Détecter les liquides toxiques avec l’impression 3D et la nanotechnologie

Les nanotubes de carbone font la une des revues scientifiques depuis longtemps. L’impression 3D aussi. Mais quand les deux s’associent au bon polymère, en l’occurrence un thermoplastique, il se passe alors quelque chose de spécial : la conductivité électrique augmente et rend possible le monitoring des liquides en temps réel. C’est un énorme succès pour Polytechnique Montréal.

L’article intitulé « 3D Printing of Highly Conductive Nanocomposites for the Functional Optimization of Liquid Sensors » a été publié dans la revue Small. Réputée dans le domaine de la micro et de la nanotechnologie, Small a fait de cet article sa page couverture arrière, un signe certain de la pertinence de la recherche menée par l’ingénieur en mécanique Daniel Therriault et son équipe. Dans la pratique, le résultat de cette recherche ressemble à un chiffon; mais dès qu’un liquide le touche, le dit chiffon est capable d’en identifier la nature. Dans ce cas-ci, c’est de l’éthanol, mais ça pourrait être un autre liquide. Un tel procédé rendrait d’immenses services dans l’industrie lourde, où les liquides toxiques sont légion.

Une recette simple mais efficace

La recette semble en apparence toute simple, mais elle est tellement efficace que Daniel Therriault l’a protégée par un brevet. D’ailleurs, une entreprise américaine se penche déjà sur la commercialisation de ce matériau imprimable en 3D, hautement conducteur, et qui offre plusieurs applications potentielles.

Première étape : on prend un thermoplastique et on le transforme en solution avec un solvant, pour qu’il devienne liquide.

Deuxième étape : à cause de la porosité de ce thermoplastique en solution, on peut y incorporer une quantité de nanotubes de carbone comme jamais auparavant, un peu comme on ajoute du sucre dans un mélange à gâteau. Résultat : une sorte d’encre noire assez visqueuse, dont la conductivité exceptionnelle approche celle de certains métaux.

Troisième étape : cette encre noire, qui est en fait un nanocomposite, peut maintenant passer à l’impression 3D. Dès qu’elle sort de la buse de l’imprimante, le solvant s’évapore et l’encre devient solide. Elle prend la forme de filaments guère plus gros que des cheveux. Le travail de fabrication peut alors commencer.

Credit / Polytechnique Montréal

Les avantages de cette technologie

La recherche faite à Polytechnique Montréal est à l’avant-garde dans le domaine de l’utilisation des imprimantes 3D. Le temps du prototypage amateur, comme l’impression de petits objets en plastique, est révolu. Maintenant, de l’aéronautique à l’aérospatial, en passant par la robotique et la médecine, toutes les industries de fabrication ont cette technologie dans leur mire.

À cela, plusieurs raisons. D’abord, la légèreté des pièces, dès lors qu’on substitue du plastique au métal. Puis, il y a la précision du travail, quand il est réalisé au niveau microscopique, comme c’est le cas ici.

Enfin, avec les filaments de nanocomposites utilisables à la température ambiante, on obtient des conductivités qui approchent celles de certains métaux. Mais il y a mieux encore, comme on peut varier la géométrie des filaments, il est possible d’effectuer une calibration des mesures qui permet de lire les différentes signatures électriques des liquides dont on veut faire le monitoring.

Un exemple au goût du jour, les pipelines

Au point de raccord entre les tuyaux qui forment les pipelines, il y a des brides. L’idée serait de fabriquer en usine des tuyaux dont les brides seraient enduites par impression 3D d’un nanocomposite dont la signature électrique est calibrée en fonction du liquide à transporter, le pétrole par exemple. S’il y avait une fuite et que le liquide touchait les senseurs imprimés à partir du concept que Daniel Therriault et son équipe a mis au point, l’alerte serait donnée en un temps record, et de manière très ciblée. C’est un immense avantage, tant pour la population que pour l’environnement, car plus le temps de réaction est court, quand il y a une fuite, moins les dommages sont élevés.

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Les travaux du professeur Daniel Therriault ont reçu l’appui du Centre de recherche sur les polymères et composites à haute performance, des Chaires de recherche du Canada, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), de MITACS et de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI).

Chizari, K., Daoud, M.A., Ravindran, A.R., & Therriault, D. (2016). Liquid Materials: 3D Printing of Highly Conductive Nanocomposites for the Functional Optimization of Liquid Sensors (Small 44/2016). Small, 12(44), 6176-6176.

doi: 10.1002/smll.201670232

À propos de Polytechnique Montréal

Fondée en 1873, Polytechnique Montréal est l'un des plus importants établissements d'enseignement et de recherche en génie au Canada. Polytechnique occupe le premier rang au Québec pour le nombre de ses étudiants et l'ampleur de ses activités de recherche. Avec plus de 45 757 diplômés, Polytechnique Montréal a formé près du quart des membres actuels de l'Ordre des ingénieurs du Québec. L'institution offre plus de 120 programmes. Polytechnique compte 250 professeurs et plus de 8 200 étudiants. Son budget annuel de fonctionnement s'élève à plus de 210 millions de dollars, dont un budget de recherche de plus de 70 millions de dollars.

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