Des chercheurs de l’université Johannes Gutenberg de Mayence ont créé des tubes de skyrmions tridimensionnels dont le comportement diffère radicalement de leurs équivalents bidimensionnels. Leur avancée, publiée le 26 septembre dans Nature Communications et annoncée par l’université le 6 octobre 2025, pourrait révolutionner le stockage d’informations en exploitant une troisième dimension jusqu’alors inexploitée. Contrairement aux skyrmions 3D uniformes déjà observés, ces nouveaux tubes présentent une chiralité non homogène qui modifie leur dynamique de déplacement.
Un nouveau type de vortex magnétique
Les skyrmions sont des tourbillons magnétiques qui se comportent comme des particules et peuvent être déplacés par un courant électrique. Mona Bhukta, membre de l’équipe du professeur Mathias Kläui à l’Institut de physique, l’explique ainsi : « Les skyrmions tridimensionnels présentent un intérêt particulier pour l’informatique quantique et l’informatique inspirée du cerveau, entre autres – la densité de stockage accrue résultant de la troisième dimension y est essentielle. »
La principale innovation réside dans la structure interne de ces tubes. Contrairement aux tubes 3D homogènes précédents, qui se déplaçaient de manière identique aux skyrmions bidimensionnels, les nouveaux tubes fabriqués présentent une torsion irrégulière. L’asymétrie modifie fondamentalement leur trajectoire sous l’effet d’un courant électrique, créant ainsi une signature distincte exploitable pour encoder de l’information.
Une fabrication et une vérification expérimentale
Selon le communiqué, l’équipe a produit ces structures dans des antiferromagnétiques synthétiques en utilisant des méthodes de dépôt standard. La structure tridimensionnelle a été vérifiée au centre de recherche de Jülich, tandis que leur dynamique a été étudiée grâce aux sources synchrotron de BESSY II au Helmholtz Centre de Berlin pour les matériaux et l’énergie, et à la Swiss Light Source de l’Institut Paul Scherrer à Villigen en Suisse.
La différence de mouvement entre les skyrmions bidimensionnels et ces nouveaux tubes tridimensionnels constitue le cœur de l’application potentielle. Alors que les informations stockées dans un skyrmion bidimensionnel peuvent être représentées sur un seul plan, la chiralité non homogène des tubes permet d’exploiter véritablement la troisième dimension, augmentant considérablement la densité de stockage possible.
Des applications dans l’informatique de demain
Pour le calcul neuromorphique, qui cherche à reproduire le fonctionnement du cerveau en remplaçant l’électronique digitale par des systèmes basés sur des neurones et synapses artificiels, Bhukta souligne : « Les skyrmions tridimensionnels permettent de mieux imiter les neurones. » Cette capacité à reproduire plus fidèlement les architectures biologiques pourrait déboucher sur des systèmes plus performants, flexibles et économes en énergie pour traiter des tâches complexes.
La chercheuse affirme également que « l’étape vers la troisième dimension est également essentielle dans l’informatique quantique », suggérant que ces structures pourraient servir de briques élémentaires pour des processeurs exploitant les propriétés quantiques de la matière.
La percée technologique, fruit d’une collaboration entre plusieurs institutions européennes de premier plan, marque une nouvelle étape vers des dispositifs de stockage et de traitement de l’information plus performants. Si des défis subsistent avant une commercialisation, notamment sur la stabilité et la manipulation précise de ces structures à température ambiante, les bases théoriques et expérimentales sont désormais établies pour explorer pleinement le potentiel de la troisième dimension en spintronique.
T. Dohi et al., « Observation of a non-reciprocal skyrmion Hall effect of hybrid chiral skyrmion tubes in synthetic antiferromagnetic multilayers », Nature Communications, 26 September 2025, DOI: 10.1038/s41467-025-63759-7
Source : Université Johannes Gutenberg de Mayence (JGU)