Les mathématiques continuent de dévoiler des mystères fascinants, et une récente étude menée par des scientifiques de King’s College London apporte une contribution significative à un problème vieux de plusieurs siècles : l’optimisation du remplissage des sphères dans des espaces de haute dimension. Cette avancée, la plus importante depuis 1947, ouvre de nouvelles perspectives pour les mathématiciens et les ingénieurs.
Une amélioration historique
Les chercheurs de King’s College London ont réalisé la plus grande amélioration du problème du remplissage des sphères en haute dimension depuis les travaux du mathématicien anglais Claude Ambrose Rogers en 1947. Dans un article intitulé « A New Lower Bound to Sphere Packing », le Dr Matthew Jenssen et ses collaborateurs ont affiné la densité optimale des sphères dans un volume en espace de haute dimension.
Le problème classique du remplissage des sphères consiste à déterminer la manière la plus dense de disposer des sphères dans une boîte. Le problème remonte à l’explorateur Sir Walter Raleigh, qui demanda au scientifique Thomas Harriott comment empiler des boulets de canon sur ses navires. Harriott transmit ensuite le problème à l’astronome Johannes Kepler, qui suggéra en 1611 que la meilleure méthode était le « remplissage cubique à face centrée », similaire aux pyramides carrées et triangulaires utilisées pour empiler des oranges dans les supermarchés.
Cette conjecture de Kepler, affirmant que la manière la plus dense de remplir des sphères tridimensionnelles occuperait 74,05 % du volume total de la boîte, fut finalement prouvée par Thomas Hales en 2017.
Dimensions au-delà de la perception humaine
En mathématiques, il existe des objets au-delà des trois dimensions typiques que nous percevons. Le problème du remplissage des sphères n’a été résolu que dans les dimensions 1, 2, 3, 8 et 24. Les dimensions supérieures nécessitent des nombres supplémentaires pour identifier des coordonnées spécifiques.
Pour les très grandes dimensions, peu de choses sont connues. Les mathématiciens utilisent donc des « bornes » pour déterminer la densité optimale de remplissage, ces bornes fonctionnant comme des limites supérieures et inférieures de ce nombre optimal.
Les remplissages de sphères en haute dimension ne sont pas seulement d’intérêt pour les mathématiciens ; ils ont également des implications pratiques. Les ingénieurs et les informaticiens les utilisent dans les codes correcteurs d’erreurs lors de l’envoi d’informations sur une ligne téléphonique ou une application de communication comme WhatsApp.

Dr Matthew Jenssen explique : « En utilisant une méthode qui s’éloigne des réseaux de remplissage de sphères structurés, nous avons fait un usage intensif de méthodes aléatoires pour trouver un remplissage de sphères non structuré. Nous prouvons qu’il existe des remplissages de sphères de densité approximativement d log(d) / 2^{d+1}, soit le logarithme de la dimension, multiplié par la dimension de la sphère, divisé par deux à la puissance de la dimension plus un. »
Prédictions et implications futures
Cette découverte correspond à une prédiction faite par le lauréat du prix Nobel et titulaire d’un diplôme honorifique de King’s, Giorgio Parisi, qui, avec son partenaire Francesco Zamponi, avait prédit que tout remplissage de sphères non structuré pourrait avoir une densité au plus d log d / 2^{d}.
Dr Jenssen ajoute : « Les remplissages de sphères en haute dimension sont également un objet d’étude croissant pour les physiciens, car des modèles théoriques comme le modèle de sphère dure utilisent le remplissage de sphères pour conceptualiser les structures de la matière. »
Bien que des progrès significatifs aient été réalisés, nous sommes encore loin de résoudre définitivement le problème du remplissage des sphères en haute dimension, comme Kepler et Hales l’ont fait pour les sphères en 3D. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir.
Légende illustration : Les scientifiques de King’s ont apporté la plus grande amélioration au problème de l’empaquetage des sphères en haute dimension depuis que le mathématicien anglais Claude Ambrose Rogers l’a fait en 1947.