Visualiser des instabilités magnétiques avec des protons accélérés par laser

Une équipe internationale de chercheurs est la première à démontrer expérimentalement les instabilités dites de Weibel prédites par la théorie il y a plus de 50 ans, dans la prestigieuse revue Nature Physics. Ces instabilités engendrent une turbulence magnétique qui, dans des milieux astrophysiques, pourrait causer l’accélération des rayons cosmiques et l’émission de photons gamma dans les « sursauts gamma ».

Julien Fuchs, diplômé de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et chercheur au Laboratoire pour l’utilisation des lasers intenses (LULI) en France, le professeur Patrizio Antici de l’INRS, spécialiste dans l’accélération de particules par laser, et le professeur émérite Henri Pépin de l’INRS ont réussi à mesurer les champs magnétiques produits par les instabilités de Weibel au sein d’un plasma (gaz ionisé) soumis à un intense faisceau laser. Leurs résultats ont été publiés le 1er juin dans la revue Nature Physics.

Les chercheurs ont utilisé la radiographie par protons accélérés par laser pour pouvoir visualiser ce phénomène extrêmement rapide. « Nos protons accélérés par interaction laser-plasma permettent d’avoir une séquence d’images de phénomènes électromagnétiques très rapide, de l’ordre de la picoseconde, avec une résolution de quelques microns. Cela permet de sonder les instabilités avec une précision inégalée par d’autres techniques d’imagerie », rapporte Patrizio Antici qui a fait sa thèse sous la direction du professeur Fuchs, lui-même un ancien doctorant du professeur Pépin.

Ces trois générations de chercheurs diplômés de l’INRS ont recréé un « modèle réduit » des phénomènes astrophysiques en laboratoire en bombardant une cible avec un puissant laser. Les fluctuations magnétiques engendrées par cette interaction peuvent être sondées par les protons sur une série de films sensibles, produisant ainsi une séquence d’images des structures magnétiques obtenues.

L’interprétation et la modélisation de ces structures ont été réalisées en collaboration avec une équipe de physiciens du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) pilotée par Laurent Gremillet. Après neuf années de travail, les chercheurs ont mis en évidence deux variantes de l’instabilité de Weibel selon la région du plasma, en combinant modélisation théorique et simulations numériques de pointe.

Avec des lasers plus puissants, les chercheurs pourront analyser des phénomènes astrophysiques encore plus extrêmes avec des résultats d’une résolution inégalée.

À propos de l'étude

L'article « Growth of concomitant laser-driven collisionless and resistive electron filamentation instabilities over large spatiotemporal scales », par C. Ruyer, S. Bolaños, B. Albertazzi, S. N. Chen, P. Antici, J. Böker, V. Dervieux, L. Lancia, M. Nakatsutsumi, L. Romagnani, R. Shepherd, M. Swantusch, M. Borghesi, O. Willi, H. Pépin, M. Starodubtsev, M. Grech, C. Riconda, L. Gremillet et J. Fuchs a été publié dans la revue Nature Physics. Ils ont bénéficié du soutien financier du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne et du Conseil européen de la recherche (CER). DOI : https://doi.org/10.1038/s41567-020-0913-x
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Lien principal : doi.org/10.1038/s41567-020-0913-x
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