Des chercheurs allemands ont mis au point une méthode innovante basée sur une pointe de balayage à l’échelle nanométrique pour structurer et étudier des nanomatériaux semi-conducteurs bidimensionnels avec la plus haute précision et de manière minimalement invasive.
Une alternative prometteuse au silicium
Bien que le silicium soit le matériau semi-conducteur le plus couramment utilisé dans l’industrie électronique, les exigences croissantes en termes de performance nécessitent l’exploration de nouveaux matériaux. Les matériaux bidimensionnels, tels que le graphène, suscitent un intérêt particulier en raison de leurs propriétés exceptionnelles et de leur potentiel en tant que composants ultra-minces pour une électronique efficace.
Cependant, pour exploiter pleinement le potentiel de ces matériaux, il est essentiel de développer des techniques de structuration et d’intégration fonctionnelle adaptées, sans altérer leurs propriétés intrinsèques. C’est précisément le défi que les chercheurs de l’Université Technique d’Ilmenau ont relevé dans leurs travaux récents.
Une approche précise et non invasive
La méthode développée par les scientifiques d’Ilmenau repose sur l’utilisation d’une pointe à l’échelle nanométrique, dont le rayon est plus de 5000 fois inférieur au diamètre d’un cheveu. Cette pointe est guidée avec une extrême précision sur la surface du matériau, de manière similaire à la microscopie à force atomique.
En appliquant une tension entre le matériau et la pointe, cette dernière émet des électrons de faible énergie qui «bombardent» la surface de l’échantillon de manière très localisée, exactement là où le matériau bidimensionnel doit être structuré. Les chercheurs ont utilisé des flocons de ditellurure de molybdène (MoTe2), un matériau bidimensionnel de quelques couches atomiques d’épaisseur, qu’ils ont oxydé en oxyde soluble dans l’eau grâce au bombardement électronique et aux molécules d’eau, pour ensuite le retirer de manière ciblée.
Christoph Reuter, doctorant de deuxième génération au sein du groupe de recherche interdisciplinaire «3D-NanoFab», explique : « Grâce au mouvement contrôlé de la pointe et à l’oxydation locale associée, nous avons pu créer pratiquement n’importe quel motif de surface sans provoquer d’autres changements mesurables dans le matériau bidimensionnel. »
Des perspectives prometteuses pour l’électronique verte
Pour démontrer le potentiel de leur méthode, les scientifiques ont fabriqué un transistor ultra-mince à partir de seulement trois couches atomiques de MoTe2. Cette réalisation ouvre la voie à de nouvelles recherches dans des domaines tels que l’électronique innovante, la technologie des capteurs ou la conversion d’énergie.
Le professeur Steffen Strehle, porte-parole du groupe de recherche et responsable de la technologie des microsystèmes à l’Université Technique d’Ilmenau, souligne : « Nous voulons étendre notre méthode dans les années à venir et l’utiliser également pour des applications dans le domaine de l’électronique ‘verte’ et économe en énergie. Les résultats de ces recherches seront directement intégrés dans les cours de l’Université Technique d’Ilmenau afin d’impliquer les étudiants, par exemple dans les programmes de mécatronique, de génie mécanique et de micro et nanotechnologies, dans nos travaux de recherche à un stade précoce. »
Cette avancée scientifique, fruit d’une collaboration entre Christoph Reuter, le professeur Steffen Strehle et le Dr Gernot Ecke, assistant de recherche au groupe de nanotechnologie, a récemment été publiée dans la prestigieuse revue «Advanced Materials».
Reuter C, Ecke G, Strehle S (2024). « Exploring the Surface Oxidation and Environmental Instability of 2H-/1T’-MoTe2 Using Field Emission-Based Scanning Probe Lithography », Advanced Materials, 36, 2310887 (1-14), https://doi.org/10.1002/adma.202310887