Ali Abbas, University of Sydney; Dominic Bui Viet, University of Sydney, et Eric Sanjaya, University of Sydney
Chaque année, l’Australie enfouit des millions de tonnes de déchets dans des décharges. Mais ces sites se remplissent rapidement, le recyclage a ses propres limites et la plupart des exportations de déchets sont interdites. Les conseils municipaux et les gouvernements des États cherchent donc des solutions de remplacement. </Plusieurs incinérateurs à grande échelle ont été proposés pour transformer les déchets solides municipaux en électricité. L’un d’entre eux est déjà opérationnel dans la banlieue de Perth.
Le projet de récupération d’énergie de Parkes, d’une valeur de 1,5 milliard de dollars australiens, prévu en Nouvelle-Galles du Sud, serait le plus important d’Australie. Toutefois, la réaction de la population face aux risques potentiels pour la santé pourrait remettre en question ce projet.
En tant qu’ingénieurs chimistes, nous reconnaissons les avantages potentiels de cette technologie. Les installations modernes exploitées dans le monde entier montrent que ces processus peuvent être efficaces, sûrs et contrôlés sur le plan environnemental. Toutefois, un risque minimal ne signifie pas un risque nul. Il est essentiel de comprendre les avantages et les inconvénients de cette technologie pour répondre aux préoccupations de la communauté.
Qu’est-ce que la valorisation énergétique des déchets ?
La valorisation énergétique des déchets, également connue sous le nom de energy-from-waste, permet de transformer en électricité, en chaleur ou en carburant des déchets qui seraient autrement destinés à être mis en décharge.
Cela ne remplace pas le recyclage. Il s’agit plutôt d’une solution pour les matériaux qui sont difficiles ou impossibles à recycler. Il faut toutefois veiller à ce que les technologies de valorisation énergétique des déchets complètent les efforts de recyclage au lieu de les supplanter.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Il existe trois principaux types de technologies de valorisation énergétique des déchets :
Thermiques : elles utilisent la chaleur pour produire de la vapeur, qui fait tourner des turbines pour créer de l’électricité. La chaleur peut provenir de la combustion des déchets, qui produit du dioxyde de carbone, de l’eau et des cendres. Les déchets solides peuvent également être transformés en gaz (hydrogène et monoxyde de carbone). Ce processus est connu sous le nom de gazéification.
Biologique : les micro-organismes sont utilisés pour décomposer la matière organique dans le flux de déchets, produisant du biogaz, principalement du méthane. Ce gaz est ensuite utilisé pour produire de l’électricité ou de la chaleur.
Chimique : utilise des procédés tels que la pyrolyse ou la liquéfaction hydrothermale pour convertir les matériaux difficiles à recycler en combustibles ou en produits chimiques. Ceux-ci peuvent alimenter les processus industriels et de fabrication.
Qu’est-ce qui retient l’Australie ?
Lorsque la plupart des Australiens entendent parler de la production d’énergie à partir de déchets, ils pensent à des incinérateurs démodés. Ces installations obsolètes rejetaient de la fumée et des toxines dans l’air.
Mais les incinérateurs modernes utilisent des systèmes avancés de contrôle de la pollution de l’air qui capturent les émissions nocives.
Certains utilisent l’électricité statique pour éliminer les particules de poussière ou de fumée du flux gazeux. D’autres systèmes de contrôle de la pollution comprennent des laveurs de gaz acides, des convertisseurs catalytiques et des filtres en tissu.
Ces systèmes peuvent réduire les émissions de particules fines de jusqu’à 99 %.
Le volume des déchets mis en décharge est également réduit jusqu’à 90 %. Ce qui reste comprend les cendres résiduelles de l’incinérateur et les cendres volantes. Ces dernières peuvent souvent être réutilisées pour fabriquer du béton, des revêtements et d’autres matériaux de construction. Mais il faudra surmonter les problèmes de réglementation avant que cela ne soit possible en Australie.
Introduction du projet Parkes
Le projet Parkes Energy Recovery, annoncé en mars, promet de traiter environ 600 000 tonnes de déchets par an. Cela devrait permettre de produire au moins 60 mégawatts d’électricité, soit suffisamment pour alimenter 80 000 foyers.
Pour recevoir l’autorisation de développement, le projet doit se conformer à des normes environnementales et sanitaires strictes normes. Il faut notamment préparer une déclaration d’impact sur l’environnement et une évaluation des risques pour la santé humaine. L’autorité de protection de l’environnement de la Nouvelle-Galles du Sud peut ensuite délivrer une autorisation de protection de l’environnement. Cette licence nécessite une surveillance continue et des audits fréquents.
Une vaste consultation des communautés est en cours.
Autres projets en Australie
Il existe deux usines de valorisation énergétique des déchets en Australie occidentale, l’une à Kwinana et l’autre en cours de construction à East Rockingham. Une troisième usine a reçu le feu vert dans l’État de Victoria, à Maryvale.
Kwinana a reçu sa première livraison de déchets en juillet 2024.
Les permis de construire d’autres grandes installations de valorisation énergétique des déchets ont été délivrés dans l’État de Victoria. Diverses propositions sont également à l’étude en Nouvelle-Galles du Sud, au Queensland et en Australie-Méridionale.
Tirer des enseignements de l’étranger
La pénurie de décharges dans les villes d’Europe et d’Asie a d’abord favorisé l’investissement dans la technologie de la valorisation énergétique des déchets. Ces centrales électriques sont désormais monnaie courante en Allemagne, aux Pays-Bas et au Japon, ce qui réduit considérablement la dépendance à l’égard des décharges.
L’usine Amager Bakke à Copenhague montre comment ces installations peuvent également enrichir une communauté. Ce bâtiment primé sert également d’espace de loisirs public, avec une piste de ski sur le toit.
En Chine, le projet de centrale de valorisation énergétique des déchets dehenzhen East pourrait traiter 5 000 tonnes de déchets par jour. Cela représente 1,8 million de tonnes de déchets par an, si l’usine fonctionne en continu.
La valorisation énergétique des déchets et l’économie circulaire
La technologie de valorisation énergétique des déchets est utile dans le cadre de la transition vers une économie circulaire. Il s’agit d’une économie dans laquelle les ressources sont continuellement recyclées dans le système et ne sont jamais gaspillées.
La réutilisation, le recyclage et la réduction des déchets doivent rester des priorités absolues. La technologie de valorisation énergétique des déchets ne devrait être utilisée qu’en dernier recours, pour extraire de la valeur des matériaux difficiles ou impossibles à recycler.
C’est certainement mieux que d’envoyer les déchets à la décharge. Lorsqu’ils sont enfouis sous terre, les déchets peuvent lixivier des toxines dans le sol, le sol et les eaux de surface. Le puissant gaz à effet de serre méthane est également libéré lorsque les aliments pourrissent dans les décharges.
Une dépendance excessive à l’égard de la valorisation énergétique des déchets pourrait supplanter les efforts de recyclage circulaire plus durables. Mais les usines d’incinération sont en train d’être réduites en Europe, à mesure que l’accent est mis sur la réutilisation.
Les arguments en faveur de la valorisation énergétique des déchets
Malgré son potentiel, la technologie de valorisation énergétique des déchets reste controversée en Australie. Certaines communautés locales restent préoccupées par les émissions et les risques potentiels pour la santé à long terme. Les groupes de défense de l’environnement s’interrogent également sur les effets potentiels de cette technologie sur les taux de recyclage.
Néanmoins, la prise de conscience croissante des limites du recyclage, l’augmentation des taxes sur les décharges, l’interdiction des exportations de déchets, et les ambitieuses stratégies fédérales et étatiques d’économie circulaire font de la production d’énergie à partir de déchets une option plus pragmatique. Une réglementation stricte et une consultation des communautés seront nécessaires pour que ces projets puissent voir le jour.
L’utilisation responsable de la technologie moderne de valorisation énergétique des déchets peut produire de l’électricité et de la chaleur pour les habitations avec un minimum d’émissions, et peut étendre les bénéfices au profit des communautés locales. Elle peut également compléter les objectifs de l’Australie en matière d’énergie renouvelable tout en adoptant une meilleure approche de la gestion des déchets.
Ali Abbas, Associate Dean (Research), University of Sydney; Dominic Bui Viet, Postdoctoral Research Associate, University of Sydney, and Eric Sanjaya, Research Fellow, University of Sydney
Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’ article original.