Il y a 1,3 milliards d’années, la collision de deux trous noirs résultait en une énorme émission d’énergie. Cette collision fut à l’origine d’ondes gravitationnelles qui se répandirent dans l’espace-temps.
Après un voyage dans l’Univers, ces ondes dont l’existence fut prédite il y a 100 ans par Albert Einstein ont finalement été détectées grâce au LIGO (Laser Interferometer Graviational-Wave Observatory), situé aux Etats-Unis. A l’EPFL, l’astrophysicienne Anaïs Rassat commente cette découverte importante et ses conséquences pour la science.
En quoi cette découverte est-elle si intéressante ?
"Elle est fascinante car il s’agit de la première observation directe des ondes gravitationnelles. Cela fait plusieurs décennies que les chercheurs du LIGO tentent de repérer ce phénomène jusque-là hypothétique. Tout au plus, des indices basés sur des méthodes de détection indirectes permettaient de supposer leur existence. Grâce à cette découverte du LIGO, nous avons désormais la preuve de leur présence dans l’Univers. C’est une avancée très prometteuse, d’autant plus qu’elle est le fruit d’une importante collaboration entre scientifiques ; plus de 1’000 membres provenant de 15 pays différents ont œuvré sur le projet depuis son lancement, en 1997."
Que sont les ondes gravitationnelles et pourquoi leur détection est-elle si délicate ?
"Ce sont d’infimes perturbations de l’espace-temps qui se répandent à travers l’Univers. Elles sont causées par des événements violents, comme la fusion de deux trous noirs, mais leur origine peut également remonter aux premiers instants suivant le Big Bang. La première mention des ondes gravitationnelles apparaît dans la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, il y a un siècle de cela."
"Pour détecter ces ondes, les chercheurs ont utilisé un interféromètre laser. Il s’agit de deux tunnels perpendiculaires longs de plusieurs kilomètres, dans lesquels un laser est d’abord séparé en deux faisceaux, puis réfléchi plusieurs fois dans les tunnels avant d’aboutir sur un même capteur. Le dispositif permet d’amplifier et de détecter les déformations de l’espace-temps en mesurant les variations infinitésimales du temps mis par les deux rayons pour atteindre le capteur. Si une onde gravitationnelle atteint la terre, elle modifie localement l’espace-temps, et donc les distances. Etant donné que la vitesse de la lumière reste constante et n’est pas influencée par cette perturbation, les deux faisceaux atteignent le capteur à un temps différent. Ces variations temporelles sont de l’ordre de un pour 1021, ou en distance, d’un dix-millième du diamètre d’une particule élémentaire. C’est une prouesse technique et technologique, car il s’agit d’une mesure extrêmement difficile à réaliser."
[ Credit : EPFL / Jamani Caillet ]
Que signifie cette découverte pour la science ? Comment cela va-t-il modifier la perception de l’Univers par les scientifiques ?
"Nous franchissons un nouveau cap dans la compréhension de l’Univers. Les ondes gravitationnelles permettront d’aider les astrophysiciens à comprendre comment fonctionne la gravitation, et de percer le mystère des trous noirs. Cela ouvre également une nouvelle fenêtre sur l’Univers ; au lieu de simplement l’observer à l’aide des ondes électromagnétiques (la lumière visible, les micro-ondes, les infrarouges ou les ultraviolets), nous pouvons désormais également compter sur les ondes gravitationnelles."
Cela influencera-t-il vos recherches en astrophysique ?
"La présence des ondes gravitationnelles pourrait remonter à très tôt dans l’histoire de l’Univers, auquel cas on parlerait d’ondes gravitationnelles «primordiales». Si nous parvenons à observer ces ondes primordiales, nous serons alors en mesure d’en apprendre plus sur les premiers instants de l’Univers. Mes collègues et moi-même sommes ravis de cette découverte, car il s’agit d’une période clé pour la science. Cent ans après la célèbre théorie de la relativité générale d’Einstein, nous avons enfin les moyens techniques pour étudier le ciel et mieux comprendre son fonctionnement. La théorie d’Einstein fait encore l’objet de nombreuses expériences aujourd’hui, et cent ans après, elle reste une source d’engouement pour tous les scientifiques autour du globe."
"Pour partager l’enthousiasme autour de la théorie de la relativité, j’ai participé à la réalisation d’une animation de 3 minutes en collaboration avec l’acteur David Tennant, l’animateur Eoin Duffy et le producteur Jamie Lochhead."
"Le film est disponible à l’adresse suivante : www.einstein100.com. "
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( Src – EPFL )