Malgré le pont de l’Assomption, les devantures vertes resteront baissées ce samedi 16 août 2025 : près de neuf pharmacies sur dix fermeront leurs portes, rejoignant un mouvement inédit lancé par leurs syndicats. En cause ? La décision gouvernementale de plafonner progressivement les ristournes sur les médicaments génériques, source vitale de revenus pour les officines rurales comme urbaines. Les professionnels alertent sur un risque de « désert pharmaceutique » et de suppressions d’emplois à brève échéance. Derrière cette journée noire se joue donc bien plus qu’un simple bras de fer tarifaire : l’avenir du maillage de santé de proximité.
Une réforme qui taille dans la marge
Publiés au Journal officiel le 6 août, les nouveaux plafonds ramèneront la remise commerciale maximale accordée par les laboratoires de 40% aujourd’hui à 30% dès le 1ᵉʳ septembre, pour tomber à 20% en 2027. Or ces remises représentent environ un tiers de la marge brute d’une officine moyenne, rappellent l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Selon leurs calculs, la mesure pourrait ponctionner 400 M€ de revenus annuels, fragilisant d’abord les petites pharmacies déjà exposées au coût de l’inflation et aux pénuries de médicaments.
« Fermer un jour pour ne pas fermer pour toujours »
Sous ce slogan, l’USPO a appelé dès la fin juin à une série d’actions : grève des gardes depuis le 1ᵉʳ juillet, pétitions locales et, point d’orgue, fermeture totale le 16 août. Un sondage interne fait état de 92% d’officines prêtes à suivre le mot d’ordre, avec même des départements où le taux grimperait à 100%. Les pharmaciens entendent frapper les esprits en alignant trois jours consécutifs de rideaux baissés : vendredi férié, samedi de grève, dimanche de repos hebdomadaire.
Un service minimum réquisitionné
Pour garantir l’accès aux traitements urgents, plusieurs Agences régionales de santé ont pris des arrêtés de réquisition d’officines de garde. Les syndicats acceptent ces réquisitions « proportionnées », mais préviennent qu’elles ne suffiront pas à compenser l’absence d’environ 18,000 points de vente. Les patients seront donc redirigés, selon les cas, vers les pharmacies désignées ou vers les services hospitaliers, au risque de saturer des urgences déjà sous tension.
Certains titulaires jugent toutefois la journée du 16 août mal choisie : le lendemain de jour férié et la veille de dimanche, c’est l’un des pics d’activité de l’année. D’autres redoutent de braquer la patientèle plutôt que de l’alerter. Mais les organisations estiment qu’un « électrochoc » est nécessaire pour faire pression avant la reprise des discussions budgétaires de la rentrée.
Et après ?
Faute de concession rapide, les syndicats menacent d’étendre la grève : nouvelle fermeture nationale le jeudi 18 septembre, puis chaque samedi à partir du 27 septembre, assortie de blocages ponctuels des tiers payants et d’actions administratives. De quoi tendre un peu plus le climat entre profession et exécutif, à l’heure où le gouvernement cherche des économies supplémentaires sur l’Assurance-maladie.
La grève des pharmacies du 16 août cristallise bien plus qu’un désaccord sur un pourcentage de remise : elle met en lumière la fragilité économique d’un maillon essentiel du système de santé, garant de l’accès aux soins de proximité. Si aucun compromis n’émerge, le rapport de force pourrait s’enliser et accélérer la mutation ou voire la disparition d’un réseau auquel la population reste viscéralement attachée.