Des physiciens allemands ont mis au point un système informatique innovant capable de reconnaître des gestes simples de la main. Leur approche, basée sur des structures magnétiques microscopiques, se révèle plus efficace énergétiquement que les méthodes logicielles classiques.
Des chercheurs de l’Université Johannes Gutenberg de Mayence (JGU) en Allemagne ont développé un système original pour détecter les mouvements de la main. Leur méthode utilise des structures magnétiques appelées «skyrmions» et s’inspire du concept de « réservoir computing ».
Le réservoir computing est une technique de calcul qui ne nécessite pas d’entraînement complexe, contrairement aux réseaux de neurones artificiels classiques. Cela permet de réduire considérablement la consommation d’énergie du système.
Grischa Beneke, membre de l’équipe de recherche, explique le fonctionnement du système : «Tout ce que nous devons faire est d’entraîner un mécanisme de sortie simple pour cartographier le résultat.» Le fonctionnement interne du système reste flou, mais cela n’est pas problématique pour obtenir des résultats.
Du radar aux tourbillons magnétiques
Le dispositif fonctionne en plusieurs étapes :
1. Des capteurs radar enregistrent les mouvements de la main, comme un glissement vers la gauche ou la droite.
2. Les données radar sont converties en signaux électriques.
3. Ces signaux sont envoyés dans un «réservoir» composé de couches de matériaux magnétiques formant un triangle.
4. Les signaux provoquent le déplacement de structures magnétiques appelées skyrmions à l’intérieur du triangle.
5. Les mouvements complexes des skyrmions permettent de déduire les gestes initialement captés par le radar.
Qu’est-ce qu’un skyrmion ?
Un skyrmion est un minuscule tourbillon magnétique. Le professeur Mathias Kläui, superviseur de l’étude, souligne leur potentiel : «Les skyrmions sont vraiment étonnants. Nous les considérions d’abord uniquement comme des candidats pour le stockage de données, mais ils ont également un grand potentiel pour des applications en calcul combiné à des systèmes de capteurs.»
Les chercheurs ont comparé leur système à une approche logicielle classique basée sur des réseaux de neurones. Les résultats sont encourageants :
- La précision de reconnaissance des gestes est similaire ou meilleure avec le système à base de skyrmions.
- La consommation d’énergie est nettement réduite par rapport à l’approche logicielle.
- Le système fonctionne avec des courants électriques très faibles, ce qui améliore son efficacité énergétique.
Grischa Beneke exprime son enthousiasme face à ces résultats : «Nous avons été impressionnés de voir que notre approche matérielle fonctionnait si bien – et même mieux que les solutions logicielles énergivores qui utilisent des réseaux de neurones.»
Le concept de réservoir computing s’inspire de phénomènes naturels. Les chercheurs utilisent une analogie pour expliquer son fonctionnement : «Le système peut être comparé à un étang dans lequel on a jeté des pierres, créant un motif d’ondes complexe à la surface. De la même manière que les vagues donnent des indications sur le nombre et la position des pierres jetées, le mécanisme de sortie du système fournit des informations sur l’entrée originale.»
Quelles sont les perspectives d’avenir ?
L’équipe de recherche envisage plusieurs pistes pour améliorer encore le système :
- Optimiser le processus de lecture des données, actuellement réalisé à l’aide d’un microscope spécial.
- Réduire la taille globale du dispositif en utilisant une jonction tunnel magnétique.
- Adapter les échelles de temps du système pour résoudre d’autres types de problèmes.
Les chercheurs sont confiants quant aux capacités de leur système. Ils affirment dans leur article publié dans Nature Communications : «Nous constatons que les données radar de différents gestes de la main sont détectées dans notre réservoir matériel avec une fidélité au moins aussi bonne qu’une approche logicielle de réseau neuronal de pointe.»
Le professeur Kläui est optimiste quant à l’avenir de cette technologie : «Le réservoir computing brownien est susceptible de connaître un développement rapide à l’avenir, en particulier avec l’aide de partenaires commerciaux qui fournissent des cas d’utilisation concrets.»
Une collaboration internationale fructueuse
Cette avancée est le fruit d’une collaboration entre plusieurs institutions dont l’Université Johannes Gutenberg de Mayence (Allemagne), l’Université Radboud de Nimègue (Pays-Bas) et le fabricant de puces Infineon Technologies.
Le projet a également bénéficié du soutien de plusieurs organismes de financement, dont la Fondation allemande pour la recherche (DFG) et l’Union européenne.
Cette nouvelle approche de reconnaissance de gestes basée sur des structures magnétiques microscopiques ouvre des perspectives intéressantes pour le développement de systèmes informatiques plus efficaces et moins énergivores. Les applications potentielles dans le domaine des interfaces homme-machine sont nombreuses et pourraient transformer notre façon d’interagir avec les appareils électroniques à l’avenir.
De plus, la combinaison du réservoir computing avec le concept de calcul brownien pourrait avoir des implications plus larges pour l’informatique en général. Cette manière de faire permet aux skyrmions de se déplacer plus librement, réduisant l’influence des différences locales dans les propriétés magnétiques. Cela pourrait amener à concevoir des systèmes de calcul plus robustes et adaptables à diverses conditions.
Article : ‘Gesture recognition with Brownian reservoir computing using geometrically confined skyrmion dynamics’ / ( 10.1038/s41467-024-52345-y ) – Johannes Gutenberg Universitaet Mainz – Publication dans la revue Nature Communications