Des enzymes bactériennes qui se comportent comme une pile

Un étude menée à l’Université Concordia et publiée dans le Journal of The American Chemical Society, a démontré qu’il est possible de faire passer de quelques secondes à plusieurs heures la capacité de stockage d’énergie d’une enzyme qui se comporte comme une pile.

Le professeur agrégé László Kálmán a examiné une enzyme bactérienne essentielle au captage de l’énergie solaire avec l’aide de ses collègues Sasmit Deshmukh et Kai Tang, étudiants au troisième cycle du Département de physique de Concordia (Canada). L’exposition à la lumière provoque dans cette enzyme une séparation des charges, induisant une charge négative à une extrémité et une charge positive à l’extrémité opposée, comme dans une pile.

Dans la nature, l’énergie ainsi créée est utilisée immédiatement. Le Pr Kálmán explique cependant que, pour pouvoir emmagasiner ce potentiel électrique, ses collègues et lui devaient trouver un moyen de conserver plus longtemps l’enzyme dans cet état où les charges sont séparées.

« Nous devions créer une situation dans laquelle les charges ne veulent pas, ou ne peuvent pas, retourner à leur état précédent, et c’est ce que nous avons fait dans cette étude », ajoute-t-il. Avec son équipe, le Pr Kálmán a démontré qu’il est possible, en ajoutant différentes molécules à l’enzyme, de modifier sa forme et, ainsi, de prolonger la durée de vie de son potentiel électrique.

Dans sa configuration naturelle, l’enzyme se trouve parfaitement englobée dans l’enveloppe de la cellule, nommée membrane lipidique. La structure de l’enzyme lui permet de rapidement recombiner les charges pour revenir de cet état où les charges sont séparées.

Toutefois, lorsque différentes molécules lipidiques composent la membrane de la cellule, comme dans les expériences du Pr Kálmán, il se crée une disparité entre la forme de la membrane et celle de l’enzyme qui s’y trouve. L’enzyme et la membrane finissent toutes deux par changer de forme pour trouver un bon ajustement. Ces modifications compliquent cependant la tâche de l’enzyme, qui cherche à recombiner ses charges, et permettent ainsi au potentiel électrique de durer beaucoup plus longtemps.

« Ce que nous faisons équivaut à mettre une voiture de course sur une route couverte de neige », explique le Pr Kálmán. Les conditions du milieu empêchent le bolide de rouler aussi vite qu’il le ferait sur une piste de course, tout comme les différents lipides empêchent l’enzyme de recombiner ses charges aussi efficacement qu’elle le ferait dans des circonstances normales.

La photosynthèse existe depuis des milliards d’années ; elle est l’un des premiers systèmes de conversion d’énergie. « Tout, qu’il s’agisse de notre nourriture ou de nos sources d’énergie comme l’essence et le charbon, est le produit d’une quelconque activité photosynthétique ancienne », poursuit le Pr Kálmán.

Il précise toutefois que les chercheurs étudient ces anciens processus naturels principalement parce qu’ils sont carboneutres et utilisent des ressources abondantes : soleil, dioxyde de carbone et eau. Les chercheurs se servent de cette pile naturelle pour ouvrir davantage la voie aux systèmes artificiels de conversion énergétique durables.

Pour un aperçu de l’avenir de ce type de technologies, le Pr Kálmán suggère de se tourner vers les applications médicales et les piles biocompatibles. Imaginez des piles faites d’enzymes et d’autres molécules biologiques. Elles pourraient permettre après une intervention chirurgicale, par exemple, de surveiller l’état d’un patient à l’intérieur même de son corps. Contrairement aux piles classiques, qui renferment des métaux toxiques, les piles biocompatibles pourraient en effet demeurer à l’intérieur du corps sans causer de dommage.

« Nous sommes encore loin de là, conclut le Pr Kálmán, mais ce genre de dispositif est tout de même en cours d’étude et de développement. Nous devons y aller étape par étape, et avec un peu de chance nous y arriverons un jour, dans un avenir d’ailleurs plus proche que distant. »

            

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