Une équipe de recherche allemande a découvert un catalyseur capable de convertir l’ammoniac en hydrogène, un vecteur énergétique, et en nitrite, un précurseur d’engrais. Les processus de production d’hydrogène et d’engrais, traditionnellement distincts pourraient ainsi être transformés en une seule réaction chimique.
Les résultats de cette étude, menée par les chercheurs de l’Université de la Ruhr à Bochum et de l’Université de Duisbourg-Essen, ont été publiés dans la revue Chimie appliquée internationale.
Production durable d’hydrogène
La production d’hydrogène par électrolyse de l’eau nécessite une énergie électrique, idéalement issue de sources renouvelables. «Cela ne peut être réalisé que dans un pays disposant de vastes espaces pour l’énergie éolienne et de beaucoup de soleil pour les panneaux photovoltaïques, comme en Namibie,» explique le professeur Schuhmann.
Pour développer une économie basée sur l’hydrogène en Allemagne, il est donc nécessaire d’importer ce gaz depuis des pays lointains. La liquéfaction de l’hydrogène pour son transport demande en contrepartie beaucoup d’énergie, car il ne devient liquide qu’à des températures extrêmement basses de moins 253°C ou à des pressions élevées.
Des concepts alternatifs envisagent de convertir l’hydrogène en ammoniac sur le site de production, car celui-ci devient liquide à moins 33 degrés Celsius et possède une densité énergétique plus élevée. «Un tanker rempli d’ammoniac liquide transporterait environ 2,5 fois plus d’énergie qu’un tanker rempli d’hydrogène liquide,» précise encore le Professeur Schuhmann.
À l’arrivée, l’ammoniac doit être reconverti en hydrogène, généralement par la réaction inverse de Haber-Bosch, où l’ammoniac (NH3) est transformé en azote (N2) et en hydrogène (H2). Cependant, seul l’hydrogène peut être utilisé de manière rentable.
Doublement du rendement en hydrogène
«Nous avons donc eu l’idée de combiner la réaction inverse de Haber-Bosch avec une seconde électrolyse de l’eau pour produire un produit facilement utilisable pour la fabrication d’engrais, comme le nitrite ou le nitrate, au lieu de l’azote,» ajoute pour sa part Ieva Cechanaviciute.
Dans cette réaction, l’ammoniac (NH3) et l’eau (H2O) sont consommés pour produire du nitrite (NO2-) et de l’hydrogène (H2). Contrairement à la réaction inverse de Haber-Bosch, le rendement en hydrogène est doublé et, au lieu de l’azote non utilisable, principalement du nitrite est produit, qui peut être transformé en engrais.
Utilisation d’électrodes de diffusion gazeuse
Pour cette réaction, l’équipe a utilisé des électrodes de diffusion gazeuse dans lesquelles l’ammoniac peut être introduit sous forme gazeuse. «Cela n’avait jamais été fait auparavant,» explique Wolfgang Schuhmann. «L’ammoniac était toujours utilisé sous forme dissoute.»
Un défi pour les chercheurs était de trouver un catalyseur adapté pour réaliser leur idée, car le NH3 a tendance à se convertir en azote en raison de la très forte liaison triple azote-azote et non en nitrite.
Dans des travaux antérieurs, l’équipe avait déjà expérimenté avec des catalyseurs multi-métaux, qui se sont avérés adaptés à cet objectif. Ils ont réussi à convertir 87 % des électrons transférés en nitrite. L’équipe a également réussi à éviter l’oxygène comme sous-produit indésirable de l’électrolyse de l’eau.
«Notre travail montre que notre expérience de pensée peut fonctionner en principe, mais nous sommes encore loin d’une mise en œuvre technique à l’échelle industrielle.» résume pour conclure Wolfgang Schuhmann.
Légende illustration : « Nous avons d’abord dû franchir un Grand Canyon thermodynamique », explique Ieva Cechanaviciute, le défi de l’étude. © RUB, Marquard
Article : « Gas Diffusion Electrodes for Electrocatalytic Oxidation of Gaseous Ammonia: Stepping Over the Nitrogen Energy Canyon » – DOI: 10.1002/anie.202404348