Et pourquoi pas une maison en paille ?

La construction en paille a commencé dans les Sand Hills du Nebraska, au centre des États-Unis, il y a un siècle de cela, lors de l’apparition de la mécanisation des techniques agricoles. Dans cette région où le bois est rare et la terre, très sableuse, voir les ballots sortir de la botteleuse a donné des idées à certains bâtisseurs: ils avaient compris qu’ils avaient à leur disposition un matériau léger, peu coûteux et immédiatement disponible.
Des maisons, des écoles, des granges et même une église furent ainsi construites, sans structure portante autre que celle des bottes de paille. Certaines de ces constructions existent encore aujourd’hui et sont toujours en bon état.

Et pourquoi pas une maison en paille ?Dans les années 1920, le ministère de l’Agriculture du Dakota-du-Nord a édité un manuel de construction de bâtiments agricoles en ballots de paille utilisés comme murs porteurs. La technique se propagea alors dans d’autres régions des États-Unis.

Après avoir été délaissée au profit de techniques plus modernes et plus gourmandes en énergie, l’utilisation de la paille en construction connut un renouveau, dans les années 1970-1980, non seulement aux États-Unis où l’on dénombre aujourd’hui quelque 2 000 habitations construites selon cette technique, mais aussi au Canada et au Mexique. D’autres pays ont également emboîté le pas : l’Uruguay, l’Islande, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Suède, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la Roumanie, la Tchécoslovaquie, la Grèce, la Turquie, la Mongolie, la Chine, le Japon, l’Australie…

L’association américaine Builders Without Borders ("Bâtisseurs sans frontières", sans aucun lien avec l’association française ainsi dénommée), créée en 1999 à Kingston (New Mexico), encourage et soutient cette technique dans les pays où elle intervient au titre de la solidarité internationale. Le leitmotiv de cet organisme est d’aider les populations locales à construire leurs propres maisons en utilisant les matériaux trouvés sur place – paille et terre – pour éviter tout recours à d’autres matériaux importés, donc plus coûteux.

À Montargis (Loiret), la maison Feuillette – du nom de son constructeur – a été bâtie en 1921 en ballots de paille sur ossature bois, comme prototype pour la reconstruction des fermes et habitations paysannes au lendemain de la guerre. Elle est toujours en bon état et habitée. Les paysans d’alors savaient que la paille était un excellent isolant thermique pour les cabanons et abris pour les animaux. Alors, pourquoi pas pour les humains ? Un autre bâtiment fait figure de précurseur dans notre pays : la maison du Cun du Larzac, construite en 1979 pour abriter une famille de contestataires pacifistes opposés à l’installation d’une base militaire sur leur plateau.

Dans les années 1980, les Québécois Louis Gagné et François Tanguay développèrent la technique du ballot de paille maçonné avec des joints de mortier. Le premier bâtiment issu de l’expérience canadienne a été construit à La Chasagne en 1986-87. Cette technique est abandonnée aujourd’hui.

Avantages en nature
Actuellement, il existerait entre 100 et 300 maisons en paille en France, la plupart ayant été construites suivant le procédé ossature en bois/garnissage de paille. Elles ont été généralement bâties en autoconstruction, avec les conseils avisés d’associations, organismes ou architectes tels que La Maison en Paille (André de Bouter – 16290 Champmillon), Arcanne (Samuel Courgey – 39330 Pagnoz), Le Gabion, Approche-Paille (Vincent Brossamain et Jean-Baptiste Thévard – 45000 Orléans), Espace et Vie ( 86300 Chauvigny), Manas Melliwa (31310 Montbrun-Bocage), Lourdès Malvido (86300 Chauvigny), etc.

Outre son aspect subjectif (le home sweet home de ses rêves, respectueux de l’environnement…), les avantages habituellement reconnus à la construction en paille ne sont pas négligeables, loin de là: non recours aux énergies "grises" (nécessaires pour la production, la mise en place et le recyclage d’un produit), production et construction non polluantes, excellente isolation (« pour garder au chaud votre maison et votre coeur » ), économie d’énergie, matériau naturel disponible localement en grande quantité, construction durable dans le temps, fabrication et mise en œuvre simples et accessibles à tous, esthétique… Sans oublier le fait que la paille est totalement recyclable. Construite avec ce matériau, la maison « naît dans les champs en été et elle y retournera sans problème après avoir servi ». On croit en effet rêver!

La paille et le grain
Aussi généreuses soient-elles, aussi soucieuses puissent-elles être de préserver le devenir de notre planète, les initiatives prises en matière de construction en paille ne peuvent cependant faire impunément l’impasse sur les contrôles techniques visant à protéger au minimum la santé et la sécurité des utilisateurs. Qui dit paille dit en effet en tout premier lieu risque d’incendie, puis de pourriture et d’attaques de rongeurs ou autres "nuisibles". Or la construction en ballots de paille ne fait pour l’heure l’objet d’aucun DTU (document technique unifié), si bien que, hormis certains cas mentionnés par le site www.lamaisonenpaille.com, les professionnels n’osent pas raisonnablement prendre d’initiatives en ce domaine, en dépit d’une demande grandissante.

Toutefois, les tests réalisés par le CEBTP (Centre d’expertise du bâtiment et des travaux publics) et l’Arcanne (une association ayant pour but la promotion des techniques de construction alternative) dans la petite commune jurassienne de Montholier, avec le concours financier de la Fédération française du Bâtiment (FFB) et de l’Agence gouvernementale de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME ), représentent un pas important vers l’élaboration de ce DTU. Les tests effectués en laboratoire autour de ce projet baptisé "Construction et expérimentation de deux maisons locatives en structure bois et fibres végétales" ont en effet prouvé que la paille comprimée résiste très bien au feu. Bien protégée, elle ne craint pas
l’humidité et n’attire pas plus les rongeurs que n’importe quel autre isolant.

« Si les résultats confirment les hypothèses, mentionnait un premier bilan de l’opération, les constructeurs, en s’appropriant ces techniques, pourront proposer à leurs clients des variantes économiques intéressantes et très satisfaisantes du point de vue environnemental. Le but de ce programme est d’apporter aux professionnels du Bâtiment les outils nécessaires à la bonne utilisation de ces matériaux renouvelables. »

Le commentaire de la FFB présente également des ouvertures significatives: "Une nouvelle génération de consommateurs, sensibilisée par la sauvegarde de l’environnement, demande de plus en plus à être entourée de matériaux naturels et sains. (…) L’utilisation de la paille en modules comprimés est quasi-inexistante en France, mais les références, principalement dans les pays anglophones, sont de plus en plus nombreuses. Un fort développement de ce marché est à prévoir dans les années à venir. Bien accompagnées et dotées des outils nécessaires pour la bonne utilisation de ces matériaux renouvelables, les entreprises du Bâtiment répondront de manière satisfaisante à cette partie grandissante de la clientèle."

Affaire à suivre…

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Marc Chartier

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