Sortir ou ne pas sortir ?
Aujourd’hui, il est matériellement et surtout financièrement impossible d’envisager une sortie du nucléaire sans une compensation par des centrales thermiques classiques. Les énergies renouvelables ne peuvent que représenter une part modeste du mix énergétique et elles restent toute forme de coût incluse, plus chères que la filière nucléaire pour la production d’électricité, même en considérant la sous-estimation des coûts de démantèlement des centrales nucléaires. Les centrales thermiques, fonctionnant essentiellement aux combustibles gaz ou charbon, posent un problème évident de dégagement de gaz à effet de serre qui étonnement ne choque pas les écologistes. Plusieurs projets de centrales du type turbine à gaz ont d’ores et déjà mis en chantier en France. Finalement, le débat sur la sortie du nucléaire implique une question simple : de quoi devons-nous nous protéger le plus rapidement : de l’imperfection de la sûreté nucléaire (toutefois plus relative qu’au Japon qui vit sur un territoire souffrant de Parkinson) et des problèmes liés au stockage des déchets radioactifs ou bien du réchauffement climatique causé par le rejet de gaz à effet de serre et de toutes les conséquences qu’il implique? La réalité impose ce choix et tant qu’une véritable alternative capable de fournir de l’électricité en masse n’aura pas vu le jour, il faudra entretenir ou renouveler le parc nucléaire ou bien construire des centrales à gaz ou à charbon, les nouvelles énergies resteront un appoint.
Indépendance énergétique
Les industriels de la filière nucléaire en France se disent au service de l’indépendance énergétique du pays. Il leur est souvent rétorqué que l’uranium est en totalité importé et que finalement, la dépendance envers les pays producteurs d’uranium est entière. En réalité, l’uranium ne représente que 5% du coût de production d’un kW/h d’électricité, les finances françaises ne sont donc pas à la merci des fluctuations du prix de l’uranium et des pays producteurs comme cela est le cas pour les hydrocarbures. D’autre part,la Francedispose d’un choix plus large dans ses plans d’importation d’uranium et ne subit pas la loi d’un cartel comme c’est le cas pour le marché mondial du pétrole dominé par l’OPEP. Aujourd’hui, le Niger nous fournit une grande partie de notre uranium mais nous pourrions tout à fait envisager de se fournir auprès du Canada ou de l’Australie. Un luxe qui n’est pas permis pour les hydrocarbures à une guerre en Libye près. Il n’y a donc pas non plus de réelle dépendance géopolitique.
Mox or not mox ?
A propos du mox auquel le parti écologiste a déclaré une guerre jusqu’à ce que mort s’en suive, une fois n’est pas coutume, EELV démontre une certaine incohérence. Le mox est un combustible nucléaire fabriqué à partir du recyclage de produits de fission usés. Dans ses négociations avec le PS, EELV avait menacé de claquer la porte tant le parti était farouchement opposé à la poursuite de l’activité de fabrication de mox par Areva. Dans la situation actuelle, vouloir se priver de filière mox équivaut à tolérer plus de déchets radioactifs ultimes, difficile à envisager… Non dénuée d’ironie, la situation voudrait qu’au contraire EELV défende la production du mox puisqu’en attendant une éventuelle sortie progressive du nucléaire elle permet de recycler des déchets et de limiter l’exploitation de la ressource naturelle uranium.
Et l’emploi ?
Concernant la supposée vague de création d’emploi grâce aux énergies renouvelables. Sortir du nucléaire nécessiterait le développement massif et dans l’urgence d’énergies alternatives. Le fait qu’il y aura bien des créations d’emploi. Toutefois le problème sera double. Premièrement, le secteur français des énergies renouvelables accuse un retard certain sur d’autres pays européens et force est de constater que la plupart des projets aboutis sur le territoire français ont été remportés par des entreprises étrangères et notamment allemandes. Deuxièmement, les emplois dans les énergies renouvelables ne s’inscrivent pas dans la durée, on multiplie les offres de CDD pendant les phases de construction mais les emplois de maintenance, d’entretien et d’exploitation sont quantitativement bien inférieurs à la filière nucléaire, un sérieux souci de précarité de l’emploi qui devrait en toute logique ébranler plus qu’ils ne le sont les verts et les socialistes.
Finalement, en concevant l’idée d’une sortie du nucléaire, EELV séduit beaucoup d’électeurs mais déçoit dans sa manière d’appréhender un projet crédible et viable économiquement. Avant d’envisager l’arrêt de la production du mox, il serait plus censé de réduire la part du nucléaire pour réduire la quantité de déchets radioactifs en amont de la chaîne et avant d’envisager cette réduction de la part du nucléaire, il faudrait soutenir les entreprises françaises spécialisées dans les énergies renouvelables, mettre en place des mesures incitatives plus significatives et relancer la défiscalisation des particuliers qui font le choix du renouvelable.
Au-delà de sa crédibilité douteuse sur le dossier nucléaire, EELV tombe de surcroit dans le piège du buzz médiatique en s’affranchissant d’autres questions environnementales sans lien avec le nucléaire et pourtant incontournables. Il a contaminé le PS dans cette obsession pour le dossier nucléaire et ses ambitions électoralistes dans ses négociations de parachutage politique pour les prochaines municipales et législatives avec les socialistes ont désormais relayé au second plan les idéaux que le parti écologiste est censé représenter, une perte d’identité dommageable tant le contexte actuel impose un autre regard sur l’écologie.
[ Archive ] – Cet article a été écrit par Cyril B