Arindam Sau, University of Colorado Boulder; Amreen Bains, Colorado State University et Anna Wolff, Colorado State University
Les produits chimiques et les matériaux manufacturés sont nécessaires à pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne, qu’il s’agisse de produits pharmaceutiques vitaux ou de plastiques, de carburants ou d’engrais. Pourtant, la fabrication de ces produits chimiques importants a un coût énergétique élevé.
Beaucoup de ces produits chimiques industriels sont dérivés principalement de matériaux à base de combustibles fossiles. Ces composés sont généralement très stables, ce qui rend difficile leur transformation en produits utiles sans appliquer des conditions de réaction difficiles et gourmandes en énergie.
Par conséquent, la transformation de ces matériaux récalcitrants contribue de manière significative à l’utilisation globale d’énergie dans le monde. En 2022, le secteur industriel a consommé 37 % de l’énergie totale mondiale, l’industrie chimique étant responsable d’environ 12 % de cette demande.
Les procédés conventionnels de fabrication de produits chimiques utilisent la chaleur pour générer l’énergie nécessaire aux réactions qui ont lieu à des températures et des pressions élevées. Une approche qui utilise la lumière au lieu de la chaleur pourrait réduire la demande d’énergie et permettre aux réactions de se dérouler dans des conditions plus douces, par exemple à température ambiante au lieu d’une chaleur extrême.
La lumière du soleil représente l’une des sources d’énergie les plus abondantes et pourtant sous-utilisées sur Terre. Dans la nature, cette énergie est captée par la photosynthèse, où les plantes convertissent la lumière en énergie chimique. Inspirée par ce processus, notre équipe de chimistes du Center for Sustainable Photoredox Catalysis, un centre de recherche financé par la National Science Foundation, a travaillé sur un système qui utilise la lumière pour alimenter des réactions couramment utilisées dans l’industrie de la fabrication de produits chimiques. Nous avons publié nos résultats dans la revue Science en juin 2025.
Nous espérons que cette méthode pourrait constituer une voie plus économique pour la création de produits chimiques industriels à partir de combustibles fossiles. En même temps, comme elle ne repose pas sur des températures ou des pressions très élevées, le processus est plus sûr, avec moins de risques d’accidents.
Comment notre système fonctionne-t-il ?
La système de catalyseur photoredox que notre équipe a mis au point est alimenté par de simples DEL et fonctionne efficacement à température ambiante.
Au cœur de notre système se trouve un catalyseur organique photoredox : une molécule spécialisée qui, nous le savons, accélère les réactions chimiques lorsqu’elle est exposée à la lumière, sans être consommée au cours du processus.
Tout comme les plantes utilisent des pigments pour capter la lumière du soleil pour la photosynthèse, notre catalyseur photoredox absorbe plusieurs particules de lumière, appelées photons, dans une séquence.
Ces photons fournissent des bouffées d’énergie, que le catalyseur stocke et utilise ensuite pour relancer les réactions. Cette collecte de photons multiples permet d’accumuler suffisamment d’énergie pour forcer des molécules très tenaces à subir des réactions qui nécessiteraient autrement des métaux très réactifs. Une fois la réaction terminée, le photocatalyseur se réinitialise, prêt à capter davantage de lumière et à poursuivre le processus sans créer de déchets supplémentaires.
La conception de molécules capables d’absorber plusieurs photons et de réagir avec des molécules récalcitrantes n’est pas chose aisée. L’une des principales difficultés réside dans le fait qu’une fois qu’une molécule a absorbé un photon, elle ne dispose que d’une minuscule fenêtre de temps avant que l’énergie ne s’estompe ou ne soit perdue. De plus, il n’est pas facile de s’assurer que la molécule utilise cette énergie de la bonne manière. La bonne nouvelle, c’est que nous avons découvert que notre catalyseur peut le faire efficacement à température ambiante.

Permettre une fabrication chimique plus écologique
Nos travaux ouvrent la voie à un avenir où les produits chimiques seront fabriqués à l’aide de la lumière plutôt que de la chaleur. Par exemple, notre catalyseur peut transformer le benzène – un simple composant du pétrole brut – en une forme appelée cyclohexadiène. Il s’agit d’une étape clé dans la fabrication des éléments de base du nylon. L’amélioration de cette partie du processus pourrait réduire l’empreinte carbone de la production de nylon.
Imaginez des fabricants utilisant des réacteurs à LED ou même la lumière du soleil pour alimenter la production de produits chimiques essentiels. Les LED consomment toujours de l’électricité, mais elles ont besoin de beaucoup moins d’énergie que les méthodes de chauffage traditionnelles utilisées dans la fabrication de produits chimiques. Au fur et à mesure que nous faisons évoluer les choses, nous trouvons également des moyens d’exploiter directement la lumière du soleil, ce qui rend l’ensemble du processus encore plus durable et économe en énergie.
Pour l’instant, nous utilisons nos catalyseurs photoredox avec succès dans de petites expériences de laboratoire – produisant seulement quelques milligrammes à la fois. Mais pour passer à la fabrication commerciale, nous devrons montrer que ces catalyseurs peuvent également fonctionner efficacement à une échelle beaucoup plus grande, en produisant des kilogrammes, voire des tonnes de produit. Les tester dans ces réactions plus importantes permettra de s’assurer qu’ils sont suffisamment fiables et rentables pour la fabrication de produits chimiques dans le monde réel.
De même, l’extension de ce processus nécessiterait des réacteurs à grande échelle qui utilisent la lumière de manière efficace. Pour les construire, il faudra d’abord concevoir de nouveaux types de réacteurs qui permettent à la lumière de pénétrer plus profondément à l’intérieur. Ils devront être plus transparents ou construits différemment pour que la lumière puisse atteindre facilement toutes les parties de la réaction.
Notre équipe prévoit de continuer à développer de nouvelles techniques basées sur la lumière en s’inspirant de l’efficacité de la nature. La lumière du soleil est une ressource abondante, et en trouvant de meilleures façons de l’exploiter, nous espérons rendre plus facile et plus propre la production des produits chimiques et des matériaux dont la vie moderne dépend.
Arindam Sau, Ph.D. Candidate in Chemistry, University of Colorado Boulder; Amreen Bains, Postdoctoral Scholar in Chemistry, Colorado State University et Anna Wolff, Ph.D. Student in Chemistry, Colorado State University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original.