Portée à la fois par les pouvoirs publics et par les associations environnementales, la réduction volontaire de la consommation d’énergie est entrée dans les mœurs de consommateurs et des entreprises, avec plus ou moins de réussite. Pourtant, de nombreuses solutions concrètes existent pour accélérer le mouvement.
Octobre 2022. Les prix de l’énergie flambent à cause de la guerre à grande échelle de la Russie contre l’Ukraine entamée au début de cette même année. Le gouvernement Borne réagit et présente un texte volontariste : le Plan de sobriété énergétique. Les consommateurs français et les entreprises sont alors fortement invités à faire attention à leur facture énergétique. Des campagnes de communication sont lancées, un même message est martelé : il faut réduire notre consommation d’électricité et de carburants issus des énergies fossiles en baissant d’un degré la température d’intérieur ou en accélérant les chantiers de rénovation des passoires thermiques. Trois ans plus tard, les résultats sont mitigés.
France : peut mieux faire
À l’époque, l’unanimité du paysage politique est déjà rare. « La sobriété énergétique, ce sont des efforts collectifs, proportionnés et raisonnables pour faire la chasse au gaspillage d’énergie, professe alors Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. C’est en ce sens que l’ensemble des mesures de ce plan ont été coconstruites, concertées et quantifiées avec les acteurs de terrain, afin qu’elles soient immédiatement applicables et efficaces au sein de l’État et en entreprise. La réussite du plan dépend maintenant de la responsabilité collective : chaque acteur a vocation à appliquer son plan d’action pour réduire de 10 % sa consommation. » Mais que disent les chiffres ?
« Les efforts pour économiser le gaz naturel et l’électricité observés depuis la fin de l’année 2022 s’érodent légèrement, souligne le Bilan énergétique de la France, publié par les ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique. La consommation des bâtiments ne baisse que sous l’effet de températures hivernales plus clémentes qu’en 2023 et d’un été plus froid, réduisant les besoins de climatisation dans les bureaux. » Selon le même document, la consommation d’énergie primaire de la France s’est établie à 2575TWh en 2024 contre 2762 en 2021 – avant la crise donc. L’effort est là, mais la France pourrait faire mieux.
Quand on regarde dans les détails, la rénovation énergétique des habitations n’a pas été la panacée attendue. Dans son étude parue l’été dernier et réalisée sur 80000 maisons individuelles rénovées entre 2018 et 2023 grâce au dispositif MaPrimRenov, l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) note que la politique favorisant la rénovation énergétique des bâtiments a fourni quelques résultats, même s’ils sont encore loin des objectifs théoriques : la consommation d’électricité n’a chuté en moyenne que de 5,4% pour les maisons chauffées à l’électricité, et de 8,9% pour les logements fonctionnant au gaz. Même tendance du côté des entreprises. « Il est légitime de se demander pourquoi ça ne va pas assez vite, avance Elodi Bondi, directrice de Qualisteo, une entreprise ayant pour but d’aider les industries à optimiser leur consommation d’énergie. Mais il faut rappeler que l’année 2025 est assez particulière d’un point de vue économique et géopolitique. Ce qui a aussi pu aussi ralentir tous les processus mis en place. » Alors, comment accélérer ces fameux processus ?
Consommer mieux, consommer moins
Les leviers d’action sont connus : une meilleure isolation thermique, un meilleur pilotage du chauffage et de la climatisation, l’utilisation d’appareils faiblement consommateurs ou encore la récupération de chaleur. « Aider nos clients à consommer mieux, c’est consommer bas carbone et consommer moins quand c’est possible, assure Sylvie Jéhanno, PDG de Dalkia, une filiale d’EDF. On parle beaucoup des renouvelables électriques… mais il faut aussi aller chercher toutes les technologies qui permettent de produire une chaleur bas carbone. La géothermie, la thalassothermie, la récupération de chaleur ou encore le bois énergie sont des solutions d’avenir. » L’objectif pour cet énergéticien : faire baisser la part de la production de chaleur dans la consommation d’énergie globale, dont 66% est encore assurée par les énergies fossiles comme le fioul et le gaz.
À terme pourtant, la France s’est engagée à décarboner l’ensemble de son économie. Il y a donc des motifs de croire à une baisse programmée du recours aux énergies fossiles. « Les grands sites industriels ont très souvent pour objectif la trajectoire zéro carbone de 2030 à 2050, et nous sommes dans la première phase d’accélération, poursuit Elodie Blondi, chez de Qualisteo. En toute objectivité, certaines industries ne vont pas forcément prioriser cette baisse, mais de l’autre c’est impossible de passer à côté. Elles ont toutes compris qu’il faut maîtriser son énergie, pour la réduire et l’optimiser. Il n’y a pas d’économies sans écologie lorsqu’on parle de consommation d’énergie. » Mais la maîtrise de la consommation passe aussi par un meilleur pilotage de ladite consommation.
Côté pilotage justement, des solutions existent, et s’adressent autant aux particuliers qu’aux entreprises désireuses de faire baisser leur facture. En Europe, le leader du pilotage intelligent pour le résidentiel et le tertiaire est français : Voltalis propose par exemple des thermostats intelligents permettant une réduction moyenne de 15% sur les factures d’électricité. Le concept est ingénieux : grâce à un boîtier installé chez le consommateur – sur les radiateurs, le chauffe-eau ou la borne de recharge de sa voiture électrique – et connecté au serveur interne de l’entreprise, Voltalis pilote à distance et calcule en temps réel ce dont les appareils ont besoin. « La solution développée par Voltalis depuis 2006 consiste à rendre plus flexible la consommation électrique pour qu’elle s’adapte aux variations de la production et non plus l’inverse, assure Mathieu Bineau, PDG de Voltalis. Pour équilibrer les réseaux d’électricité, c’est-à-dire faire correspondre la production et la consommation, on peut augmenter la production dans des centrales nucléaires, renouvelables ou thermiques ; on peut aussi « effacer », au bon moment, la consommation de particuliers ou d’entreprises. Grâce à cela, nous sommes capables d’agir en temps réel sur la demande d’électricité et de coordonner des actions d’optimisation. Cela nous permet, par exemple, de couper un chauffage électrique ou un chauffe-eau pendant une brève période. » L’utilisateur, lui, ne s’aperçoit de rien sur le moment. Mais voit sa facture baisser.
Dans son Plan Thermostat adopté en juin 2023, le gouvernement a d’ailleurs décidé de rendre obligatoire l’installation de thermostat dans tous les lieux d’habitation d’ici le 1er janvier 2027. Tous les énergéticiens commencent à se ruer vers ce nouveau marché. Particuliers et entreprises sont prévenus : autant ne pas attendre et faire le bon choix entre thermostats programmables, connectés et intelligents.