Dans un monde en quête de solutions pour lutter contre le changement climatique, une innovation prometteuse émerge du domaine de la sidérurgie. Un chimiste de l’université Tufts propose une méthode révolutionnaire pour produire du fer en réduisant drastiquement les émissions de carbone. Cette avancée pourrait transformer l’une des industries les plus polluantes de la planète.
La production de fer est un processus industriel vieux de plus de 3000 ans, responsable aujourd’hui de 4% des émissions mondiales de dioxyde de carbone. La méthode traditionnelle utilise du coke dérivé du charbon pour fondre le minerai de fer dans d’immenses hauts fourneaux. Ce procédé, bien qu’efficace, est extrêmement polluant.
Luke Davis, professeur assistant de chimie à Tufts, précise à sa façon : «Nous nous sommes demandé si, malgré la longue histoire de la fabrication du fer, il pouvait exister une nouvelle façon de produire du fer sans libérer autant de dioxyde de carbone.»
L’ammoniac : une alternative insoupçonnée
L’idée novatrice de Davis et son équipe est de remplacer le coke par de l’ammoniac riche en hydrogène. L’ammoniac, composé d’un atome d’azote et de trois atomes d’hydrogène, présente plusieurs avantages :
1. Réduction des émissions
Contrairement au coke qui libère du CO2, l’utilisation d’ammoniac ne produirait que de l’eau et de l’azote comme sous-produits. Davis souligne : «L’azote constitue déjà 78% de l’atmosphère terrestre et n’est pas un gaz à effet de serre.»
2. Facilité de transport
L’ammoniac se liquéfie à -27°C, une température froide mais gérable, ce qui facilite son transport par rapport à l’hydrogène pur.
3. Production à grande échelle
L’ammoniac est déjà produit en grandes quantités, principalement pour les engrais. Les États-Unis produisent actuellement deux fois plus d’ammoniac que nécessaire pour convertir toute leur production de fer.
Malgré ses avantages, l’utilisation de l’ammoniac dans la production de fer n’est pas encore efficace à grande échelle. La réaction est lente, ce qui constitue le principal obstacle à son adoption industrielle.
C’est là qu’intervient le projet de recherche de Davis, financé par une subvention de 2,9 millions de dollars du Département de l’Énergie des États-Unis. «Nos résultats préliminaires étaient suffisamment convaincants pour que le Département de l’Énergie finance ces travaux», affirme le chercheur.
Une collaboration interdisciplinaire
Le projet, dirigé par l’université Tufts, implique plusieurs partenaires :
– L’université Cornell analysera les réactions à l’échelle du laboratoire.
– L’Institut de recherche sur les ressources naturelles de l’université du Minnesota fournira le minerai et analysera les produits ferreux.
– Le Laboratoire national des énergies renouvelables examinera le cycle de vie économique du nouveau procédé.
Si cette technologie s’avère viable, elle pourrait révolutionner l’industrie sidérurgique mondiale. Non seulement elle réduirait considérablement les émissions de CO2, mais elle ouvrirait également la voie à une production de fer plus durable et respectueuse de l’environnement.
Comme le résume Davis : «Si nous parvenons à décarboner complètement la production de fer, l’ammoniac est probablement la forme la plus dense de molécule contenant de l’hydrogène qui puisse être expédiée.»
Cette recherche s’inscrit dans un effort global visant à réduire l’impact environnemental des industries lourdes. Si elle réussit, elle pourrait marquer un tournant décisif dans la lutte contre le changement climatique, tout en préservant la capacité de production d’un matériau essentiel à notre civilisation moderne.
Ce projet ambitieux mobilise une équipe pluridisciplinaire de chercheurs et d’institutions renommées. L’université Tufts, chef de file de l’initiative, coordonne les efforts de plusieurs partenaires clés. L’université Cornell apporte son expertise en analysant les réactions chimiques à l’échelle du laboratoire. L’institut de recherche sur les ressources naturelles de l’université du Minnesota joue un rôle crucial en fournissant le minerai nécessaire aux expériences et en évaluant la qualité du fer produit pour son utilisation dans la sidérurgie. Enfin, le laboratoire national des énergies renouvelables complète cette synergie en étudiant l’impact économique et environnemental du nouveau procédé, le comparant aux méthodes traditionnelles. Cette collaboration interdisciplinaire vise à transformer radicalement l’industrie sidérurgique, alliant innovation scientifique et viabilité économique.