Une nouvelle étude coordonnée par des scientifiques du Centre de recherche de Jülich en Allemagne montre que la visibilité des installations d’énergie renouvelable – telles que les éoliennes et les panneaux solaires – a un impact sur leur niveau d’acceptation par le public et sur les coûts de la transition énergétique en Allemagne.
De nombreuses personnes ne souhaitent pas voir les installations d’énergie renouvelable dans leur vie quotidienne. Les éoliennes, en particulier, sont souvent considérées comme une « horreur ». Pourtant, elles sont essentielles pour un avenir sans impact sur le climat. Les chercheurs ont donc examiné de plus près deux facteurs d’implantation : la beauté du paysage et la densité de population. Serait-il possible d’éloigner les éoliennes et les panneaux solaires des zones densément peuplées et des paysages particulièrement beaux ? Et quels seraient les coûts à supporter ?
« La beauté est subjective, bien sûr », affirme Jann Weinand, coauteur de l’étude. « Mais la manière dont les gens évaluent la beauté d’un paysage peut être évaluée à l’aide d’enquêtes et de méthodes statistiques. » Une telle évaluation a été réalisée dans une étude de 2018. Dans le cadre de cette étude, plus de 3 500 personnes ont été invitées à évaluer la beauté des paysages sur plusieurs centaines de photos. « Cette évaluation a servi de base à notre étude », ajoute t-il.
Le deuxième aspect examiné par les scientifiques est la densité de population. « Plus une zone est densément peuplée, plus la population est affectée par l’impact des installations énergétiques », explique Tsamara Tsani, collègue de Weinand. « On trouve bien sûr des panneaux solaires sur les balcons des grandes villes, mais il n’est généralement pas possible de réaliser des installations solaires plus importantes. Quant aux éoliennes, on ne les trouve généralement qu’à la périphérie des grandes villes. »
À l’abri des regards, mais à quel prix ?
À l’aide d’outils cartographiques de pointe, les chercheurs ont analysé à partir de quels endroits en Allemagne les futures installations potentielles d’énergie éolienne et solaire seraient visibles. Ils ont ensuite simulé des plans de systèmes énergétiques dans lesquels ces installations n’étaient pas érigées à des endroits où elles pourraient être visibles depuis des paysages pittoresques ou des villes animées.
Les résultats : Le fait d’éviter la visibilité uniquement depuis les zones les plus belles ou les plus peuplées n’a pratiquement aucun impact sur les coûts du système énergétique. En revanche, si les éoliennes et les installations solaires au sol étaient totalement dissimulées, y compris à proximité des villes et villages de petite et moyenne taille et des paysages moins attrayants, les coûts du secteur de l’énergie pourraient augmenter de 38 % (24 milliards d’euros) par an d’ici à 2045.
« Pour compenser cette hausse, le pays devrait accélérer massivement l’expansion des installations solaires sur les toits et des parcs éoliens en mer – une tâche ambitieuse », indique M. Weinand. Les importations d’hydrogène vert deviendraient également nécessaires plus tôt, ce qui réduirait la flexibilité du système et augmenterait la dépendance de l’Allemagne à l’égard des autres pays.

Équilibre entre beauté et durabilité
En Allemagne, l’expansion des énergies renouvelables s’est rarement faite à proximité de zones densément peuplées ou de paysages particulièrement beaux. Il s’agit soit d’une décision délibérée, soit d’une question d’espace. « Seuls 3 % des éoliennes existantes sont visibles depuis les plus belles régions, et seulement 2 % des systèmes photovoltaïques », précise M. Weinand. La situation est similaire dans les zones densément peuplées.
Toutefois, une grande partie de l’expansion des énergies renouvelables est encore à venir. « Cette étude fournit aux décideurs politiques un outil pour une planification plus intelligente », déclare encore le chercheur. « Ils peuvent respecter les paysages et les régions densément peuplées sans faire peser une charge financière inutile sur les villes et les municipalités, s’ils agissent de manière stratégique. »
Quelles sont les prochaines étapes ?
La nouvelle méthode, connue sous le nom d’« analyse inversée du bassin visuel », permet d’identifier les zones « sans regret », c’est-à-dire les endroits où des installations énergétiques peuvent être construites sans gâcher la vue sur le paysage ni déranger les habitants. Elle peut être adaptée à d’autres pays et servir de guide pour une planification énergétique rentable.
« Alors que l’Allemagne s’apprête à atteindre ses objectifs climatiques pour 2045, cette étude offre une feuille de route pour maîtriser le difficile équilibre entre l’esthétique, les coûts et l’énergie propre », conclut M. Weinand.
Publication originale : « Quantifying the trade-offs between renewable energy visibility and system costs » par Tsamara Tsani, Tristan Pelser, Romanos Ioannidis, Rachel Maier, Ruihong Chen, Stanley Risch, Felix Kullmann, Russell McKenna, Detlef Stolten, Jann Michael Weinand, Nature Communications. DOI: 10.1038/s41467-025-59029-1
Légende illustration : Une nouvelle étude montre comment le fait de cacher les parcs éoliens et solaires pourrait affecter l’avenir de l’énergie en Allemagne Copyright : – Forschungszentrum Jülich / Sascha Kreklau