Les chercheurs ont franchi une nouvelle étape dans le domaine des télécommunications en développant des commutateurs novateurs capables de contrôler efficacement les signaux électromagnétiques à des fréquences allant jusqu’à 260 GHz. Cette avancée permettrait la conception d’applications inédites pour les systèmes de communication de sixième génération (6G).
Une équipe internationale, composée de scientifiques de KAUST, Sebastian Pazos et Mario Lanza, ainsi que de collaborateurs internationaux d’Irlande (Tyndall National Institute), d’Espagne (Universidad Autónoma de Barcelona) et des États-Unis (University of Texas at Austin), a mis au point ces commutateurs innovants. Leur fonctionnement repose sur l’utilisation de memristors, des dispositifs électroniques à deux terminaux capables de modifier leur résistance électrique lorsqu’ils sont soumis à un stress électrique spécifique.
Comme l’explique Sebastian Pazos, « un memristor agit comme un commutateur en basculant entre un état »off » à haute résistance, qui bloque le flux de courant, et un état « on » à faible résistance, qui permet au courant de circuler. » Les memristors présentent l’avantage d’une consommation d’énergie ultra-faible, contrairement aux commutateurs RF conventionnels qui nécessitent plusieurs dizaines de milliampères pour maintenir leur état.
Le nitrure de bore hexagonal, un matériau clé
L’équipe de Lanza a construit son memristor à partir d’un matériau en couches 2D appelé nitrure de bore hexagonal, placé entre deux électrodes en or. Bien que les memristors à base de matériaux 2D monocouches aient déjà été explorés pour une utilisation en tant que commutateurs RF, ils présentaient une endurance limitée et une variabilité importante entre les dispositifs et les cycles.
« Nous avons pensé à utiliser du nitrure de bore hexagonal multicouche, au lieu de monocouches, dans le but de résoudre ces problèmes », précise Sebastian Pazos, chercheur principal de cette étude. La clé du fonctionnement de ces commutateurs radiofréquence réside dans la capacité à créer et à contrôler un ou plusieurs filaments conducteurs à travers le nitrure de bore hexagonal multicouche, par l’application d’impulsions de tension/courant.
Des performances remarquables et une robustesse accrue
Grâce à cette approche, les commutateurs ont démontré un état «off» avec une résistance aussi faible que 7 ohms, bloquant environ 99% du signal. Les pertes lors de la transmission du signal radiofréquence à l’état « on » peuvent être aussi faibles que 5% à des fréquences de 100 GHz. De plus, alors que les dispositifs précédents à base de nitrure de bore hexagonal monocouche ne duraient que 30 cycles entre les états de haute et basse résistivité, les dispositifs de Pazos et al. se sont avérés suffisamment robustes pour durer 2000 cycles.
Pour la première fois, ces commutateurs ont été combinés dans des circuits comportant plusieurs memristors, ce qui a permis d’améliorer leurs capacités de blocage du signal bien au-delà de 200 GHz. Sebastian Pazos conclut : « Dans notre groupe, nous avons déjà montré que les memristors à base de nitrure de bore hexagonal peuvent être intégrés à des circuits CMOS, et nous voulons maintenant aller plus loin dans le domaine des hautes fréquences avec des dispositifs tels que des circuits de communication à haute fréquence configurables et des réseaux d’antennes sur puce. »
Légende illustration : « Un memristor est un dispositif électronique à deux bornes qui peut modifier sa résistance électrique lorsqu’il est soumis à une contrainte électrique adaptée », explique Sebastian Pazos, auteur principal de l’étude. ©2024 KAUST.
Pazos, S., Shen, Y., Zhang, H., Verdú, J., Fontana, A., Zheng, W., Yuan, Y., Alharbi, O., Ping, Y., Guerrero, E., Acosta, L., de Paco, P., Psychogiou, D., Shamim, A., Akinwande, D. & Lanza, M. Article: « Memristive circuits based on multilayer hexagonal boron nitride for millimetre-wave radiofrequency applications. » – Nature Electronics 7, 557–566 (2024).| Lire l’article