La course à pied entre les robots et les animaux soulève une question fascinante : qui l’emporterait dans une compétition d’endurance et de vitesse ? Une équipe d’ingénieurs américains et canadiens s’est penchée sur cette énigme, analysant des données issues de nombreuses études. Leurs conclusions, publiées dans la revue Science Robotics, révèlent que malgré les progrès technologiques, les organismes biologiques conservent l’avantage sur leurs homologues robotiques.
Une supériorité animale indéniable
Les chercheurs, menés par Samuel Burden de l’Université de Washington et Maxwell Donelan de l’Université Simon Fraser, ont constaté que dans presque tous les cas, les animaux, qu’il s’agisse de guépards, de cafards ou même d’êtres humains, semblent capables de surpasser les robots en termes de vitesse et d’agilité. Kaushik Jayaram, roboticien à l’Université du Colorado à Boulder et co-auteur de l’étude, admet : « En tant qu’ingénieur, c’est assez déconcertant. Malgré plus de 200 ans d’ingénierie intensive, nous avons réussi à envoyer des engins spatiaux sur la Lune et sur Mars, mais nous n’avons pas encore de robots significativement meilleurs que les systèmes biologiques pour se déplacer dans des environnements naturels. »

Cette conclusion ne serait pas due à des lacunes dans un composant spécifique, comme les batteries ou les actionneurs, mais plutôt à la difficulté de faire fonctionner efficacement ces éléments ensemble. Kaushik Jayaram espère que cette étude inspirera les ingénieurs à concevoir des robots plus adaptables et agiles, à l’image des araignées-loups qu’il étudie dans son laboratoire. Ces prédateurs naturels sont capables de se déplacer à une vitesse incroyable sur des terrains complexes pour capturer leurs proies.
Vers une approche biomimétique
Pour comprendre les défis auxquels sont confrontés les robots, les auteurs ont décomposé ces machines en cinq sous-systèmes : alimentation, structure, actionnement, détection et contrôle. Étonnamment, peu de ces sous-systèmes semblent inférieurs à leurs équivalents animaux. Les batteries lithium-ion de haute qualité, par exemple, peuvent fournir jusqu’à 10 kilowatts de puissance par kilogramme, contre environ un dixième pour les tissus animaux. Les muscles, quant à eux, ne peuvent rivaliser avec le couple absolu de nombreux moteurs.
Cependant, au niveau du système global, les robots ne sont pas aussi performants. Kaushik Jayaram explique : «Nous sommes confrontés à des compromis de conception inhérents. Si nous essayons d’optimiser une chose, comme la vitesse de déplacement, nous risquons de perdre sur autre chose, comme la capacité à tourner.»

Les animaux, en revanche, ne sont pas divisés en sous-systèmes distincts comme les robots. Les quadriceps, par exemple, propulsent les jambes tout en produisant leur propre énergie et en intégrant des neurones capables de détecter la douleur et la pression.
L’avenir de la robotique : des matériaux robotiques innovants
Pour construire des robots qui, comme les animaux, sont plus que la somme de leurs parties, Kaushik Jayaram suggère le développement de «sous-unités fonctionnelles» intégrant alimentation, moteurs et circuits dans un seul composant. Bien que les ingénieurs soient encore loin d’atteindre cet objectif, certains, comme Jayaram avec son robot CLARI (Compliant Legged Articulated Robotic Insect), progressent dans cette direction. CLARI s’appuie sur une conception modulaire, chaque patte agissant comme un robot autonome avec son propre moteur, ses capteurs et ses circuits de contrôle.
La nature reste une source d’inspiration précieuse pour les ingénieurs. En étudiant les prouesses des animaux, comme les araignées-loups, ils pourront concevoir des robots toujours plus performants et adaptables, capables de se déplacer avec aisance dans des environnements variés et complexes.

Légende illustration : The mCLARI robot designed by engineers at CU Boulder poses next to a spider. Crédit : Heiko Kabutz
Article : « Why animals can outrun robots » – DOI: 10.1126/scirobotics.adi9754