Stimuler les neurones via la lumière

Des chercheurs de l’EPFL ont utilisé l’optogénétique pour capter la connexion neuronale dans les cerveaux des mammifères. Ils sont parvenus à enregistrer en exclusivité la transmission synaptique entre neurones dans un animal vivant.

Les neurones, les cellules du système nerveux, communiquent entre elles en se transmettant des signaux chimiques via des jonctions appelées synapses. Cette « transmission synaptique » est essentielle au cerveau et à la moelle épinière pour traiter l’énorme quantité de stimuli et générer des messages sortants. Toutefois, l’étude de cette transmission synaptique dans les animaux vivants est très complexe, et les chercheurs doivent utiliser des conditions artificielles qui ne captent pas le réel environnement des neurones. Or, des scientifiques de l’EPFL ont désormais réussi à observer et à mesurer la transmission synaptique en temps réel dans un animal vivant grâce à une approche nouvelle qui combine la génétique et la physique de la lumière. Leur travail est publié par Neuron.

Aurélie Pala et Carl Petersen de l’Institut Brain Mind de l’EPFL ont en effet utilisé une technique novatrice, l’optogénétique, qui a fait des avancées spectaculaires dans le domaine des neurosciences ces dix dernières années. Cette méthode a recours à la lumière pour contrôler précisément l’activité en temps réel de neurones spécifiques dans des animaux vivants, même en déplacement. Une telle précision est essentielle pour étudier les centaines de différents types de neurones, et comprendre les fonctions supérieures du cerveau comme la pensée, le comportement, le langage, la mémoire – ou même les désordres mentaux.

Activer des neurones via la lumière

L’optogénétique consiste à insérer le gène d’une protéine sensible à la lumière dans des neurones vivants, une seule cellule ou une famille entière. Les neurones modifiés génétiquement produisent ensuite cette protéine, qui se place sur leur enveloppe extérieure. Ils y fonctionnent alors comme un canal électrique – une sorte de passage. Lorsque de la lumière luit, ce passage s’ouvre et permet aux ions électriques de pénétrer la cellule, comme une batterie chargée par le soleil.

Or, l’ajout d’ions électriques modifie l’équilibre de tension du neurone, et si le stimulus optogénétique est suffisamment puissant, il génère un signal électrique explosif dans le neurone. C’est l’impact de l’optogénétique: contrôler l’activité neuronale en allumant ou en éteignant une lumière.

Enregistrer des transmissions neuronales

Pala a ainsi utilisé l’optogénétique pour stimuler des neurones esseulés de souris anesthésiées et vérifier si cette approche pouvait être utilisée pour enregistrer les transmissions synaptiques. Les neurones visés étaient situés dans une partie du cerveau du rongeur appelée le cortex somato-sensoriel, qui transmet l’information sensorielle captée par les moustaches de la souris.

Lorsque Pala a envoyé de la lumière bleue sur les neurones contenant la protéine sensible à la lumière, ceux-ci ont activé et lancé des signaux. Dans le même temps, des signaux électriques ont été mesurés dans les neurones environnants grâce à des microélectrodes capables de capter de faibles changements de voltage à travers la membrane neuronale.

Grâce à ces approches, les chercheurs ont pu observer comment les neurones sensibles à la lumière se branchaient à certains de leurs voisins, soit grâce à de petits connecteurs appelés « interneurones ». Dans le cerveau, ces interneurones sont généralement inhibiteurs: lorsqu’ils reçoivent un signal, ils rendent le neurone suivant moins susceptible de continuer la transmission.

Les scientifiques ont ensuite enregistré et analysé les transmissions synaptiques de neurones sensibles à la lumière aux interneurones. Ils ont en outre employé une technique d’imagerie avancée (microscopie à deux photons) qui leur a permis de scruter en profondeur le cerveau des rongeurs et d’identifier le type de chaque interneurone étudié. Les données ont montré que les transmissions des neurones sensibles à la lumière variaient selon les interneurones receveurs.

« Il s’agit ici d’une simple démonstration de faisabilité, » explique Aurélie Pala, à qui cette étude a valu son doctorat. « Nous pensons toutefois que l’optogénétique est capable de donner une image plus large de la connectivité entre d’autres types de neurones dans des zones additionnelles du cerveau. »

Les chercheurs souhaitent désormais explorer d’autres connexions neuronales dans le cortex somato-sensoriel et utiliser cette technique sur des souris vivantes afin d’observer comment l’activation ou la désactivation de l’activité neuronale via la lumière est susceptible d’affecter les fonctions cérébrales supérieures.

Source
Pala A, Petersen CCH. In Vivo Measurement of Cell-Type-Specific Synaptic Connectivity and Synaptic Transmission in Layer 2/3 Mouse Barrel Cortex. Neuron (2015) http://dx.doi.org/10.1016/j.neuron.2014.11.025

      

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trimtab

Bonjour à toute l’équipe….. …passionant certes….mais seriez vous en manque de d’inspiration…vos neurones tournent-ils au ralenti par manque d’énergie (!) pour aller chercher au fin fond du cerveau un sujet qui a plus sa place sur un site comme techno-science que sur enerzine….? Par les temps qui courent…….ce n’est pas l’énergie qui manque, ni les ‘infos’ qui en parlent…… Ou peut être, en ‘court-circuitant’ nos synapses, on pourrait faire du ‘jus’ pour nous donner les idées lumineuses (!) pour éclairer nos lanternes….? trimtab

Tech

est-ce que l’énergie photoneuronique pourra un jour alimenter mon téléphone portable ;o))