Des chercheurs de l’université technologique de Delft, aux Pays-Bas, ont pu voir le noyau magnétique d’un atome passer d’un côté à l’autre en temps réel. Ils ont lu le « spin » nucléaire par l’intermédiaire des électrons du même atome à travers l’aiguille d’un microscope à effet tunnel. À leur grande surprise, le spin est resté stable pendant plusieurs secondes, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’un meilleur contrôle du noyau magnétique.
Un microscope à effet tunnel (STM) est constitué d’une aiguille atomiquement aiguisée qui peut « sentir » des atomes uniques sur une surface et produire des images avec une résolution atomique. Pour être plus précis, le STM ne peut sentir que les électrons qui entourent le noyau atomique. Les électrons et le noyau d’un atome sont potentiellement de petits aimants. Selon le type d’atome, ils portent chacun une quantité appelée « spin« , l’équivalent du magnétisme en mécanique quantique. La mesure du mouvement d’un spin électronique individuel à l’aide d’un STM a été réalisée pour la première fois il y a dix ans.
Le groupe de recherche de la TU Delft, dirigé par le professeur Sander Otte, a voulu savoir s’il était possible d’utiliser un STM pour lire le spin nucléaire dans le temps, l’autre partie de l’atome.
Lecture du spin nucléaire
Le STM n’est pas directement sensible aux spins nucléaires, l’équipe a donc dû utiliser l’électron pour lire indirectement le spin nucléaire. « Le principe général avait été démontré il y a quelques années, en utilisant ce qu’on appelle l’interaction hyperfine entre les spins électroniques et nucléaires », explique Otte. « Cependant, ces premières mesures étaient trop lentes pour capturer le mouvement du spin nucléaire dans le temps. »
Mesures rapides
Les premiers auteurs, Evert Stolte et Jinwon Lee, ont entrepris d’effectuer des mesures rapides sur un atome connu pour porter un spin nucléaire. À leur grande joie, ils ont observé le signal passer d’un niveau à l’autre en temps réel, en direct sur leur écran d’ordinateur.
« Nous avons pu montrer que ce changement correspond au passage du spin nucléaire d’un état quantique à un autre, puis à nouveau au premier », ajoute M. Stolte.
Ils ont déterminé qu’il fallait environ cinq secondes pour que le spin change, ce qui est beaucoup plus long que pour de nombreux autres systèmes quantiques disponibles pour le STM. Par exemple, la durée de vie du spin électronique dans le même atome n’est que d’environ 100 nanosecondes.

Lecture en un seul passage
Comme les chercheurs ont pu mesurer l’état du spin nucléaire plus rapidement qu’il ne bascule et (dans la plupart des cas) sans provoquer de basculement par la mesure elle-même, ils ont réalisé ce qu’on appelle une « lecture en un seul passage ».
Cela ouvre des possibilités expérimentales passionnantes pour le contrôle du spin nucléaire. De plus, les progrès fondamentaux réalisés dans la lecture et le contrôle des spins nucléaires à la surface pourraient, à long terme, contribuer à des applications telles que la simulation quantique ou la détection quantique à l’échelle atomique.
Evert Stolte, de conclure : « La première étape dans toute nouvelle frontière expérimentale consiste à être capable de la mesurer, et c’est ce que nous avons réussi à faire pour les spins nucléaires à l’échelle atomique. »
Single-shot readout of the nuclear spin of an on-surface atom
E. W. Stolte, J. Lee, H. G. Vennema, R. Broekhoven, E. Teng, A. J. Katan, L. M. Veldman, P. Willke and S. Otte
Nature Communications 16, 7785 (2025), 10.1038/s41467-025-63232-5
Source : TUM