Dominique Le Baron, Responsable Marketing Solaire chez SCHOTT France a décrypté pour nous les programmes de chacun des 2 candidats à l’élection présidentielle en se basant sur la thématique de la politique énergétique.
Des promesses, toujours des promesses ?
Après la définition d’une politique généreuse et d’objectifs ambitieux par Jean-Louis Borloo dans le cadre du Grenelle de l’environnement, sous le gouvernement actuel, c’est comme si toute la classe politique faisait machine arrière sur l’environnement et en particulier sur le photovoltaïque, soudainement accusé de tous les maux.
Curieusement l’écologie a été la grande absente des débats présidentiels, y compris en amont du 1er tour. Même Eva Joly a axé ses interventions médiatiques sur des débats sociétaux, oubliant quasiment la mission fondatrice de son parti. Cela ne lui a pourtant pas porté chance … Nicolas Hulot, écarté par les militants lors des primaires, continue cependant de défendre des valeurs écologiques.
Plus en profondeur, analysons ce qu’il en est des 2 candidats en lice pour le second tour.
Du côté de François Hollande :
A l’occasion du Salon des Energies Renouvelables à Paris, le 5 avril 2012, Laurence Rossignol, Secrétaire nationale à l’environnement du Parti Socialiste soulignait que François Hollande, s’il était élu à l’issue des présidentielles, allait lancer (pendant 1 an !) un grand débat national sur la transition énergétique à compter du 3 juillet 2012. La meilleure façon de repousser les choses pour ne rien faire … avant une longue année.
François Hollande s’est pourtant engagé à respecter les engagements internationaux du pays pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à faire de la France la nation de « l’excellence environnementale ».
Dans ses 60 mesures pour la France, François Hollande confirme sa volonté de baisser la part du nucléaire dans la production électricité de 75% à 50% d’ici à 2025. Cela s’inscrit dans la mouvance européenne d’une sortie progressive du nucléaire ou encore d’une diversification du Mix énergétique, comme le montre les récentes décisions des gouvernements allemand, italien et suisse, qui devraient faire école en Autriche et en Belgique. François Hollande compte ainsi fermer Fessenheim, la plus ancienne centrale française, en exploitation depuis 1977, mais … achever le chantier de l’EPR de Flamanville.
Si nous comparons la France au cas récent de l’Allemagne, une telle baisse du nucléaire dans le Mix énergétique français est pourtant ambitieuse : elle équivaut à la sortie du nucléaire de l’Allemagne en 2022, qui représentait 24% de son Mix énergétique en 2011. Depuis cette annonce de la chancelière Angela Merkel, il y a un an, l’Allemagne importe du gaz russe et a augmenté la production de ses centrales thermiques à charbon, pourtant fortement polluantes en terme d’émissions de CO2 … La transition vers d’autres sources énergétiques propres doit être logiquement programmée en amont pour une mise en œuvre intelligente, tout en douceur.
Le programme présidentiel de François Hollande annonce des économies d’énergies avec « un vaste plan qui permettra à 1 million de logements par an de bénéficier d’une isolation thermique de qualité ». Un bon premier pas pour permettre une réduction de la consommation d’énergie. Pour la production énergétique de remplacement, en revanche, aucune ligne directrice sur l’évolution des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque ou encore sur les appels d’offres n’apparait dans son programme. Seules de vagues propositions pour la filière photovoltaïque [http://francoishollande.fr/dossiers/energie-solaire-sortir-de-l-impasse-2/] sont mises en avant :
► Mettre en place un cadre réglementaire stable et transparent qui favorise le développement de la filière industrielle du photovoltaïque en France et en Europe.
► Créer un fonds de capital-investissement dédié aux énergies renouvelables au sein de la future Banque publique d’investissement. Il servira à soutenir l’innovation et les entreprises qui s’engageront dans la filière. Faire émerger des leaders mondiaux du secteur.
► Favoriser l’achat de panneaux européens en orientant les financements, les aides publiques et les allégements fiscaux vers les entreprises qui feraient ce choix.
Du côté de Nicolas Sarkozy :
En novembre 2010, Nicolas Sarkozy, après avoir nommé Nathalie Kosciusko-Morizet au Ministère de l’Ecologie, du développement durable, sur des dossiers qu’elle connaissait bien, s’est employé à détruire la filière photovoltaïque sous le motif qu’elle était sujette à la spéculation. S’il est légitime de vouloir maîtriser les coûts d’une énergie arrivée à une certaine maturité, il est dommage de vouloir tuer dans l’œuf toute une industrie solaire européenne.
Après un moratoire de 3 mois de décembre 2010 à mars 2011, qui a eu pour effet de donner brusque coup d’arrêt au soutien de la filière photovoltaïque, le dernier arrêté de mars 2011 applique des baisses de tarif d’achat de l’électricité photovoltaïque à un rythme annuel déraisonnable, proche de 20% pour le résidentiel et de 40% pour les autres installations. De plus, il limite l’application des tarifs d’achat aux installations inférieures à 100 kWc.
En parallèle, des appels d’offres ont été mis en place pour les installations photovoltaïques de plus de 100 kWc. Les 1ers résultats pour le 1er appel d’offres sur les projets de 100 à 250 kWc ont été récemment publiés. Parmi les lauréats, 11 sociétés représentent 88% des 218 projets validés. Parmi les 3 premières sociétés, qui cumulent 53% des projets, deux ont des liens forts avec EDF EN (pour l’une EDF EN en est actionnaire, pour l’autre le PDG est un ancien collaborateur de EDF EN). EDF EN est encore une fois le grand gagnant des courses.
Dans la critique formulée par Nathalie Kosciusko-Morizet, qu’il se vendait essentiellement des panneaux chinois sur le territoire français, le gouvernement n’a pas beaucoup aidé les entreprises européennes. Sauf à avoir annoncé récemment en grande pompe la création d’un tarif d’achat bonifié de 10% sur les panneaux solaires d’origine française, puis européenne. Des premiers critères d’éligibilité ont été définis. L’Elysée s’est fendu d’un communiqué de presse officiel sur son site Internet en mars dernier. Ce tarif bonifié a été ensuite purement et simplement remis en cause, puis a été remis au goût du jour avec d’autres critères.
Créée il y a 30 ans, la PME française Photowatt, autrefois pionnière et fleuron de l’industrie solaire, a tout d’abord licencié 95 personnes en janvier 2011 puis a été placé sous liquidation judiciaire. Elle est sauvée in extremis par une reprise spectaculaire par EDF sous la pression gouvernementale avant la présidentielle. Pourquoi une reprise aussi tardive, alors que la société manque de compétitivité ?
Dés 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé : « Là où nous dépensons un euro pour la recherche nucléaire, nous dépenserons le même euro pour la recherche sur les technologies propres.». En 2010 en France, l’aide publique à la recherche pour le nucléaire civil s’est élevée à 440 M€, celle pour l’ensemble énergies renouvelables+stockage du carbone+ stockage de l’énergie à 340 M€, cachant cependant des disparités : 140 M€ pour l’ensemble biomasse+éolien+énergies marine+solaire, division par 2 pour le photovoltaïque entre 2008 et 2010.
En France, l’énergie nucléaire et plus récemment l’éolien avec le dernier appel d’offres offshore de 3 GW ont été privilégiés, avec la mise en avant de grands groupes industriels nationaux, comme Areva, EDF, Alstom, alors que chacun sait que ce sont avant tout les PME qui sont fortement créatrices d’emploi. Selon l’ADEME, en 2010, 26 000 emplois ont été créés dans la filière solaire photovoltaïque contre seulement 8 400 dans l’éolien.
Grand défendeur du nucléaire, Nicolas Sarkozy affirme vouloir « tenir l’objectif de 23 % de notre consommation finale en énergies renouvelables en 2020. » Le développement durable figure en effet dans le programme de Nicolas Sarkozy… en dernier point. La bagarre des chiffres fait rage. Selon la société française de l’énergie nucléaire (SFEN), le nucléaire aurait créé en France 125 000 emplois directs et selon l’étude de Pricewaterhouse Coopers de mai 2011 – commandée par l’ancienne patronne d’Areva, Anne Lauvergeon – 410 000 emplois au total en tenant compte des emplois « indirects ». En revanche, Cécile Duflot, Secrétaire Nationale d’Europe Ecologie Les Verts, affirmait que le nucléaire représentait « au maximum 140.000 emplois ». Un certain consensus semble établir à 250.000 les emplois dans la filière se répartissant équitablement entre emplois directs et sous-traitance.
La France dispose pourtant du 5ème potentiel soleil d’Europe, avec un niveau d’ensoleillement plus élevé que l’Allemagne. Cependant, la France a un parc solaire photovoltaïque dix fois moins puissant que celui de l’Allemagne. L’association professionnelle SER souligne que la filière française photovoltaïque a perdu 7 000 emplois en un an, après avoir été fortement créatrice d’emplois depuis 3 ans. Le solaire une énergie chère ? Les panneaux photovoltaïques ont connu une baisse de prix sans précédent de 40 % en moins d’un an, alors que le prix de l’électricité – majoritairement d’origine nucléaire – devrait augmenter de 30 % dans les 5 années à venir.
Suite à la catastrophe de Fukushima, le Japon diversifie son Mix énergétique, avec la mise en place d’une politique incitative de développement du photovoltaïque. La Chine elle-même développe un marché interne pour le photovoltaïque.
Demain, les énergies renouvelables pourront représenter un important gisement d’emplois en France. Selon un récent rapport du Ministère allemand de l’environnement, l’Allemagne comptabilisait 381 600 emplois dans les énergies renouvelables (dont 125 000 emplois dans la filière solaire) fin 2011, contre seulement 94 500 emplois en France en 2010 selon l’ADEME. C’est une chance pour demain. Ne la négligeons pas
Vous avez une fâcheuse habitude à ne pas citer vos sources
Très bonne analyse de D.Le Baron: situation qq peu endormie sans réveil flagrant annoncé…quel que soit le prochain Président ! A moins que ce dernier se réveille le 7 mai 12 avec un plan_EnR ambitieux et réellement praticable pour conjuguer l’essor des filières_EnR et des emplois associés, récompensant avec les +10% sur les tarifs de vente des kWhs les matériels français et d’UE. Le PV est l’une d’elle ! Pas celle qui va drainer le max de MWhs en absolu mais celle pouvant engendrer un max d’emploi directs et indirects en instaurant une valorisation de tous les PANS de toits ou Grandes surfaces bien orientés, favorisant un max »l’auto-consommation par site ou groupe de bâtiments » et vente du (seul) SURPLUS de MWhs à des tarifs RAISONNABLES. Faudra aussi réfléchir et trouver un autre artifice que la seule CSPE, encore que avec auto-conso mise en application et tarifs raisonnables, la charge sur CSPE sera diminuée ! Il y a aussi les autres filières EnR, certaines en demi-réveil (EnR_marines, méthanisation_CoGen, biomasse_énergétique, biomasse_alguale, etc…) qu’il faudra BOOSTER énergiquement….. YA+KA ….ASAP !!! A bons entendeurs….. A+ Salutations Guydegif(91)
Pour davantage de précisions sur le programme des candidats 2012 sur l’environnement, un conseil de lecture pour les présidentielles et les législatives : Gullivert « Spécial Elections 2012 » Pour tout connaître sur l’engagement des candidats dans le domaine du développement durable. Le supplément Gullivert « Spécial Elections 2012 » n’a pas vocation à prendre parti pour l’un ou l’autre candidat ni à porter de jugement. Pour faciliter la compréhension de son programme, chaque candidat a eu le libre choix de commenter et/ou de répondre en exclusivité à onze questions sur le thème du développement durable. Ce supplément inclut aussi l’annuaire du développement durable 2012 actualisé et apporte un éclairage sur trois sujets de fond traitant de la politique et de l’environnement. Le supplément gratuit Gullivert « Spécial Élections 2012 » vient compléter l’abécédaire « GULLIVERT, le guide pratique du savoir vert » édition 2011/2012 qui recense l’essentiel de l’information sur le développement durable, pour permettre à chacun de contribuer à la réduction des déchets. Supplément gratuit « Spécial Elections 2012 » Ne peut être vendu séparément du « Gullivert, le guide pratique du savoir vert » Editions IDEACOM
I. convaincre de l’évidence de l’intérêt du renouvelable face au fossile. cette notion commence à être reconnue et acceptée par une majorité, mais il faut continuer à informer. II. financement bien sur le ROI retour sur investissement, est une des clefs du problème. le particulier raisonne sur sa durée de vie, les banques ont l’avantage de pouvoir raisonner à plus long terme! pourquoi ne boniefiraient-elles pas des prêts, ou une participation aux équipements. avec de prêts à 1% de la BCE une installation PV pourrait avoir un rendement court terme aux particulier et long terme aux banques. cette mécanique financière devrait être étudiée, en considérant bien évidemment la retombée des emplois créés et sa participation aux équilibres budgètaires.
. Pour la représentante d’une entreprise allemande, c’est bien mal connaître la réalité énergétique en Allemagne. Pas mieux qu’un journaliste français. Entre 2010 et 2011, la production d’électricité à partir de charbon et lignite est passée de 263 à 267 TWh (+1,5% : pas de quoi fouetter un chat), celle de gaz de 87 à 84 TWh (diminution de 3,5%), le pétrole de 8 à 7 TWh, le nucléaire de 141 à 108 TWh (moins 23%) et les renouvelables de 103 à 122 TWh (+ 18,5%). Détails : Les exportations d’électricité ont un peu diminué, les importations un peu augmenté, mais l’Allemagne est toujours un exportateur net d’électricité. En particulier lors des froids hivernaux … Le gaz naturel consommé en Allemagne provient pour 11% de la production allemande, pour 29% de Norvège, pour 22% des Pays-Bas, pour 32% de Russie et pour 6% d’autres pays : Danemark, Grande-Bretagne … En France, 15% du gaz provient de Russie et 14% d’Algérie. Au total, ce n’est pas mieux que l’Allemagne sous l’aspect politico-économique.
Les statistiques de l’ENTSO-E sont désormais disponibles jusqu’en février 2012 : En sélectionnant l’Allemagne (DE) et une période de janvier 2000 à février 2012, on s’aperçoit que la production FOSSILE de janvier et février 2012 dépasse nettement le maximum atteint dans les douze années précédentes. En effet, en janvier 2012 l’Allemagne a produit 39 161 GWh d’électricité à partir des fossiles. En février 2012 c’est 37 270 GWh. Or, le précédent record mensuel (de 2000 à 2011) était de 36 561 GWh en décembre 2004. On voit donc que l’année 2012 commence très bien pour les FOSSILES en Allemagne ! Mais bon, ils économisent de l’uranium.
Vos sources ne sont pas fiables! Les miennes le sont beaucoup plus. Je cite Chelya: qui nous disait qu’on avait importé plein de solaire allemand, et que ça les faisait même beaucoup rigoler (les allemands).. On aura au moins la confirmation que nos amis allemands sont des gens bien élevés, qui exportent leur solaire vers leurs voisins mais gardent pour eux leur charbon/lignite. Nous les en remercions.
Ce qui me parait important de guetter, c’est la diminution progressive des non-renouvelables (fossiles, nucléaire) Ce n’est pas encore le cas, à cause d’une augmentation de la consommation, mais ça viendra!