Transformer l’humidité en eau potable : le nouveau défi

Transformer l'humidité en eau potable : le nouveau défi

Imaginez un dispositif portable capable de convertir les molécules d’eau présentes dans l’air en eau potable, uniquement grâce à la lumière du soleil. Un tel système a été mis au point par des chercheurs de l’Université de Californie à Berkeley, démontrant ainsi une solution prometteuse face à l’aggravation de la pénurie d’eau dans certaines régions du monde.

Un matériau ultra-poreux : la clé de la technologie

Cette technologie d’absorption de l’eau atmosphérique s’appuie sur un matériau ultra-poreux appelé Framework Organique Métallique (ou FOM). Des tests dans le lieu le plus chaud et sec d’Amérique du Nord, le parc national de la Vallée de la Mort, ont démontré que ce dispositif pouvait fournir de l’eau potable n’importe où.

Omar Yaghi, professeur de chimie à Berkeley et inventeur des FOM, dirige cette étude. Selon lui, environ un tiers de la population mondiale vit dans des régions souffrant de stress hydrique. D’ici 2050, près de 5 milliards de personnes sur notre planète pourraient connaître des périodes de stress hydrique significatif. Cette technologie pourrait donc être une source d’eau nouvelle.

Une efficacité supérieure à d’autres matériaux

Les autres types de matériaux tels que les hydrogels, les zéolites ou les sels ne peuvent pas fonctionner de manière économe en énergie, avec une grande capacité et dans des conditions de faible humidité.

En revanche, les capteurs d’eau alimentés par des FOM le peuvent, ce qui les rend particulièrement efficaces pour résoudre les problèmes de pénurie d’eau, que ce soit pour l’eau potable ou l’agriculture.

Cette technologie pourrait également être utilisée pour obtenir de l’eau pure dans des régions où l’eau est abondante, mais polluée.

New generation of passive MOF water harvester. Credit: Nature Water (2023)

Des FOM spécialement conçus

Le Collège de l’Informatique, des Sciences des Données et de la Société, ainsi que l’Institut Bakar des Matériaux Numériques pour la Planète (BIDMaP), utilisent la science des données et l’apprentissage automatique pour accélérer et augmenter la conception de ces molécules, matériaux et dispositifs.

Les auteurs de l’étude, Ali Alawadhi, Woochul Song et Zhiling Zheng, se tiennent derrière le collecteur d’eau alimenté par le MOF dans le parc national de la Vallée de la mort. (Avec l’aimable autorisation d’Omar Yaghi)

Omar Yaghi, également co-directeur et scientifique en chef du BIDMaP, explique qu’ils y créent ce qu’il appelle le “cycle d’innovation numérique” pour relier la molécule, le matériau et la manière dont ce matériau est configuré et s’intègre dans le dispositif, y compris la conception du dispositif lui-même, son efficacité et ses performances.

Une récupération d’eau efficace

Le dispositif a été testé à Berkeley, en Californie, ainsi qu’au parc national de la Vallée de la Mort. Malgré les conditions d’extrême sécheresse et les fluctuations de température, le dispositif alimenté par des FOM a pu extraire de l’eau de manière répétée. Il est également extrêmement efficace pour récolter de l’eau, libérant comme eau potable 85 à 90% de l’eau qu’il capte sous forme de vapeur atmosphérique. Il a récolté jusqu’à 285 grammes d’eau par kilogramme de FOM en une journée, soit l’équivalent d’une tasse d’eau.

Un impact environnemental nul

Outre son efficacité, ce dispositif présente un autre atout majeur : il fonctionne entièrement à l’énergie solaire, sans nécessité d’autres sources d’énergie. Ainsi, son fonctionnement ne produit pas d’émissions de gaz à effet de serre. De plus, sa taille réduite lui permet de tenir dans un sac à main, sans que cela n’affecte son rendement énergétique.

Des applications à grande échelle envisagées

Omar Yaghi envisage une adoption généralisée de ces capteurs d’eau à base de FOM à l’échelle des ménages et des communautés, grâce à la science des données et à l’apprentissage automatique. Certains envisagent même de les intégrer dans les cuisines ou à côté des climatiseurs pour fournir de l’eau potable pour la cuisson et le nettoyage. Certaines entreprises travaillent déjà dans cette direction.

En synthèse

La technologie développée par les chercheurs de UC Berkeley représente une avancée notable pour pallier les problèmes de pénurie d’eau. Grâce à l’usage des Frameworks Organiques Métalliques et de l’énergie solaire, elle propose une solution autonome et écologique pour la production d’eau potable, même dans des conditions climatiques extrêmes. Cependant, des efforts restent à faire pour optimiser encore sa performance et son accessibilité à grande échelle.

Pour une meilleure compréhension

1. Qu’est-ce qu’un Framework Organique Métallique (FOM) ?

Un Framework Organique Métallique est une classe de matériaux constitués d’ions métalliques liés à des ligands organiques pour former des structures poreuses tridimensionnelles. Ces structures ont une grande capacité d’absorption, les rendant utiles pour capturer et stocker des molécules, y compris les molécules d’eau.

2. Comment fonctionne le dispositif de récolte d’eau ?

Le dispositif utilise un FOM spécialement conçu pour absorber les molécules d’eau présentes dans l’air. Lorsqu’il est exposé à la lumière du soleil, le FOM libère l’eau qu’il a absorbée, qui est alors condensée et collectée comme eau potable. Il s’agit d’un processus passif qui n’a besoin que de la lumière du soleil et de l’air ambiant pour fonctionner.

3. Quels sont les avantages et les inconvénients de cette technologie ?

Les principaux avantages de cette technologie sont qu’elle est autonome, économe en énergie et capable de fonctionner même dans des conditions de faible humidité. De plus, elle n’émet pas de gaz à effet de serre et est portable. Cependant, elle présente aussi des inconvénients, comme la nécessité d’une exposition au soleil et sa capacité de production d’eau limitée. En outre, le coût et la durabilité des FOM doivent être davantage étudiés pour une adoption à grande échelle.

4. Quel est son potentiel en termes de production d’eau ?

Le dispositif a été capable de récolter jusqu’à 285 grammes d’eau par kilogramme de FOM en une journée, soit l’équivalent d’une tasse d’eau. Bien que ce ne soit pas une grande quantité, la technologie pourrait être utile dans les zones où l’eau est rare ou difficile d’accès, ou pour des usages spécifiques qui ne nécessitent pas de grandes quantités d’eau.

5. Comment pourrait-elle être déployée à grande échelle ?

Omar Yaghi, le chercheur qui dirige cette étude, envisage une adoption de ces capteurs d’eau à l’échelle des ménages et des communautés. On pourrait envisager de les intégrer dans les cuisines ou à côté des climatiseurs pour fournir de l’eau potable pour la cuisson et le nettoyage. Certaines entreprises travaillent déjà dans cette direction, en développant des versions commercialisables du dispositif.

Leurs travaux ont été récemment publiés dans la revue Nature Water. DOI: 10.1038/s44221-023-00103-7

[ Rédaction ]
Lien principal : DOI: 10.1038/s44221-023-00103-7

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