Pour la première fois, des astronomes sont parvenus à dresser une carte tridimensionnelle d’une planète orbitant autour d’une étoile lointaine, révélant une atmosphère marquée par des zones de température radicalement distinctes. L’une d’entre elles atteint une chaleur si extrême qu’elle décompose les molécules de vapeur d’eau. Une équipe internationale, codirigée par Ryan Challener, chercheur postdoctoral à l’Université Cornell, a appliqué pour la première fois une technique baptisée cartographie d’éclipse spectroscopique à l’exoplanète WASP-18b, un géant gazeux situé à environ 400 années-lumière de la Terre. Les résultats, publiés dans la revue Nature Astronomy, ouvrent la voie à une compréhension en profondeur des mondes extrasolaires observables par le télescope spatial James Webb.
Une méthode innovante pour contourner l’éblouissement stellaire
La cartographie traditionnelle des exoplanètes se heurte à un obstacle majeur. L’éclat des étoiles hôtes rend généralement impossible toute observation directe. « La cartographie d’éclipse nous permet d’imager des exoplanètes que nous ne pouvons pas voir directement, parce que leurs étoiles hôtes sont trop lumineuses », précise Ryan Challener dans le communiqué de l’université Cornell. La technique exploite les variations infimes de luminosité lorsque la planète passe derrière son étoile, masquant et révélant successivement différentes régions de sa surface. En mesurant les changements à travers plusieurs longueurs d’onde lumineuses, les chercheurs ont pu reconstituer la structure atmosphérique en trois dimensions : latitude, longitude et altitude.
Contrairement à la carte bidimensionnelle publiée par une partie de la même équipe en 2023, qui n’utilisait qu’une seule longueur d’onde, la nouvelle carte exploite les données de l’instrument NIRISS (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph) du télescope James Webb dans plusieurs couleurs du spectre. Chaque couleur correspond à des températures et des altitudes différentes au sein de l’atmosphère gazeuse de WASP-18b, permettant ainsi de reconstituer un modèle volumétrique complet.
Un point chaud où l’eau se désintègre
Les observations révèlent des régions spectroscopiquement distinctes sur la face visible de WASP-18b, celle qui demeure constamment orientée vers son étoile en raison d’une rotation synchrone. Au centre se trouve un « point chaud » circulaire, zone où la lumière stellaire frappe le plus directement et où les vents semblent insuffisamment puissants pour redistribuer la chaleur. Autour de ce point, un « anneau » plus froid s’étend vers les bords externes visibles de la planète.
Le détail le plus frappant réside dans la concentration de vapeur d’eau : les mesures indiquent des niveaux nettement inférieurs dans le point chaud par rapport à la moyenne planétaire. « Nous pensons qu’il s’agit d’une preuve que la planète est si chaude dans la région qu’elle commence à décomposer l’eau », commente Ryan Challener. Un phénomène que les modèles théoriques avaient anticipé, mais qui trouve ici sa première confirmation observationnelle concrète.
Des perspectives prometteuses pour des milliers d’exoplanètes
Au-delà de WASP-18b, la méthode ouvre des horizons considérables pour l’étude des centaines de « Jupiters chauds » parmi les plus de 6 000 exoplanètes confirmées à ce jour. « La nouvelle technique va être applicable à de nombreuses autres planètes que nous pouvons observer avec le télescope spatial James Webb », souligne Ryan Challener, ajoutant que « nous pouvons commencer à comprendre les exoplanètes en 3D en tant que population, ce qui est très excitant ».
Anjali Piette, coauteure de l’étude et chercheuse à l’Université de Birmingham, partage l’enthousiasme : « Il est vraiment excitant de pouvoir voir une exoplanète en 3D. La plupart des exoplanètes sont si proches de leurs étoiles hôtes brillantes que nous ne pouvons pas en prendre des images comme les planètes du système solaire – mais la cartographie spectroscopique nous offre une nouvelle fenêtre sur leurs structures tridimensionnelles. »
Des observations supplémentaires par le télescope James Webb permettraient d’affiner la résolution spatiale de premières cartes tridimensionnelles. La possibilité de cartographier les variations atmosphériques d’exoplanètes lointaines avec une précision comparable à celle dont bénéficient Jupiter ou Saturne depuis la Terre marque sans conteste un tournant dans l’exploration des mondes au-delà de notre système solaire. Les travaux ont été financés par le programme communautaire de diffusion anticipée des résultats scientifiques du télescope James Webb.
Article : « Horizontal and vertical exoplanet thermal structure from a JWST spectroscopic eclipse map » – DOI : 10.1038/s41550-025-02666-9
Sources : Cornell













