De nouveaux éléments sur le changement climatique avec l’expérience CLOUD

Dans un article publié dimanche par la revue Nature** , l’expérience CLOUD, au CERN, rend compte d’une avancée majeure dans l’élucidation d’une question restée longtemps mystérieuse pour les climatologues : comment se forment les aérosols, minuscules particules solides ou liquides en suspension dans l’air, et quels sont les gaz qui en sont responsables ?

C’est là une question cruciale pour la compréhension du climat, car les aérosols ont un effet de refroidissement dans la mesure où ils réfléchissent la lumière solaire et où ils sont à l’origine des gouttelettes formant les nuages.

Les chercheurs de CLOUD ont fait deux découvertes majeures. Tout d’abord, ils ont constaté que des concentrations infimes de vapeurs d’amines se combinent avec de l’acide sulfurique pour former des particules d’aérosol, dans des proportions comparables à ce qui est observé dans l’atmosphère. En second lieu, en utilisant un faisceau de pions issus du Synchrotron à protons du CERN, ils ont constaté que les rayonnements ionisants, tels que le rayonnement cosmique qui bombarde l’atmosphère depuis l’espace, n’ont qu’une influence négligeable sur la formation de ces aérosols particuliers.

« Grâce au savoir-faire du CERN dans le domaine des matériaux, des systèmes de gaz et des technologies de l’ultravide, explique Jasper Kirkby, porte-parole de CLOUD, nous avons pu construire une enceinte extrêmement “propre“; nous avons pu ainsi faire une simulation de l’atmosphère et introduire des quantités minimes de différentes vapeurs atmosphériques dans des conditions strictement contrôlées – en l’occurrence, des amines et de l’acide sulfurique. »

Les amines sont des vapeurs atmosphériques étroitement apparentées à l’ammoniac. Elles sont émises aussi bien par des activités humaines telles que l’élevage que par des sources naturelles. Ce sont les amines qui émettent les odeurs émanant de la décomposition de la matière organique, contenant des protéines. Par exemple, l’odeur du poisson pourri provient de la triméthylamine. La chambre à brouillard ultra-propre, unique en son genre, de l’expérience CLOUD a permis à la collaboration de démontrer que les concentrations extrêmement faibles d’amines généralement trouvées dans l’atmosphère (quelques parties par millier de milliard en volume) suffisent, en combinaison avec de l’acide sulfurique, pour former des particules d’aérosols extrêmement stables dans des proportions importantes.

La propension à la formation d’aérosols en présence d’amines, telle qu’elle apparaît dans les mesures, a surpris les chercheurs. Elle semble indiquer un mécanisme de refroidissement du climat qui pourrait être significatif. De plus, comme l’absorption aux amines est appelée vraisemblablement à devenir une technologie importante pour le captage du dioxyde de carbone produit par les centrales électriques à combustible fossile, cet effet devrait s’accroître à l’avenir.

Le résultat de CLOUD constitue une autre mesure significative susceptible d’aider à mieux comprendre le climat. Mais il n’exclut pas que le rayonnement cosmique joue un rôle dans les phénomènes étudiés, et il n’ouvre pas non plus la perspective d’un moyen facile de parer au réchauffement climatique.

« C’est la première fois que la formation de particules dans l’atmosphère a pu être reproduite, avec une connaissance complète des molécules qui participent au phénomène, a déclaré Jasper Kirkby. Toutefois, les mesures que nous avons réalisées n’excluent pas que la formation des aérosols dans l’atmosphère puisse se produire avec d’autres vapeurs, sur lesquelles les effets des rayons cosmiques peuvent être différents. Il s’agit d’une avancée importante, mais il nous reste beaucoup de chemin à parcourir avant de pouvoir comprendre complètement les processus de formation des aérosols et leurs effets sur les nuages et le climat. »


** http://dx.doi.org/, numéro DOI 10.1038/nature12663

         

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