Conférence environnementale : où sont les “mesures d’urgence” pour les ENR ?

Palais d’Iéna, Vendredi 14 septembre : le discours de François Hollande sur la transition énergétique est ambitieux (« La France doit devenir la nation de l’excellence environnementale ! »), responsable (« Serons-nous solidaires des générations à venir ou trop cupides pour laisser à nos enfants un fardeau que nous aurons encore alourdit du poids de nos égoïsmes ? »), vigilant quant aux engagements internationaux (« La France respectera le Paquet Climat Energie européen 2020 ; elle est même prête à aller plus loin ») et préoccupé par le redressement productif du pays (« l’exigence environnementale est un atout pour l’emploi »).

Sur la question des énergies renouvelables – dont la presse a malheureusement fait peu écho –, il regrette « le retard pris par la France » en citant « l’effondrement de l’éolien, la perte de plus de 10.000 emplois dans le solaire et l’essoufflement de la biomasse ». Il annonce donc trois principes (simplification administrative, stabilité des politiques de soutien et aide à l’innovation) et des « mesures d’urgence » : lancement de deux appels d’offres avant la fin de l’année pour l’éolien offshore et pour le solaire photovoltaïque.

Si « des » mesures d’urgence étaient attendues par toute la filière ENR, exsangue et rincée par les promesses du Grenelle, celles annoncées n’en sont pas ! Elles ne sont qu’une resucée des engagements déjà pris par le précédent gouvernement.

Pour l’éolien offshore, le Grenelle avait déjà annoncé le 2ème AO afin d’atteindre l’objectif 2020[1]. Le premier (avril 2012) n’a attribué que 2/3 de l’objectif de 3.000 MW. Gageons que celui annoncé comble le retard pris et que les mesures de simplifications administratives (lesquelles ?[2]) relance l’éolien onshore en dégringolade sévère. Quand on sait qu’il faut aujourd’hui 7-10 ans pour réaliser un projet éolien et que la France comptait en juin, 6.640 MW en production, la réalisation de l’objectif de 25.000 MW en 2020 apparaît quelque peu chimérique.

Pour le solaire photovoltaïque, c’est plus grave. Si cet AO était, lui aussi, déjà dans les cartons sarkozystes, il ne fait que rattraper le retard pris : le Grenelle fixait un objectif –étriqué– de 500 MW/an qui n’a même pas été réalisé depuis l’arrêté fatidique du 4 mars 2011 ! On s’attendait donc à –beaucoup– plus. En effet, comment relancer une filière avec (i) la même politique minimaliste[3] du précédent gouvernement et (ii) en renouant avec le système le plus inefficace qui soit (i.e. : appel d’offres) dont on sait qu’il favorise du fait de sa complexité et de ses modalités, les grands groupes au détriment de l’emploi et des PME ?

Ainsi, les trois premiers AO solaires[4] ont révélé un tarif moyen de 25% à plus de 50% supérieur (!) au tarif régulé. Le comble ! Bref, les AO sont inopérants, absurdes[5] et constituent un véritable repoussoir pour toute PME, dans l’incapacité de supporter 2 risques successifs, celui du permis de construire et celui de l’AO. Tout cela est connu depuis longtemps[6].

Alors, comment (ré)écouter le discours du Président sous cet angle ? Une cécité quant à l’extrême délabrement des filières ENR ? Une méconnaissance profonde (désinvolture ?) de la façon dont on développe un tissu de PME ? Un manque d’audace ?

« La France peut compter sur un réseau de PME dynamiques » a pourtant dit le Président. Où seront-elles ? Probablement sous les cendres des opportunités gâchées. Immense déception.

Autres précisions :

Eolien

Pour l’éolien terrestre le tarif règlementé a été confirmé. La "simplification administrative" pourrait se traduire par… plus de contraintes (cf. rapport CGEIET & CGEDD).

Photovoltaïque

Ni François Hollande ni Jean-Marc Ayrault n’ont annoncé de changement dans la procédure actuelle d’appel d’offres et surtout n’ont pas ouvert la porte à un objectif différent des 5.400 MW en 2020. Or sans une révision de cet objectif pour le porter à 20GW voir 25GW pas de transition énergétique et pas de filière nationale…

Les AO sous le précédent gouvernement ont attribué une puissance à installer de 585 MW à des prix supérieurs à ceux des tarifs règlementés (voir ci-dessous). Quel est l’avantage de cette procédure ? Ces appels d’offres sont administrativement très lourds et éliminent les PME qui ne peuvent pas supporter l’incertitude du permis de construire + l’incertitude du rachat de l’électricité.

Retour des AO – avis de la CRE sur les appels d’offres

– 1er AO pour toitures 100 < P = 250 kW : 45 MW retenus / prix moyen 0,229 €/kWh
– 2é AO pour toitures 100 < P = 250 kW : 20,9 MW retenus / prix moyen 0,218 €/kWh
– 3e AO pour toitures & sol P > 250 kW : 519 MW retenus / prix moyen 0,208 €/kWh (calculé à partir des charges de service public / impossible de connaitre les prix moyen du kWh des 7 (sic) différentes familles.

–> Jusqu’au 30 septembre, les prix réglementés sont actuellement autour de :

– 0,175 €/kWh en toiture intégré – donc le prix moyen des 2 AO est de 26% supérieur !!
– 0,107 €/kWh au sol – donc le prix moyen de l’AO est de prés de 100% supérieur !!

[1] 6.000 MW en deux appels d’offres de 3.000 MW.
[2] A l’instar de tous les acteurs, l’Association des Régions de France s’attendait au moins, à la publication d’un nouveau tarif, à la suppression du seuil des 5 mâts et de la classification ICPE.
[3] Pour le solaire, l’Allemagne vise 2.500 à 3.500 MW/an et 52.000 MW en 2020 ; la France, dix fois moins avec 5.400 MW… Un objectif de 20 à 30.000 MW est indispensable pour développer une réelle filière industrielle d’ici à 2020.
[4] Deux pour les toitures de 100-250 KW et un pour les toitures et sol de plus de 250 kW.
[5] Par exemple : au dessus de la puissance riquiqui de 100 kW (qui produit l’équivalent de la consommation de 70 personnes), la procédure nationale des AO s’applique.
[6] Depuis le 6 mai, tous les acteurs professionnels et publics ont rappelé au gouvernement la situation tout en proposant des solutions : abrogation des appels d’offres, simplification, relèvement et territorialisation des tarifs, retour au seuil de 250 KW pour les installations au sol, etc.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Benoît Praderie

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