Un dispositif “sent” l’eau de mer pour découvrir et détecter de nouvelles molécules

Un dispositif "sent" l'eau de mer pour découvrir et détecter de nouvelles molécules

Sous la surface de l’océan, les organismes marins libèrent constamment des molécules invisibles. Certaines de ces indices chimiques révèlent quels êtres vivants sont à proximité, tandis que d’autres pourraient un jour être utilisés comme médicaments. Aujourd’hui, des chercheurs de l’ACS Central Science présentent un dispositif conceptuel qui “flaire” l’eau de mer, piégeant les composés dissous pour les analyses.

Le potentiel de l’écosystème marin

Le système démontre qu’il peut facilement concentrer les molécules présentes dans les grottes sous-marines et offre des perspectives pour la découverte de médicaments dans des écosystèmes fragiles, y compris les récifs coralliens. Une goutte d’eau de mer est comme une cuillerée de soupe diluée : c’est un bouillon complexe de molécules dissoutes provenant d’organismes océaniques.

Pour identifier ce qui se trouve dans le mélange, les scientifiques doivent capturer et concentrer ces molécules. De nombreux environnements sous-marins sont par contre menacés, en particulier ceux contenant des composés uniques – et potentiellement bioactifs.

Figure 1. Représentation de l’instrument I-SMEL et de son déploiement dans un écosystème marin méditerranéen. Vue schématique des principaux éléments de fonctionnement (a) et vues de l’instrument démonté (b) et assemblé (c) (1. contrôleur électronique de la pompe, 2. pompe péristaltique, 3. valves, 4. ports SPE, 5. sortie de la pompe pour connecter un réservoir flexible, et 6. batterie). Voir également S1 pour plus de détails. I-SMEL utilisé par un plongeur autonome dans une communauté coralligène (d) puis au-dessus des éponges étudiées (e, f). Photos in situ des trois espèces d’éponges ciblées, Aplysina cavernicola (g), Agelas oroides (h), et Spongia officinalis (i).

Un instrument respectueux de l’environnement

Thierry Pérez, Charlotte Simmler et leurs collègues ont voulu développer un instrument sous-marin qui capture et enrichit les composés dissous produits par les éponges ou d’autres organismes marins sans nuire à leur source et à leur écosystème.

Les chercheurs ont créé un dispositif étanche qui peut être facilement manipulé par un plongeur sous-marin et qui peut pomper l’eau de mer à travers des disques, qui ont une sensation et une épaisseur similaires à celles des tampons démaquillants. Ces disques adsorbent les molécules dissoutes pour une analyse ultérieure.

Figure 2. Préparation des échantillons et pipeline analytique pour caractériser la diversité structurelle des exométabolites (EMs) marins capturés et déterminer la proportion d’EMs spécialisés dans les éponges. SO : Spongia officinalis. AC : Aplysina cavernicola. AO : Agelas oroides. HR-MS2 : spectrométrie de masse en tandem à haute résolution. SPE : extraction en phase solide.

Des résultats prometteurs

Ils ont testé l’instrument, appelé le «I-SMEL» (In Situ Marine moleculE Logger), dans des grottes de la mer Méditerranée profondes de 65 pieds qui contenaient une variété d’éponges massives. Après avoir échantillonné l’eau, les chercheurs ont évalué les composés capturés avec la spectrométrie de masse.

Les composés avaient des compositions élémentaires diverses, et beaucoup avaient des structures moléculaires qui sont inconnues, ce qui, selon l’équipe, le rend prometteur pour la découverte de nouveaux produits naturels.

En synthèse

Plusieurs métabolites, dont des alcaloïdes bromés et des furanoterpénoïdes, capturés à partir de l’eau de mer étaient présents dans trois espèces d’éponges que les chercheurs avaient examinées en détail. Et dans certains cas, le système a concentré des composés libérés par les éponges. Par exemple, l’aéroplysinine-1 était environ 20 fois plus abondante dans les extraits d’eau de mer que dans un extrait d’éponge de grotte jaune.

Les chercheurs affirment que «I-SMEL» représente une manière non invasive de capturer des molécules d’intérêt pour fournir des informations sur la santé d’un écosystème ou détecter de nouvelles molécules pour les futurs efforts de découverte de médicaments. La prochaine étape, ajoutent-ils, est d’adapter l’appareil pour une filtration d’eau de mer autonome à long terme et une opération à distance dans des eaux plus profondes.

Pour une meilleure compréhension

Qu’est-ce que le “I-SMEL” ?

Le «I-SMEL» (In Situ Marine moleculE Logger) est un instrument sous-marin conçu pour capturer et enrichir les composés dissous produits par les organismes marins sans nuire à leur source et à leur écosystème.

Comment fonctionne le “I-SMEL” ?

Le «I-SMEL» pompe l’eau de mer à travers des disques qui adsorbent les molécules dissoutes pour une analyse ultérieure. Il peut être facilement manipulé par un plongeur sous-marin.

Où a été testé le “I-SMEL” ?

Le «I-SMEL» a été testé dans des grottes de la mer Méditerranée profondes de 65 pieds qui contenaient une variété d’éponges massives.

Quels sont les résultats obtenus avec le “I-SMEL” ?

Le «I-SMEL» a permis de capturer des composés avec des compositions élémentaires diverses, dont beaucoup avaient des structures moléculaires inconnues. Cela le rend prometteur pour la découverte de nouveaux produits naturels.

Quelle est la prochaine étape pour le “I-SMEL” ?

La prochaine étape est d’adapter le «I-SMEL» pour une filtration d’eau de mer autonome à long terme et une opération à distance dans des eaux plus profondes.

Principaux enseignements

Enseignements
Le “I-SMEL” est un instrument sous-marin qui capture et enrichit les composés dissous produits par les organismes marins.
Le “I-SMEL” a été testé dans des grottes de la mer Méditerranée profondes de 65 pieds.
Le “I-SMEL” a permis de capturer des composés avec des compositions élémentaires diverses, dont beaucoup avaient des structures moléculaires inconnues.
Plusieurs métabolites, dont des alcaloïdes bromés et des furanoterpénoïdes, capturés à partir de l’eau de mer étaient présents dans trois espèces d’éponges.
L’aéroplysinine-1 était environ 20 fois plus abondante dans les extraits d’eau de mer que dans un extrait d’éponge de grotte jaune.
Le “I-SMEL” représente une manière non invasive de capturer des molécules d’intérêt pour fournir des informations sur la santé d’un écosystème ou détecter de nouvelles molécules pour les futurs efforts de découverte de médicaments.
La prochaine étape est d’adapter le “I-SMEL” pour une filtration d’eau de mer autonome à long terme et une opération à distance dans des eaux plus profondes.

Références

Les auteurs remercient l’Agence nationale de la recherche, la Fondation Total, l’Institut de l’écologie et de l’environnement du Centre national de la recherche scientifique pour leur premier soutien à des projets exploratoires, la Mission pour les initiatives transversales et interdisciplinaires du Centre national de la recherche scientifique et l’Association nationale de la recherche technique.

Article : “In Situ Capture and Real-Time Enrichment of Marine Chemical Diversity” – https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/acscentsci.3c00661

[ Rédaction ]

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