Voiture électrique : rien n’est joué

Mais logiquement, la motivation d’achat pour une voiture électrique diminue avec les revenus du foyer considéré ce qui montre que le prix constitue encore le principal frein au développement de la voiture électrique. La même étude souligne d’ailleurs que 86 % des Français jugent qu’il faudrait davantage encourager la commercialisation des voitures électriques.

En matière de modèles, PSA a dévoilé au public la Peugeot Ion et la Citroën C-Zéro qui seront commercialisées à la fin de l’année. De son côté, Nissan a présenté sa Leaf et Renault la Zoé qui devrait être en vente en 2012.

Bolloré annonce pour sa part sa Bluecar pour 2001. Contrairement à ses concurrentes qui utilisent toutes des batteries lithium-ion, la Bluecar est propulsée par une batterie LMP (Lithium-Métal-Polymère) plus performante et qui affiche une autonomie supérieure à 200 km, contre 100 à 150 km pour ses rivales.

Mais en dépit d’indéniables progrès technologiques, cette nouvelle génération de voitures électriques est encore très chère : pour l’iOn, la voiture 100 % électrique de Peugeot, le prix de vente de cette petite citadine sera de 30 000 euros, prime d’Etat de 5 000 euros déduite), le constructeur parie sur la location pour convertir ses clients à l’électrique. Peugeot proposera aussi une formule de location de longue durée à 500 euros par mois, entretien et assistance compris.

Les premières Renault électriques ne seront pas commercialisées avant le printemps 2011. La gamme comprendra trois véhicules : la Fluence ZE (A partir de 21 300 € en France, hors batterie, incitation fiscale de 5 000 € déduite,le Kangoo Express ZE (à partir de 15 000 € en France hors batterie, incitation fiscale de 5 000 € déduite) et enfin la Zoé ZE, l’équivalent électrique de la Clio. A ces prix achat élevé, il faudra encore ajouter le prix de location des batteries, de 80 à 100 € par mois.

Certes, le coût d’utilisation de ces voitures électriques est très inférieur à celui des véhicules thermiques. Selon une étude du Boston Consulting Group, le km pour une voiture à essence revient en moyenne à 0,13 €, tandis que pour une voiture électrique, c’est 0,02 €. mais le surcoût à l’achat (de 5000 à 10 000 € même avec la prime écologique de l’Etat) est tel qu’il faudra faire au moins 15 000 km par an pour amortir cette différence de prix d’achat sur la durée de vie de la voiture.

Or, on constate que la distance moyenne annuelle parcourue en voiture en France n’a cessé de diminuer depuis 30 ans et se situe à présent autour de 12 500 km par an. Même avec une aide massive et durable de l’Etat et des collectivités locales, la voiture électrique restera, pendant plusieurs années encore, plus chère que son homologue thermique.

Le deuxième grand défi est évidemment celui de l’autonomie et des infrastructures de recharge. Quand les constructeurs annoncent des autonomies de 150 km, ils raisonnent en situation de conduite idéale. Dans la réalité, les tests ont montré que l’autonomie réelle était plutôt d’une centaine de km. La plupart des études prospectives tablent sur un maximum de deux millions de voitures électriques en France en 2020 (environ 6 % du parc automobile prévu à cette date). Si ces prévisions se réalisent, la consommation de ce parc électrique devrait néanmoins représenter moins de 1 % de la consommation d’électricité en France prévue en 2020 (535 TWh selon RTE).

Si cette consommation est nocturne pendant les heures creuses, le réseau sera capable de l’absorber sans problème. Mais si les usagers utilisent massivement en journée la charge rapide qui permet en 30 minutes de récupérer 80 % de la charge totale et constitue l’argument commercial principal des constructeurs pour faire passer la faible autonomie de ces voitures, les pics de consommation seront beaucoup plus délicats à gérer.

Pour l’instant, les tests montrent que les utilisateurs de voitures électriques accomplissent en moyenne 35 km par jour et ne changent pas leur comportement. Ils rechargent leur voiture en moyenne tous les 3 jours et demi, chez eux ou au bureau dans 94 % des cas. Les bornes publiques servent surtout à les rassurer.

En outre, tout sera fait en matière tarifaire pour que les possesseurs de voitures électriques aient intérêt à effectuer le chargement de leur voiture aux heures creuses. Cette forte incitation sera rendue possible par le développement des réseaux intelligents ("smart grids") qui permettront à la voiture de communiquer avec le système d’alimentation électrique et d’ajuster la charge à la capacité de production du réseau.

L’automobiliste pourra également vérifier à distance le niveau de charge et activer chauffage ou climatisation tant que le véhicule est encore branché sur le réseau électrique.

Mais la solution au problème du rechargement et de la faible autonomie viendra peut-être des systèmes d’échanges automatiques et robotisés de batteries, comme Better Place, qui permettent en une minute de changer tout simplement de batterie comme on fait le plein d’essence !

On le voit, en attendant la prochaine génération de véhicules électriques (sur laquelle travaille notamment le CEA de Grenoble) qui auront à l’horizon 2020 une autonomie de 300 km, la voiture électrique sera pendant de longues années une voiture presque exclusivement urbaine. Elle sera soit la deuxième voiture pour des familles aisées ayant déjà un véhicule thermique, soit la voiture unique pour couples ou célibataires urbains travaillant à proximité de leur domicile.

Le troisième point concerne le "bilan carbone" des voitures électriques. Si une voiture électrique n’émet pas directement de CO2, l’électricité nécessaire à sa propulsion doit être produite par un "mix" énergétique qui contient essentiellement du nucléaire mais aussi des énergies fossiles (centrales thermiques ) particulièrement sollicitées en périodes de pointes de consommation. Selon l’ADEME, le bilan carbone d’une voiture électrique est donc, en moyenne, de 126 grammes de CO2 par km, contre 161 grammes pour un véhicule thermique. La différence n’est donc pas considérable en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

Il faut enfin souligner que la voiture « tout électrique » va objectivement se trouver en concurrence avec la nouvelle génération de véhicules hybrides rechargeables qui consomment moins de trois litres au cent et ont une autonomie trois à quatre fois plus grande.

La généralisation du véhicule tout électrique en ville au cours des 20 prochaines années est d’abord un défi politique et culturel qui suppose un très fort volontarisme de l’État et des collectivités locales mais également un changement profond de nos comportements en matière de déplacements. En outre, pour s’imposer dans les déplacements urbains, la voiture électrique devra être utilisée de manière partagée, comme un service que l’on consomme à la demande et non comme un objet dont on a la possession exclusive.

Souhaitons que nos élus nationaux et locaux prennent toute la mesure de ce défi et mettent en oeuvre des politiques cohérentes, globales et incitatives sur le long terme, tant en matière énergétique que dans le domaine des transports et de l’urbanisme.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par René Tregouët

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