domaine de recherche relativement nouveau, et beaucoup reste à découvrir.
Qu’est-ce que la Dionée attrape-mouche ?
C’est une plante carnivore qui utilise un piège mécanique pour capturer et digérer des insectes. Les mouvements rapides de cette plante sont déclenchés par des signaux électriques générés en réponse à la stimulation de ses poils sensoriels.
Comment la technologie bio-électronique aide-t-elle à étudier ces phénomènes ?
Une technologie récente, le réseau multi-électrodes, permet de mesurer les signaux électriques à différents endroits de la plante en même temps. Cela a permis aux chercheurs de déterminer avec précision l’origine et la propagation de ces signaux.
Légende illustration principale : Abdul Manan Dar et Eleni Stavrinidou, de l’université de Linköping, en Suède, montrent comment la technologie des réseaux multi-électrodes peut être utilisée pour examiner l’émergence et la propagation du signal électrique dans un piège à mouches de Vénus.
Article : Plant electrophysiology with conformable organic electronics: Deciphering the propagation of Venus flytrap action potentials – DOI : 10.1126/sciadv.adh4443