Urbanisme, Transport, etc. : Los Angeles, l’exemple à ne pas suivre ?

À Los Angeles, les touristes visitent habituellement Hollywood Boulevard, traquent les vedettes à Beverly Hills ou bronzent sur les plages de la côte Pacifique.

Une quinzaine d’étudiants en études urbaines du Centre Urbanisation Culture Société y ont plutôt mis les pieds pour s’intéresser à ses enjeux urbains, dont le transport, l’immigration et l’habitation. En arrière-plan, une question : la cité des anges est-elle, comme le prétendent les partisans de l’École de Los Angeles, le canevas du futur? Retour sur un périple surprenant à plus d’un chapitre.

La cité des anges est une ville relativement jeune dont « la croissance s’est essentiellement faite après l’arrivée de l’automobile », rappelle le professeur et chercheur en économie urbaine Mario Polèse, qui accompagnait les étudiants dans leur périple ayant eu lieu en mai 2012. Résultat : Los Angeles ne possède pas de centre-ville typique où se concentrent tous les services. Le magasinage, la vie culturelle et le travail se font essentiellement dans des quartiers différents, et ce qui a déjà été le centre de la cité est maintenant assez décrépi. Entre chaque secteur, des kilomètres de bitume.

Ce modèle est celui de la ville postmoderne, défendu par les adhérents de l’École de Los Angeles, un mouvement d’urbanisme et d’architecture. Il s’oppose à celui de l’École de Chicago, qui propose des villes rationnelles et concentrées – c’est ce qui a mené, entre autres, à l’apparition des gratte-ciel.

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[ Observatoire astronomique et bâtiment emblématique de Los Angeles, le Griffith Observatory est situé sur les collines entourant la ville ]

Impossible de visiter Los Angeles sans voiture. La prépondérance de ce moyen de transport a surpris la plupart des étudiants, dont Mathieu Carrier, Marie-Ève Dufresne et Ève Arcand, membres du comité organisateur du séjour. En moyenne, le groupe devait rouler près d’une heure, parfois davantage pour se rendre d’un endroit à l’autre. « Le transport en commun est peu développé et l’autoroute a littéralement la mainmise sur la ville; je me demande comment je me déplacerais dans cette ville sans auto », s’interroge Mathieu Carrier, doctorant en études urbaines.

Villes privées

Le groupe a visité une foule de lieux en compagnie de représentants des milieux scolaire, économique et communautaire locaux afin d’approfondir le caractère urbain de la ville. Parmi les endroits parcourus figure Ladera Ranch, une banlieue planifiée par Aecom, conglomérat international qui offre des services d’ingénierie, d’architecture et de gestion de projet. Ce projet immobilier résidentiel à haute densité concentre une foule de services pour ses 40 000 habitants et se veut écologiquement responsable avec des toits verts et un système de récupération des eaux. De tels lotissements sont de plus en plus populaires autour de Los Angeles.

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[ Habitations situées tout près des plages ]

« Ladera Ranch a gagné plusieurs prix. En termes d’urbanisme, c’est une réussite, observe Mathieu Carrier, mais l’endroit est isolé, inaccessible sans voiture et réservé à une classe aisée. » Ladera Ranch compte même un quartier privé, juché au sommet d’une montagne et où ne circule pas qui veut – des gardes de sécurité en contrôlent les entrées. L’apparente homogénéité ethnique de ce quartier qu’elle qualifie de « blanc-lieu » peut, selon l’étudiante à la maîtrise en études urbaines Marie-Ève Dufresne, constituer une lacune au plan social. Au sein du groupe, les avis sur Ladera Ranch étaient d’ailleurs très partagés, générant un débat qui s’est terminé tard le soir du jour de la visite!

La situation est semblable pour l’Irvine Business District Complex, un immense complexe immobilier composé d’infrastructures dernier cri conçues par des architectes de renommée internationale. Posé en bordure de deux autoroutes, un peu comme le quartier DIX30 de Brossard, sur la rive sud de Montréal, l’Irvine Business District Complex s’avère plus luxueux. Il est réservé à des gens extrêmement riches, notamment les nouveaux fortunés d’Asie. « C’est comme une ville, mais entièrement réservée à une élite », note Ève Arcand, étudiante à la maîtrise en études urbaines.

Une cité contrastée

L’autre extrême attendait les étudiants dans un centre communautaire de Los Angeles. « Dans la métropole, le clivage social est très important et la pauvreté, souvent doublée par des questions raciales », souligne Marie-Ève Dufresne. Elle soutient de plus que les décisions politiques prises par la Ville tiennent rarement compte des plus démunis (peu de logements sociaux, application sévère des règlements municipaux, etc.). « C’est vraiment David contre Goliath », estime-t-elle.

Fait à noter, ce n’est pas la première fois que des étudiants en études urbaines du Centre Urbanisation Culture Société visitent une ville américaine. New York et Chicago ont notamment été deux de leurs destinations dans le passé. « Cette année, on a choisi Los Angeles à cause de ses aspects uniques, dont son étalement et son absence de centre-ville », explique Mathieu Carrier.

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[ Vue sur le développement Irvine Business District Complex, un centre d’activité économique et de résidences érigé loin du centre-ville historique de Los Angeles ]

Ce séjour comprenait également un séminaire avec des étudiants et des chercheurs de la University of Southern California, où le Center on Philantropy & Public Policy et le Center for Sustainable Cities s’intéressent aux mêmes questions que le Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS. Les étudiants québécois ont pu y partagé leurs impressions et leurs connaissances avec leurs confrères de Los Angeles. « Ça a été très formateur, déclare Ève Arcand. Les gens ont présenté leurs travaux respectifs et nous avons pu établir des liens. »

Malgré un programme chargé, le groupe a tout de même pu profiter de quelques heures de liberté pour se tremper les orteils dans le Pacifique. Or, ce moment de repos s’est vite mué en une nouvelle source de réflexion : « On a constaté que la plage est le seul endroit où tous les milieux, pauvres et riches, se mélangent, mentionne Mario Polèse. C’est ce qui sauve Los Angeles, un peu comme Central Park à New York ».

Sauver ? La cité des anges ne serait donc pas la ville du futur ? « J’espère que non! », répond en riant Ève Arcand. « En fait, ce voyage nous aura montré jusqu’où il ne faudrait pas aller, au Québec, en termes de construction d’autoroutes, d’étalement urbain et d’inégalités sociales, précise Mathieu Carrier. En ce sens, Los Angeles est l’exemple à ne pas suivre. » ?

Article écrit par Marc-André Sabourin – INRS.CA // crédit photo : Christian Fleury 

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gp

Bravo pour cet article! L.A est définitivement le contre exemple par excellence de l’urbanisme durable. Si seulement cette ville archi-étalée était l’addition de centaines de quartiers à taille humaine. Ca n’est malheureusement pas le cas. L’automobile est omni-présente car les distances à parcourir sont incompatibles avec les modes alternatifs en plein boom dans les grandes villes européennes. Qu’on se le dise, la mobilité, fondamentalement, c’est de la physique. Plus loin, plus vite = tjrs + d’énergie… Un exemple d’aménagement du territoire et mixité à fuir à tout prix. Vive l’Europe, même en crise.

an391

A propos d’urbanisme et de densité, ne pas oublier une des idée recues coriaces à l’heure actuelle : les grattes ciel seraient une bonne forme d’immeuble pour l’augementer, en fait il n’en est rien (pour des raisons bassement mathématiques), voir par exemple ci dessous les travaux de Lionel March (à Cambridge dans les sixities avec Leslie Martin) :

gp

pour abonder dans ce sens : non seulement la “tour” n’est pas le passage obligé de la mobilité durable mais en plus elle a 2 inconvénients majeurs : l’impact enviro de ses modes constructifs (énergie grise) et la dépendance accrue aux ascenseurs. Au dela de 15 étages, la conso élec. par habitant n’est plus du tout négligeable sauf dans le cas très très particulier des immeubles “piramidaux” (plus on monte, plus la SH se réduit). Il suffit d’absorder les formes urbaines dominantes des centres anciens pour comprendre qu’on peut faire (très) dense tout en restant à l’échelle humaine. Dit autrement, la maison de ville sur toute petite parcelle (

an391

Oui, la consommation des ascenseurs n’a vraiment rien de négligeable. Sinon a propos des immeubles on oublie souvent aussi qu’on ne peut pas les faire aussi épais que l’on veut. Des bouquins vraiment excellent je trouve sur l’évolution des immeubles sont ceux de Christian Moley. (par exemple les immeubles sont passé s’autour de 10 mètres d’épaisseurs au XIXeme ou avant, à 12 ou 13 actuellement, et la raison principale est la possibilité de faire des salles de bain ou cuisines sans fenêtre avec la ventilation mécanisée. Ce bouquin là par exemple :