Une équipe internationale de chercheurs a publié une étude révélant une solution innovante aux défis persistants des batteries à flux redox zinc-iode (ZIFB). En substituant l’anode traditionnelle par un métal liquide, ils ont non seulement résolu le problème des dendrites, ces excroissances métalliques à l’origine de courts-circuits, mais aussi ouvert une voie crédible pour le stockage massif d’énergie renouvelable. Cette avancée, bien que technique, pourrait influencer les stratégies énergétiques mondiales, en particulier pour les investisseurs et décideurs confrontés à l’urgence climatique.
L’innovation repose sur l’utilisation d’un alliage liquide eutectique de gallium, d’indium et d’étain (EGaInSn) comme électrode négative. Contrairement aux anodes solides, dont la surface rugueuse favorise la croissance anarchique de dendrites, le métal liquide offre une interface lisse et dynamique. Lors de la charge, les ions zinc se déposent uniformément sur cette surface, évitant les accumulations critiques. Les analyses montrent que l’énergie d’adsorption du zinc sur ce métal liquide atteint -1,35 eV, bien supérieure à celle observée sur des substrats solides (-0,48 eV sur Zn(002)), ce qui explique son efficacité.
Les micrographies électroniques et les cartographies élémentaires révèlent une distribution homogène des métaux constitutifs de l’alliage, même après des milliers de cycles. Aucun résidu de zinc n’a été détecté après décharge complète, confirmant la réversibilité du processus. Ces observations corroborent les simulations théoriques, qui indiquent une barrière de diffusion du zinc 60 % plus faible dans le métal liquide que dans le zinc solide, facilitant une croissance laminaire des dépôts.
Des performances records et de durabilité
Les tests en laboratoire ont démontré une stabilité exceptionnelle sur 4 400 heures (180 jours), avec une dégradation de la capacité de 0,0008 % par cycle et 0,003 % par jour. La densité de courant atteint 40 mA/cm² pour une capacité aréique de 120 mAh/cm², avec un rendement coulombique moyen de 98,4 %. Ces chiffres placent cette technologie parmi les plus fiables des systèmes ZIFB actuels, selon les données publiées.
L’iode, composant clé de la cathode, joue un rôle complémentaire essentiel. Lors de la décharge, il se réduit en ions iodure (I⁻), tandis que le zinc s’oxyde en Zn²⁺. Ce mécanisme redox, bien maîtrisé, assure un flux d’électrons continu. Néanmoins, l’étude ne détaille pas les interactions entre l’iode et la membrane séparatrice, un point à approfondir pour éviter les fuites ou les réactions secondaires.

Des défis économiques et environnementaux
Malgré ces résultats, l’utilisation de gallium et d’indium, métaux rares et coûteux, pose question. Leur extraction, concentrée géopolitiquement, pourrait limiter une production à grande échelle. Les chercheurs suggèrent d’explorer des alliages alternatifs, comme ceux à base d’étain ou de bismuth, moins onéreux. Par ailleurs, la densité énergétique actuelle (640 mAh/cm²) reste inférieure à celle des batteries au lithium, un handicap pour des applications nécessitant un encombrement réduit.
Une analyse du cycle de vie est également nécessaire pour évaluer l’impact environnemental de la production et du recyclage des batteries. Les auteurs soulignent l’importance de développer des filières de récupération des métaux liquides, afin de réduire les coûts et les déchets.
Les implications de cette technologie dépassent le cadre du laboratoire. Pour les réseaux électriques, les ZIFB à métal liquide pourraient stocker l’énergie solaire ou éolienne pendant des jours, voire des semaines, compensant les intermittences des renouvelables. Leur durée de vie prolongée réduirait les coûts de maintenance, un atout pour les pays investissant dans la transition énergétique.
Cependant, leur déploiement dépendra de synergies entre chercheurs et industriels. Les gouvernements devront soutenir les projets pilotes, tandis que les fabricants devront adapter les lignes de production aux contraintes des métaux liquides, notamment leur manipulation à température contrôlée.
Un pas mesuré vers l’avenir énergétique
Cette étude marque une étape tangible dans la quête de solutions de stockage durables. En résolvant l’un des écueils majeurs des batteries au zinc, les chercheurs ont démontré la faisabilité d’un système à la fois robuste et évolutif. Reste à transformer cette démonstration en réalité industrielle, un défi qui exigera autant d’innovation dans les processus de fabrication que dans la recherche fondamentale.
Pour les acteurs du secteur, le message est clair : les technologies de rupture existent, mais leur succès dépendra d’une approche holistique, intégrant science des matériaux, économie circulaire et politiques publiques.
Lexique
- Batteries à flux redox zinc-iode (ZIFB) : Système de stockage électrochimique utilisant des réactions redox entre le zinc et l’iode.
- Dendrites de zinc : Excroissances métalliques provoquant des courts-circuits et une dégradation accélérée des batteries.
- Alliage liquide eutectique (EGaInSn) : Composition de gallium, indium et étain fondue à température ambiante, optimisant la déposition du zinc.
- Stockage d’énergie à long terme (LDES) : Technologies permettant de stocker l’énergie renouvelable pendant des jours ou des semaines.
- Rendement coulombique : Efficacité de la batterie à retenir et restituer l’énergie (98,4 % dans cette étude).
- Densité énergétique : Capacité de stockage par unité de volume (640 mAh/cm² pour cette batterie).
- Microscopie électronique à balayage (MEB) : Technique d’imagerie utilisée pour analyser la morphologie des électrodes.
- Dynamique moléculaire ab initio (AIMD) : Simulation atomique pour étudier les mécanismes de diffusion du zinc.
Référence : « Liquid metal anode enables zinc-based flow batteries with ultrahigh areal capacity and ultralong duration » – Science Advances, DOI: 10.1126/sciadv.ads3919