Comment les bactéries bioluminescentes colonisent leur hôte

Comment les bactéries bioluminescentes colonisent leur hôte

La relation symbiotique entre les bactéries bioluminescentes et le calmar bobtail hawaïen fascine depuis longtemps les chercheurs. Une nouvelle étude menée par des scientifiques de Penn State révèle comment ces micro-organismes coordonnent leur comportement pour coloniser leur hôte.

Les mécanismes mis en lumière démontrent que la communication intercellulaire et les signaux environnementaux jouent un rôle crucial dans ce processus. Ils laissent également penser que ce phénomène est répandu chez de nombreuses bactéries. Comprendre cette coordination s’avère donc essentiel pour appréhender la manière dont les bactéries colonisent leurs hôtes en général.

Une relation symbiotique bien connue

Les bactéries étudiées, Vibrio fischeri, sont associées à de nombreux hôtes marins. Mais leur relation avec le calmar bobtail hawaiien reste la mieux caractérisée, comme l’explique Tim Miyashiro, professeur de biochimie et biologie moléculaire à Penn State.

Ces céphalopodes possèdent un organe lumineux logé sous leur manteau. La lumière émise par les bactéries qui le colonisent leur permet de se camoufler face aux prédateurs. En retour, le calmar leur fournit les nutriments nécessaires à leur croissance. Toutefois, à la naissance, l’organe n’abrite aucune bactérie. Celles-ci doivent le coloniser après l’éclosion des œufs.

Coordination du comportement bactérien

Certains aspects du comportement bactérien dans l’organe lumineux ont déjà été caractérisés. Mais les mécanismes permettant aux micro-organismes d’initier la colonisation restaient mal compris. L’équipe de recherche a donc cherché à les élucider.

À l’intérieur de l’organe, le comportement bactérien est coordonné via un processus appelé détection du quorum. Les bactéries libèrent des molécules signalétiques dont la concentration augmente avec la croissance de la population. Lorsqu’un seuil critique est atteint, une voie de signalisation s’active. Elle induit la production de bioluminescence et inhibe la motilité des micro-organismes. Avant de coloniser l’organe, les bactéries forment également de larges agrégats cellulaires. Mais si le détection du quorum était activée, elles risqueraient de perdre leur mobilité, les empêchant de pénétrer dans l’organe.

Régulation d’un ARN clé

Comment les bactéries parviennent-elles alors à inhiber le détection du quorum lorsqu’elles s’agrègent à l’extérieur du calmar ? Les scientifiques ont découvert que la voie conduisant à l’agrégation active la production d’un petit ARN habituellement réprimé par la détection du quorum. Ainsi, à l’extérieur de l’hôte, l’ARN leur permet de conserver leur mobilité et leur caractère non luminescent.

Cet ARN, nommé Qrr1, fait partie de la voie de la détection du quorum. Il inhibe la bioluminescence et favorise la motilité, jusqu’à ce que le seuil critique soit atteint. Les chercheurs ont montré que Qrr1 peut être activé par un facteur de transcription également impliqué dans l’agrégation. Cette similarité permet au facteur d’induire l’expression de Qrr1 dans les agrégats lors de la colonisation. Et d’inhiber cette expression à l’intérieur de l’organe pour activer la bioluminescence.

Cette architecture régulatrice complexe coordonne ainsi les deux rôles cruciaux de Qrr1. Elle orchestre le passage d’un comportement de colonisation à la bioluminescence. Son importance semble même s’étendre à de nombreuses bactéries symbiotiques apparentées à V. fischeri.

En synthèse

Cette étude révèle les mécanismes moléculaires qui permettent aux bactéries bioluminescentes de coloniser leur hôte, le calmar bobtail hawaïen. La régulation fine d’un ARN clé, Qrr1, coordonne l’activation et la répression de voies de signalisation cruciales. Ce phénomène pourrait s’avérer essentiel chez de nombreuses bactéries symbiotiques pour initier la colonisation de leur hôte.

Pour une meilleure compréhension

Comment les bactéries colonisent-elles leur hôte ?

Elles coordonnent leur comportement via des molécules signalétiques et l’expression différentielle de gènes clés comme Qrr1. Ceci leur permet de rester mobiles et non luminescentes à l’extérieur de l’hôte, puis d’activer la bioluminescence une fois la colonisation achevée.

Pourquoi cette découverte est-elle importante ?

Elle révèle des mécanismes probables chez de nombreuses bactéries symbiotiques. Comprendre comment s’opère la colonisation des hôtes est essentiel pour ces interactions omniprésentes dans la nature.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Étudier si des mécanismes similaires existent chez d’autres bactéries symbiotiques. Caractériser plus précisément les voies moléculaires mises en jeu chez Vibrio fischeri et le calmar bobtail.

Ce travail a été soutenu par l’Institut national américain des sciences médicales générales, la bourse Gilliam de l’Institut médical Howard Hughes et la bourse de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses. Miyashiro est membre du One Heath Microbiome Center de Penn State et des Penn State Huck Institutes for the Life Sciences.

Une nouvelle étude montre comment les bactéries bioluminescentes coordonnent la signalisation cellulaire pour coloniser l’organe lumineux du calmar à queue courte hawaïen dans le cadre d’une relation mutuellement bénéfique. Crédit : Michelle Bixby / Penn State. Creative Commons

[ Rédaction ]

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