Des chercheurs des universités de Lancaster et de Radboud (NL) ont réussi à générer des ondes de spin propagatrices à l’échelle nanométrique et ont découvert une nouvelle voie pour les moduler et les amplifier. Cette découverte, publiée dans la revue Nature, pourrait ouvrir la voie au développement de technologies de l’information quantique sans dissipation d’énergie. Les ondes de spin, ne nécessitant pas de courants électriques, permettent d’éviter les pertes d’énergie associées.
Un besoin croissant pour des dispositifs informatiques efficaces
La popularité croissante de l’intelligence artificielle s’accompagne d’une demande accrue pour des dispositifs informatiques rapides et économes en énergie. Les courants électriques dans les dispositifs conventionnels souffrent de pertes d’énergie et de l’échauffement de l’environnement. Une alternative consiste à stocker et traiter l’information en utilisant les spins des électrons au lieu de leurs charges. Ces spins peuvent être considérés comme les unités élémentaires des aimants.
Le Dr Rostislav Mikhaylovskiy, auteur principal de l’étude, a déclaré : « Notre découverte sera essentielle pour l’informatique basée sur les ondes de spin. Les ondes de spin sont un vecteur d’information attrayant car elles n’impliquent pas de courants électriques et ne souffrent donc pas de pertes résistives. »
Propagation des ondes de spin
Il est connu depuis de nombreuses années que les spins peuvent être déviés de leur orientation d’équilibre. Après cette perturbation, les spins commencent à précessionner autour de leur position d’équilibre. Dans les aimants, les spins voisins sont fortement couplés, formant une aimantation nette. Grâce à ce couplage, la précession des spins peut se propager dans le matériau magnétique, donnant naissance à une onde de spin.
« Observer la conversion non linéaire de magnons cohérents propagateurs à l’échelle nanométrique, condition préalable à tout traitement de données basé sur les magnons, a été recherché par de nombreux groupes dans le monde depuis plus d’une décennie. Par conséquent, notre expérience est un jalon pour les études sur les ondes de spin, avec le potentiel d’ouvrir une nouvelle direction de recherche sur les magnonics cohérents ultrarapides en vue du développement de technologies de l’information quantique sans dissipation d’énergie. »
Excitation des dynamiques de spin ultrarapides
Les chercheurs ont utilisé le fait que les fréquences les plus élevées des rotations de spin se trouvent dans des matériaux où les spins adjacents sont inclinés les uns par rapport aux autres. Pour exciter de telles dynamiques de spin rapides, ils ont utilisé une impulsion lumineuse très courte, d’une durée inférieure à la période de l’onde de spin, soit moins d’un trillionième de seconde.
Le secret pour générer l’onde de spin ultrarapide à l’échelle nanométrique réside dans l’énergie photonique de l’impulsion lumineuse. Le matériau étudié présente une absorption extrêmement forte aux énergies des photons ultraviolets (UV), ce qui localise l’excitation dans une région très mince de seulement quelques dizaines de nanomètres à partir de l’interface, permettant l’émergence d’ondes de spin avec des fréquences de terahertz (un trillion de Hertz) et des longueurs d’onde sub-micrométriques.
Conversion non linéaire des ondes de spin
Les dynamiques de ces ondes de spin sont intrinsèquement non linéaires, ce qui signifie que les ondes de différentes fréquences et longueurs d’onde peuvent être converties les unes en les autres. Les chercheurs ont maintenant réalisé cette possibilité pour la première fois en pratique. Ils ont réussi cela en excitant le système non pas avec une seule, mais avec deux impulsions laser intenses, séparées par un court délai.
Ruben Leenders, ancien doctorant à l’Université de Lancaster, a indiqué : « Dans une expérience d’excitation par impulsion unique typique, nous nous attendrions simplement à ce que les deux ondes de spin interfèrent entre elles comme le font toutes les ondes. Cependant, en variant le délai entre les deux impulsions, nous avons constaté que cette superposition des deux ondes ne tient pas. »
L’équipe a expliqué les observations en considérant le couplage de l’onde de spin déjà excitée avec la deuxième impulsion lumineuse. Le résultat de ce couplage est que lorsque les spins sont déjà en rotation, la deuxième impulsion lumineuse donne un coup supplémentaire aux spins. La force et la direction de ce coup dépendent de l’état de la déviation des spins au moment où cette deuxième impulsion lumineuse arrive. Ce mécanisme permet de contrôler les propriétés des ondes de spin telles que leur amplitude et leur phase, simplement en choisissant le délai approprié entre les excitations.
Légende illustration : Les courants électriques dans les appareils conventionnels subissent des pertes d’énergie et un échauffement de l’environnement. Crédit : Lancaster University
Article : « Canted spin order as a platform for ultrafast conversion of magnons » – DOI: 10.1038/s41586-024-07448-3