Les chercheurs peuvent désormais observer la dynamique des phonons et la propagation des ondes dans l’auto-assemblage de nanomatériaux aux propriétés inhabituelles qui existent rarement dans la nature. Cette avancée permettra aux chercheurs d’intégrer les propriétés mécaniques souhaitées dans des métamatériaux reconfigurables et traitables en solution, qui ont de nombreuses applications, allant de l’absorption des chocs aux dispositifs qui guident l’énergie acoustique et optique dans les applications informatiques à haute puissance.
Les phonons sont des phénomènes naturels qui peuvent être considérés comme des paquets discrets d’ondes énergétiques qui se déplacent à travers les éléments constitutifs des matériaux, qu’il s’agisse d’atomes, de particules ou de charnières imprimées en 3D, les faisant vibrer et transférer de l’énergie. Il s’agit d’une description quantique mécanique des propriétés communes observées dans divers contextes, notamment le transfert de chaleur, la propagation du son et même les ondes sismiques formées par les tremblements de terre.
Certains matériaux, tant artificiels que naturels, sont conçus pour déplacer les phonons le long de trajectoires spécifiques, leur conférant ainsi des attributs mécaniques particuliers. Deux exemples concrets de ce phénomène sont les matériaux utilisés dans les structures pour résister aux ondes sismiques lors des tremblements de terre et l’évolution des squelettes robustes mais légers des éponges des grands fonds marins, qui leur permettent de résister aux pressions extrêmes des environnements en eaux profondes.
« Grâce à la technique de microscopie électronique en phase liquide mise au point dans notre laboratoire de l’Illinois, cette nouvelle étude nous a permis d’observer pour la première fois la dynamique des phonons dans des auto-assemblages de nanoparticules, agissant comme un nouveau type de métamatériaux mécaniques », indique Qian Chen, professeur de science et d’ingénierie des matériaux à l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign.
Cette étude multi-institutionnelle et multidisciplinaire est le fruit d’une collaboration de quatre ans entre Chen, qui a dirigé la partie science des matériaux et expérimentation, le professeur Xiaoming Mao de l’université du Michigan, qui a dirigé la partie métamatériaux mécaniques et théorie, et le professeur d’ingénierie mécanique Wenxiao Pan, qui a dirigé la partie simulation de l’étude à l’université du Wisconsin-Madison. Publiée dans la revue Nature Materials, cette étude combine l’assemblage de nanoparticules avec les principes des métamatériaux mécaniques, permettant ainsi de concevoir des propriétés mécaniques grâce à la conception structurelle.
« Certains qualifient le développement des métamatériaux de mécano-logique », explique le professeur d’ingénierie. « La conception des métamatériaux est un domaine très actif, et la plupart des recherches se sont concentrées sur le domaine macroscopique, où il est plus facile de contrôler la géométrie et la structure, ainsi que de mesurer et de modéliser les propriétés des phonons. »
Mais Qian Chen et ses collaborateurs travaillent dans le monde nanoscopique, où les approches techniques et théoriques du contrôle des phonons sont difficiles. Pour résoudre ce problème, l’équipe a utilisé une modélisation théorique précise associée à des techniques expérimentales et d’observation, ainsi que des simulations accélérées par l’apprentissage automatique, afin de développer un nouveau cadre pour la conception des métamatériaux.
En laboratoire, à l’aide d’un microscope électronique à phase liquide, l’équipe a examiné les trajectoires vibratoires des nanoparticules d’or afin de déterminer les structures des bandes phononiques, puis a fait correspondre ces structures à un modèle mécanique discret afin d’extraire des ressorts à l’échelle nanométrique.
« Nous avons le sentiment d’être à un carrefour entre les disciplines, la collaboration et la nécessité de faire progresser la science des matériaux », indique Qian Chen. « Grâce à l’assemblage de nanoparticules, nous pouvons concevoir des structures dont la géométrie est très contrôlée, puis, à l’aide de métamatériaux mécaniques, adapter le cadre théorique à la conception des matériaux. »
« Cela ouvre un nouveau domaine de recherche où des éléments constitutifs à l’échelle nanométrique, ainsi que leurs propriétés optiques, électromagnétiques et chimiques intrinsèques, peuvent être intégrés dans des métamatériaux mécaniques », commente M. Mao. « Cela permet l’émergence de technologies dans de nombreux domaines, de la robotique et du génie mécanique aux technologies de l’information. »
« Ce travail démontre également le potentiel de l’apprentissage automatique pour faire progresser l’étude des systèmes de particules complexes, en permettant d’observer leurs voies d’auto-assemblage régies par une dynamique complexe », conclut M. Pan. « Cela ouvre de nouvelles voies pour la conception inverse, basée sur les données, de métamatériaux colloïdaux reconfigurables à l’aide de l’apprentissage automatique et de l’intelligence artificielle. »
Article : « Nanoscale phonon dynamics in self-assembled nanoparticle lattices ». DOI: 10.1038/s41563-025-02253-3