Assiste-t-on à l’émergence d’une obsolescence programmée dans le bâtiment ?

Il s’agit d’un retour d’expérience prospectif de la part d’un dirigeant, Paul-Etienne Davier, de bureau d’ingénierie environnementale et fluides n’ayant conçu depuis 2008 que des bâtiments très basse consommation en construction ou rénovation.

AI Environnement met l’accent sur le confort et le bien-être des occupants d’une construction, sur sa performance réelle d’exploitation, et sur une approche carbone éco-responsable.

Propos introductifs

C’est une question que je me suis posé très récemment en organisant des interventions dans le cadre du salon de maires et du SIMI en souhaitant aborder le sujet de la Règlementation Bâtiment Responsable 2020 (RBR 2020). Assiste-t-on à l’émergence d’une obsolescence programmée dans le bâtiment ?

L’obsolescence programmée consiste à planifier volontairement une désuétude ou un taux de remplacement rapide pour un équipement. Pour le secteur du bâtiment, l’obsolescence au sens ou je l’entends, consisterait plutôt à involontairement concevoir des bâtiments selon des critères de performance qui peu après leur livraison seront dépassés.

Deux tendances de fond

J’aimerai pour m’expliquer revenir sur deux mouvements de fonds contradictoires qui agitent le monde de la construction de manière plus prononcée depuis un an et qui viennent de faire le devant de l’actualité.

1. D’un côté, sous l’égide de la Directive Européenne 2010-31-UE et du Plan Bâtiment Durable on assiste à la mise en place d’un nouveau paradigme de conception à l’horizon 2020.

Ce paradigme passe du seul prisme de l’approche énergétique à une approche élargie, cohérente du spectre de la conception environnementale (qualité de l’air, approche carbone, ingénierie de projet, intégration de smart-grid…). La Directive Européenne annonce que d’ici au 31/12/2020, tous les nouveaux bâtiments seront à consommation énergétique quasi nulle. Le Plan Bâtiment Durable vient pour sa part de remettre un troisième rapport le 25 septembre 2014. Il suffit de le lire pour comprendre les révolutions « positives » et bas carbone qui émergent.

2. Dans le même temps, un autre mouvement de fond vient freiner cette initiative et remettre en doute la généralisation des bâtiments basse consommation, pourtant moteur initial de la RT 2012 – RT 2012 qui bien que non exempt de critique, est une avancée indéniable. La récente prolongation de la dérogation RT 2012 logements collectifs de 57,5kwh/m².an au lieu de 50 kwh/m².an jusqu’au 1 janvier 2018 au lieu 1er janvier 2015 en est la plus récente illustration.

Je comprends en partie le raisonnement qui anime ce mouvement. Il serait caricatural de considérer que l’un des mouvements est orienté marketing et l’autre réalité de terrain. Y a-t-il deux types d’acteurs ? Ceux qui ont peur de l’avenir et ceux qui le souhaitent l’améliorer ? L’important n’est pas de disserter trop longtemps sur le sujet et de tergiverser puisqu’il y a de bons arguments des deux côtés.

L’important est de rappeler le cap et de l’expliquer

Avec cette mesure, un bâtiment tout juste RT 2012 conçu en 2018 et livré après 2020 sera 25% moins performant qu’un BBC 2005 livré en 2010, si on prend en compte la modification de la SHON RT et des zones climatiques. Comment imaginer que ce bâtiment conçu en 2018 ne soit pas déjà désuet par rapport à ses contemporains 2020 qui devront être à énergie positive si l’on en croit le réglementaire ?

Au lieu d’introduire dès à présent, et à coût maîtrisé, les méthodes constructives de 2020, nous continuons à jongler avec des modes constructifs en partie dépassés techniquement et ce jusqu’au dernier moment. Est-ce quelque-chose de sain pour les acteurs économiques pour une transition énergétique sereine dans la construction ?

Les études sur le coût global de la construction montrent que les marges de manœuvre se situent davantage dans le nombre de parking en infrastructure et sur le prix du foncier. Ne serait-il pas plus pertinent de s’attarder sur cela que sur quelques kwh en imprimant un message de remise en question d’une évolution inéluctable ?

Recentrer la convergence d’intérêts dans le pilotage de projet

Bouger à la marge les curseurs de la RT pour concevoir des projets aux consommations théoriques est nécessaire mais plus suffisant. Il faut de moins en moins transiger avec la performance réelle d’exploitation et le confort d’usage des occupants. La RBR 2020 prône une modification de l’approche financière du projet, en proposant notamment de généraliser la réflexion en coût global. Avec une triple approche de conception / exploitation, une approche patrimoniale et une approche en termes d’externalités, on comprend vite que réfléchir différemment enclenche un cycle vertueux pour tous les acteurs du bâtiment.

Pour l’existant, en croisant les données de la valeur verte émanant d’études notariales et des chiffres du Trésor Public sur la valeur des actifs immobiliers de l’état, on comprend vite et à juste titre que laisser se dévaloriser des actifs accroît dramatiquement l’effet de la dette de l’Etat et d’une même manière celle des ménages d’un point de vue macro-économique.

En 2020, le BEPOS va doper un phénomène d’obsolescence d’origine réglementaire, mais également architecturale, technique, économique et sociologique.

Pour conclure

Les objectifs nationaux guidés par le Plan Bâtiment Durable ont déjà pris du retard. Pour ma part, même si je ne stigmatise aucun choix, le choix de positionnement est clair pour ma société AI Environnement. J’estime avoir un devoir de conseil et d’information auprès de mes clients. Le parti pris est de les sensibiliser méthodologiquement et de fournir un accompagnement technique par une approche de coût global maîtrisé de long terme, en ne réalisant que des projets allant au-delà des exigences réglementaires actuelles.

Il est temps de montrer un cap clair et ambitieux, avec des convictions qui redonneront confiance en l’avenir dans le secteur. Donner une vision et un message d’espoir est nécessaire pour revaloriser nos professions et enclencher la transition énergétique. C’est pour moi la seule solution de sortir par le haut de la crise de la construction actuelle. Il faut évoluer, c’est dans l’intérêt particulier et général de tous.

Embarquons réellement dès à présent pour les bâtiments sobres, durables et désirables. Il n’est jamais superflu de rappeler que de montrer l’exemple n’est pas la meilleure solution, c’est la seule.

Paul-Etienne Davier
Gérant de la Société AI Environnement

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Pastilleverte

…mettre trop de sable et pas assez de ciment dans le béton ?

Radulph

Si il s’agit d’une obsolescence programmée propre à tous les niveaux, c’est à dire en termes de dégradation positive type ” craddle to craddle” et de reconstruction propre, pourquoi pas.. non? elle serait génératrice d’emploi et permettrait aux industries de produire si celà évidemment reste dans un cadre positif à toutes les étapes de création et de dégradation du produit, reste à savoir si ce mode de production serait robotisé ou non , si tel est le cas je n’en vois pas l’intérêt en terme de maintenance et de créations d’emplois à moins que cette robotisation soit indéxée au plus proche de l’ humain et du travailleur et non l’inverse.

Tradous

…au bout d’une quinzaine d’année(peut être 20 ans),le batiment(ou la maison) tombe quasiment en ruine et qu’il faut quasiment en reconstruire un autre(ou une autre) ?? Ça serait là,une bien méchante escroquerie !! Attention,dès lors, à ces nouvelles constructions,ça pue l’arnaque et l’embrouille(et ça serait ruineux) ! Autant aller vivre sous des yourtes,c’est moins cher de changer du tissu que des murs en dur,et des toitures en dur…

Gg55li90

Qu on le veuille ou non, le Bepos devient non pas une obligation, mais progressivement le référentiel de marché. Ce le le serait d’autant plus avec un coût de l ‘énergie plus élevé. Nous sommes trompés par l’échelle de temps dans la construction qui fait oublier de s’intéresser aux référentiels se mettant en place dans plusieurs années, càd réellement demain à l’échelle d’un investissement constructif. Dans l’automobile, le prochain référentiel chasse le précédent en termes de confort, sobriété, sécurité, etc. On achète le millésime de l’année qui suit à compter de la mi-année, iso-coût bien sûr et il ne faut pas occulter une nécessaire productivité dans les modes constructifs. Conclusion : le Bepos décolle à mi-chemin entre 2 référentiels à savoir 2016. Ce monsieur a donc raison et il faut suivre Savoie.

Xa

Je pense, qu’il ne faut pas voir cette obsolescence programmée en terme de durée de vie réel du batiment mais plutôt tel l’obsolescence programmée par la marque à la pomme sur ces produits. C’est à dire une obscolescence par arrivée sur du marché de produi (ici des batiments) bcp plus performant sur un court laps de temps. ce qui engedrerait une distortion du marché et une dévaluation rapide de bien à peine terminé.

Verdarie

L’obsolescence ? Encore une mauvaise réponse à un vrai problème ! Comme le souligne Xa, l’obsolescence n’a pas de raison d’être programmée car l’innovation (si elle est réelle) la crée sans qu’on puisse avoir à y redire. Mais il y a de la marge et de l’escroquerie entre un produit moins performant parce que plus ancien et un plus récent dont on a programmé la durée de vie, dans l’unique but de faire plus de profits. Puisque dans ce cas la recherche devient inutile. C’est donc un choix de régression ? Avec des conséquences dont on mesure mal les effets mais qui de toute façon ne pourraient que finir mal ! Encore une remarque. Si des gens diplômés sont capables de raisonner dans ce sens, ça en dit long sur notre manière d’apprendre et de transmettre notre savoir. Et ça,sa devrait nous faire peur !

Afond

Bonjour Il parle bien ce monsieur : Au lieu d’introduire dès à présent, et à coût maîtrisé, les méthodes constructives de 2020, nous continuons à jongler avec des modes constructifs en partie dépassés techniquement et ce jusqu’au dernier moment. Est-ce quelque-chose de sain pour les acteurs économiques pour une transition énergétique sereine … ? Heu, il parle du nucléaire là, non? Parceque c’est exactement ce qu’on fait avec nos vieilles centrales nuke et autre EPR ! Sauf que c’est plus simple de dynamiter une barre d’immeubles que de se débarrasser d’un réacteur nuke ! Et quand il merde, c’est pire ! parlez en aux japonais ! Alors, on attend la cata ? ou pas ? Energie nucléaire= énergie du désespoir Au secours !

Autop

Alors, on attend la cata ? ou pas ? Cata ou pas cata,on continue le nuke,même si ça déplait à “afond”et ses petits potes. Joyeux noel et bonne année.

Herve

Y a aussi un autre souci à considérer, c’est que les “professionnels” du bâtiment n’ont peut être pas tous la faculté d’adaptation nécessaire à tous ces changements rapides. Une évolution trop rapide pour des gens insuffisamment formés (ou qui en ont rien à foutre de faire du bon boulot car pas envie d’essayer de comprendre)donne du BBC autant déperditif qu’une construction des années 70 (Cas rencontré, ce n’est pas une exagération). Déja si toutes les maisons étaient aux niveau de perf correspondant à la réglementation pour laquelle elle ont été conçues, ce serait déja bien.

etehiver

Oui, BBC et normes futures, de fait tranformer une maison en bouteille thermos, étanche, rend obsolète les maisons un peu anciennes, comme les miennes et toutes celles dans les villes comme Paris et sa banlieue. Il existe d’autres solutions jamais envisagées pour se chauffer GRATIS sans reconstruire son immeuble ou sa maison, pour l’isoler. En premier sans pompe à chaleur, on peut se chauffer gratis à l’usage en hiver avec la chaleur gaspillée du soleil de l’été conservée sous terre, comme réalisé et fonctionnel depuis 2007 à http://www.dlsc.ca de fait une géothermie simple superficielle à recharge solaire en été, sans aucune pompe à chaleur. On peut l’installer avec des capteurs solaires simples d’été sur les toits et stockage thermique sous nos parkings pour chauffer des maisons et immeubles anciens sans tout reconstruire, pour un chauffage gratis et perpétuel, jamais obsolète, à l’usage une fois installé, sans aucune pompe à chaleur, sans CO2, sans pollution, sans radioactivité cachée des pompes à chaleur, mais il faudrait vouloir mettre au point des versions simples et peu chères. Au contraire il est bien plus rentable de proposer des solutions vraies arnaques chères à l’usage, à durèe de vie courtes (cas des pompes à chaleur, mon cas avec une pompe à chaleur à changer totalement 3 ans après, vu que son fluide à été interdit ), vite osolètes à changer vite. sans cesse, avec beaucoup d’entretien. La plupart des immeubles des villes et des banlieux sont des gouffres énergétiques : mon fils se chauffe gratis avec la chaleur perdue par ses voisins juste avec l’air du couloir aspiré par la ventilation, air chauffé par ses voisins, 19°C pour 0°C dehors sans aucun chauffage chez lui !!! Ces immeubles sont très difficiles et très chers à améliorer sans les reconstruire entièrement. Ma maison ancienne, obsolète, me coute en chauffage un tiers des impôts que je subis, fonciers et habitaion et donc réduire à zéro les dépenses du chauffage réduit de 25% mes dépenses pour cette maison !!! Donc je ne suis pas motivé pour rénover en BBC et de plus je peux me chauffer gtatis avec les bois et végétaux de haies qui pourrissent autour de chez moi, une fois séchés en été au soleil, mais il n’existe pas de poêle pas cher, comme pour les granulés, qui brule n’importe quels végétaux sortant d’un broyeur ! L’industrie fait très attention de ne pas vendre de poêle pas cher brulant de tout avec un bon rendement, alors que c’est très possible techniquement !!! Donc les arnaques et obsolescences programmées, avec des normes absurdes, vont continuer fort longtemps, avec plein de CO2 et de centrales nucléaires, alors qu’on peut se chauffer gratis sans aucun CO2 sans aucune pollution, comme à http://www.dlsc.ca !! Enfin on ne va pas manquer de combustibles, car sous notre terre, la vie a accumulé sur 600millions d’années des combustibles carbonés en quantités capables de bruler bien plus que tout l’oxygène que nous respirons !! La vie renouvelle cet oxygène tous les 200millions d’années en stockant sous terre autant d’atomes de Carbone que de molécules d’oxygène dans notre air !! Il n’y aura pas de pic pétrolier !!! Si on continue, on va multiplier par 10 la concentration de CO2 , chauffer la terre de plus 15°C, comme cela s’est produit l y a 55 millions d’années spontanément, juste en dégageant le méthane du fond des mers, avec les mers 60m plus hautes, sans aucunes glaces aux pôles !!

Guinioul

Bonour, Monsieur Davier nous dit que : “L’obsolescence programmée consiste à planifier volontairement une désuétude ou un taux de remplacement rapide pour un équipement.” . Ce que vous décrivez releve du renouvellement normal et de l’évolution technique, ce n’est pas de l’obsolescence programmée . En effet l’obsolescence programmée est plutot : “le fait de rendre inutilisable un dispositif de maniere volontaire au bout d’un certain temps, par voie logicielle ou materielle, ainsi que le fait d’utiliser des techniques de fabrication empechant une réparation du produit après une panne . La nuance est ténue mais elle fait toute la différence ! Qu’un fabricant vous donne envie d’acheter son nouveau produit car il est nouveau, propose davantage de fonction, est plus sexy, ou que sais je encore, est une chose mais ce n’est pas de l’obsolescence programmée (c’est juste une résultante de la compétition qui régit le systeme commercial actuel) . En revanche le fait que ce meme fabricant vous oblige à en racheter un nouveau car l’ancien à été programmé pour tomber en panne au bout d’un temps “t” et ne pas etre réparable (ou que le prix de la réparation couter le prix d’un appareil neuf), en est une autre bien différente; et c’est bien celle ci la réele obsolescence programmée . Donc à moins que certains batiments soient prévus pour s’autodétruire au bout d’un certain temps sans que les éléments impactés ne soient réparables (ou remplaçables), je ne vois pas comment on peut avancer que l’obsolescence programmé s’insinue dans le secteur de la construction …