La Commission européenne a présenté mercredi une proposition de règlement visant à prévenir les manipulations de cours et les opérations d’initiés sur les marchés de gros de l’énergie.
Qui sont les négociants sur les marchés de gros de l’énergie ?
Outre les producteurs d’énergie, un large éventail d’acteurs – grands consommateurs, négociants, banques d’investissement et fonds, notamment – vendent et achètent du gaz et de l’électricité. Les fournisseurs d’énergie la revendent ensuite aux utilisateurs finaux.
Où le gaz et l’électricité sont-ils vendus?
Il y a deux possibilités:
A. L’énergie peut être négociée dans le cadre de bourses, qui sont des marchés organisés pour les produits énergétiques. Il existe environ 15 de ces bourses dans l’UE: par exemple, Nord Pool Spot, Nasdaq OMX commodities, APX-ENDEX.
B. L’énergie est négociée entre les sociétés sans passer par une bourse (transactions de gré à gré, «OTC»). La négociation peut se faire directement ou par l’intermédiaire d’un courtier.
La grande majorité des transactions d’énergie dans l’UE se font de gré à gré: en 2009, 75 % de l’électricité étaient négociés de cette manière, et seulement 25 % étaient traités en bourse.
Pourquoi légiférer au niveau de l’UE?
A. Les «paquets» sur la libéralisation du marché de l’énergie adoptés successivement par le législateur européen ont entraîné une augmentation constante des volumes négociés. Entre 2000 et 2009, les volumes totaux d’électricité négociés (en bourse et de gré à gré) sont passés de 3 500 TWh à 10 000 TWh. Avant 2000, les seuls marchés de gros liquides se trouvaient au Royaume-Uni et dans les pays scandinaves, autour du Nord Pool.
B. Échanges transfrontaliers: les transactions se déroulent souvent entre des intervenants situés dans deux pays, ou plus. En Allemagne, par exemple, moins de 6 % des transactions de produits dérivés sur l’électricité à livrer dans le pays se déroulent au sein de la «European Energy Exchange» allemande. Par comparaison, 94 % des échanges d’électricité pour l’Allemagne se font par des intermédiaires établis hors du pays.
Quel est l’objectif du règlement?
Les cours qui s’établissent sur les marchés de gros servent de repères pour la fixation des prix de détail pratiqués pour les ménages et les utilisateurs industriels. C’est pourquoi l’objectif du règlement est la transparence du marché et la prévention des opérations d’initiés et des abus de marché, qui peuvent entraîner une hausse des prix.
Les cours sur les marchés de gros ont-ils une influence sur les prix pratiqués pour les ménages?
Oui: les cours du gros sont déterminants dans la fixation des prix des fournisseurs. Selon la stratégie d’achat du fournisseur et le degré de concurrence sur le marché, les fluctuations de cours sur les marchés de gros se répercutent tôt pou tard sur la facture énergétique du consommateur.
Arrive-t-il que les cours soient manipulés dans l’UE?
Il est difficile de répondre à cette question car nous ne disposons pas actuellement de données concernant l’UE. Dans la mesure où les abus de marché ne font pas, à l’heure actuelle, l’objet d’une interdiction effective sur les marchés de gros de l’énergie, on ne peut avoir qu’une vision fragmentée de la situation au niveau de l’UE, les seules règles en la matière étant définies au niveau des États membres et ne s’appliquant qu’à quelques places. Étant donné que les différents États membres n’ont pas accès à l’ensemble des données relatives aux transactions transfrontalières, il est difficile de se faire une idée précise de l’activité de ces marchés et de détecter efficacement des abus.
Aux États-Unis, plusieurs cas d’abus de marché ont fait grimper les prix de l’énergie, ce qui a coûté des milliards de dollars aux consommateurs. C’est ainsi que le fonds spéculatif Amaranth Advisors LLC a accumulé, entre 2006 et 2010, une quantité massive de titres sous la forme de produits dérivés sur le gaz naturel, poussant les prix à la hausse et réalisant d’énormes bénéfices. On estime qu’une manipulation de marché de ce type gonflerait les factures de gaz et d’électricité des entreprises et utilisateurs industriels européens d’environ 1 milliard d’euros.
Quelles sont les mesures proposées?
- Interdiction d’utiliser des informations privilégiées et de manipuler les marchés de l’énergie;
- création, au sein de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACRE), d’une fonction de surveillance des marchés à l’échelle européenne en vue d’une détection efficace des abus;
- organisation efficace de la collecte de données aux fins de la surveillance des marchés;
- mise en place d’un cadre permettant aux autorités nationales compétentes de partager ces données;
- définition de règles de protection des données et de fiabilité opérationnelle;
- ACRE chargée de veiller à ce que les règles soient appliquées de façon cohérente dans l’ensemble de l’Union;
- obligation pour les États membres d’adopter des sanctions qui soient proportionnées et dissuasives.
Pourquoi la législation financière existante n’est-elle pas suffisante pour contrôler les marchés de gros de l’énergie?
A. La législation financière, en particulier la directive sur les abus de marché (2003/6/CE) et la directive concernant les marchés d’instruments financiers (MiFID), est conçue pour les marchés financiers. Ses dispositions s’appliquent aux produits financiers négociés sur les marchés réglementés. Il s’ensuit que seuls relèvent de ces directives les produits dérivés sur l’énergie négociés au sein de bourses de l’énergie. Cela représente, pour l’électricité, 16 % du total des volumes négociés.
B. Des règles sur mesure sont également nécessaires pour tenir compte des abus de marché spécifiques, tels que la pratique consistant à ne pas commercialiser la production afin de faire monter les prix. L’électricité ne peut pas être stockée à l’échelle industrielle; elle doit être produite au moment où elle est consommée. Cela signifie que les prix du marché sont très sensibles à la disponibilité des capacités de production. Les marchés de gaz, dans une moindre mesure, posent les mêmes problèmes.
Que sont les marchés au comptant? Que sont les produits dérivés?
Contrairement à des contrats permettant de vendre ou d’acheter immédiatement de l’électricité ou du gaz (marché au comptant, «spot»), les produits dérivés sur l’énergie sont des contrats pour lesquels la livraison de la marchandise est prévue dans le futur. Le principal objectif des produits dérivés est de couvrir les risques liés aux prix.
Combien y a-t-il de négociants en Europe?
On compte quelques centaines de sociétés actives dans le négoce de l’énergie en Europe.
Quel est le nombre moyen de transactions journalières?
On estime qu’il y a entre 6 000 et 10 000 transactions chaque jour.
Quels sont les marchés et les produits concernés?
Les mesures viseront les contrats sur les marchés de gros de l’électricité et du gaz, y compris les contrats relatifs au transport de ces marchandises. Elles ne s’appliqueront pas à l’approvisionnement des consommateurs finals.
Quand les nouvelles règles entreront-elles en vigueur?
Le règlement devrait entrer en vigueur au plus tard en 2012, après son adoption par le Conseil et le Parlement européen.