Éviter les travers de la densification urbaine

Urbanistes et architectes sont aujourd’hui capables de concevoir des espaces urbains denses mais agréables à vivre, affirme Andrea Bassi. Il présentera la semaine prochaine les résultats d’une étude de quatre ans consacrée à la densification du quartier de la Praille à Genève.

Durant ces cinq dernières années, le groupe de recherche d’Andrea Bassi, professeur d’architecture urbaine à l’EPFL, a analysé la densification et ses effets sur les espaces citadins.

Dans le même temps, la population suisse a voté pour limiter l’étalement urbain, mettant la pression sur les agglomérations et villages forcés d’accueillir un nombre croissant de résidents sans pour autant élargir leur périmètre. Quelles sont les conséquences d’une telle situation sur les habitants touchés? Les centres urbains à haute densité peuvent-ils leur offrir la qualité de vie à laquelle ils aspirent? Andrea Bassi présentera les résultats de quatre années de recherches consacrées à la transformation du quartier genevois de la Praille le jeudi 19 septembre prochain, au Pavillon Sicli de Genève, lors de la Semaine de la densité.

Si l’on observe le passé, on rencontre de nombreuses tentatives avortées de densification urbaine. Qu’avons-nous appris depuis qui selon vous nous empêche de répéter les mêmes erreurs ?

Vous avez raison, mais il faut rappeler que la modernité telle que nous la vivons ne remonte encore qu’à un siècle. Il y a à peine cinquante ans, nous disposions d’un recul insuffisant pour comprendre comment gérer des densités élevées de population. Comme après toute révolution, qu’elle soit politique, scientifique ou sociale, l’idéologie a dominé dans un premier temps. En matière d’aménagement urbain, le zonage, principalement prôné par Le Corbusier, et la séparation des zones résidentielles, commerciales et industrielles connectées entre elles par un réseau de transports publics prévalaient. Aujourd’hui, nous avons au contraire atteint un degré de maturité qui nous permet de nous distancier de ces conceptions trop rigides. C’est du moins le cas en Suisse, où nous arrivons à voir au-delà d’une approche et à en apprécier les pour et les contre. Au lieu d’appliquer aveuglément des solutions idéologiques, nous nous confrontons aux challenges avec notre expérience et notre savoir.

Éviter les travers de la densification urbaine

Comment les architectes s’attaquent-ils aux défis posés par la densification urbaine ?

Une des principales difficultés inhérentes aux villes concerne la mobilité personnelle, et ce en raison de cette séparation entre les trois types de zones. Si nous promulguons la mixité urbaine, donc la coexistence d’espaces dédiés à ces occupations et à des buts récréatifs, nous pouvons réduire la dépendance aux moyens de transports motorisés. Cela signifie toutefois que nous devons, en notre qualité d’architectes, accorder davantage d’importance à la création de zones qui conjuguent différentes activités, quelque part au carrefour d’espaces collectifs, anonymes et privés, et jouer un rôle de modérateurs en favorisant les interactions. Si vous conduisez vos enfants à l’école le matin en cinq minutes, la probabilité que vous interagissiez avec un voisin est moindre que si vous les accompagnez à pied. Idem en ce qui concerne les courses, le cinéma, etc. Avec la mixité croissante, la vie urbaine devient plus organique.

A quoi ces quartiers à haute densité vont-ils ressembler ?

Nous savons qu’il n’existe aucun type de construction qui fonctionne mieux que les autres dans ce contexte. Au contraire, il va nous falloir tirer profit de la pluralité des bâtiments et les faire coexister en plaçant des logements haut de gamme à côté d’appartements subventionnés, etc. Ici, la richesse est dans la diversité. Mais serions-nous à l’aise dans une ville où des bâtiments en bois jouxtent des immeubles en béton ou plastique? Je suis pour une approche plus homogène basée sur le béton. Au cours du siècle dernier, cette idée aurait généré un climat terne et austère, mais nous savons désormais mieux l’utiliser et profiter de ses multiples et surprenantes facettes.

Et la durabilité dans tout ça ?

Étonnamment, elle en sortira gagnante. Des études menées au niveau fédéral montrent en effet que les bâtiments en béton sont plus performants que ceux en bois en termes de développement durable à moyen et à long terme. Mais cela suppose un changement de paradigme dans notre manière d’appréhender les villes. Autrefois, celles-ci se tournaient vers leurs environs directs pour utiliser leurs ressources naturelles. Les carrières fournissaient la pierre et le sable, les forêts le bois. Aujourd’hui, les villes deviennent petit à petit leurs propres carrières, avec des matériaux recyclés provenant d’immeubles détruits qui fournissent les matières premières pour en construire de nouveaux. Dans ce cas spécifique, mais pas uniquement, les composants du béton sont bien plus locaux que le bois, qui est souvent véhiculé sur des centaines de kilomètres.

A quand estimez-vous ce changement de cap ?

Il est déjà en cours! Le plan directeur du quartier genevois de la Praille est basé sur un programme alliant densité et mixité. Un projet national de construction en cours préconise nombre de ces points. La métropole lémanique est une réalité depuis deux ans, le recyclage du ciment aussi. C’est une époque passionnante pour les architectes!

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Sonate

J’aimerais bien connaître ses sources à ce sujet. Ce qu’il énnonce va à contre-courant de beaucoup d’idées.

Luis

¤ La construction bois résiste très bien au feu contrairement à des préjugés répandus. Lors d’un incendie, une croûte se forme en surface et retarde la combustion de la partie centrale. Mais dans le cas du béton, armé, l’acier de l’armature se dilate et fait éclater le béton, ce qui le rend très vite fragile. Pour le béton, il faut du sable. La plupart des sablières étant déjà épuisées, on va chercher le sable en mer, à quelques kilomètres des côtes. Cela entraîne une érosion des rivages car le sable proche de ceux-ci redescent avec les flots de marée pour combler les trous dus aux extractions de sable. Et l’on accuse ensuite le réchauffement climatique pour l’érosion des côtes. Enfin, vous aimez les cages à lapins ?

Bruno lalouette

C’est le nouveau point de vue de Duflot and Co, recyclage et économie circulaire, d’ailleurs, jusque là, je suis pour… Problème, il est considéré par de pseudos écolos promoteurs de BTP, que le béton devient écolo dès qu’il est recyclé, ce qui bien-sûr, est totalement faux, puisqu’il faut d’abord le produire… Mais, lorsqu’il y a promotion de telle ou telle chose dans notre société, il y a souvent un non dit… Seul le béton permet de monter en hauteur, autrement dit de densifier, donc, d’un seul coup d’un seul, le béton devient écolo, la même que pour les promoteurs du nucléaire… Alors même que la densification urbaine est hautement énergivore et polluante, certains font la promotion de cette densification, et de Sarkosy à Duflot, tous dans le même Batho pour promouvoir la dépense publique, source d’enrigissement des plus grands groupes, ainsi que la centralisation des moyens de productions et des centres de décisions, alors que l’évolution internet permet tout le contraire… Où quand l’individu n’a plus d’autres choix que le système imposé, cela s’appelle “totalitarisme”, même si il est habilement déguisé… Pour mieux comprendre, Paris 22000 hab/km2, New-York 6000 hab/km2, Londres 6000, Tokyo 6000… Berlin… 4000…! Il faut produire, produire, produire… et produire encore, comme disait Maurice… Et les vaux sont devenus vaches élevées en batterie, fécondées artificielement à coup d’allocations dites “familiales”… Magie philosophale des initiés, devenue triste réalité grâce aux sombres tours du BTP …

Tech

je voudrais seulement savoir où habitent ces architectes ?

gaga42

La densification urbaine n’est pas énergivore, bien au contraire:

Titus

En parlant de la densité urbaine de Paris, au 18ème siècle, un philosophe rappellait : “les hommes sont comme les pommes, plus on les entasse et plus elles pourrissent”. Rares sont les architectes et les politiques qui prônent la “densification” et qui habitent dans ces quartiers. Ou alors, ils n’y résident que jusqu’au moment où la vie y devient aberrante. Et puis surtout, ils possèdent de belles résidences secondaires (devinez où ?) pour souffler les weeks-ends…

b api

J’ai l’impression de vivre dans les aéroports de Paris. Pour y passer en voyage (le plus vite possible) c’est déjà insupportable. Alors pour y vivre ! Je suis pour la qualité de la vie et l’environnement, pas pour une densification du type HLM.

Bruno lalouette

Moa pas comprendre tableau, what is hab/ha??? Ensuite, pour comparer la consommation des transports en commun, il faut une offre égale de transport par habitant, ce qui est loin d’être le cas… Mais la meilleure preuve c’est le coût de la logistique, le dernier kilométre parcouru par un colis en milieu urbain = 1/3 du coût total de la course!!! Comme je suis bon joueur, j’aimerais bien un comparatif énergétique entre les quartiers à colombages de Strasbourg, et des quartiers hlm plus densément peuplés…??? On peut aussi parler de l’aluminium dans l’iarchitecture moderne, des boues, de la consommation d’électricité pour l’électrolyse, y’a pas que le béton…

gaga42

hab/ha yen a habitants par hectare, soit par 10000 mètres-carrés… Il ne s’agit pas de la conso des transports en commun, mais de tous les transports. Mais c’est vrai que l’éloge du béton peut surprendre, surtout en voyant la photo illustrant l’article…

Nicias

Je suis toujours gêné par ce genre de comparaison, très sensible à des choix de périmètre des villes. Hong Kong ne pourrait pas vivre sans sa banlieue chinoise. Mais je pense qu’il y a du vrai dans cette courbe. Il y a aussi tout un tas de choses qui sont moins couteuses en ville: les infrastructures par exemple, on a moins besoin de km de tuyaux, de fils divers en cuivre etc … Il est beaucoup plus écologique de vivre dans un immeuble en ville que dans les éco-hameaux qui nous coutent un max rien que pour y faire arriver une route.

Tech

le type de courbes complètment neu-neu. qui ne prend même pas en compte la superficie du pays! hong kong est une enclave et si cette enquête ne prend en compte que les hong kongais! elle oublie tout simplement tous les travailleurs chinois qui traversent la frontière! et tous le bateaux du port. et singapour itou, c’est un timbre poste,1,5 fois Andorre environ! et cette surface ne comprend certainement pas la mer et tous ses portes conteneurs ou comment faire dire n’importe quoi à des courbes! mani(pulation)core