Filière photovoltaïque : “la nécessité d’une approche européenne”

Si le solaire photovoltaïque, lors de la Conférence Environnementale de septembre, n’a tenu qu’une place modeste sur l’ensemble des mesures annoncées, on retiendra cependant dans le discours de clôture du Premier ministre une forme de prise de conscience des erreurs qui ont été faites dans le passé.

Tribune de Michaël Seys (Panasonic Solar)

Le gouvernement a sans doute enfin pris la mesure que changer trop souvent et brutalement les règles ne créait pas les conditions favorables à l’établissement d’une vraie filière. En effet, les industriels ont avant tout besoin de stabilité, or une telle situation chaotique ne donne pas la confiance nécessaire aux investisseurs pour créer des plans stratégiques à plus long terme.

La France a pris un retard important pour la création de valeur autour du marché du photovoltaïque ; il n’existe pas de grand fabriquant français. La valeur ajoutée se trouve ailleurs, en particulier dans une meilleure intégration du photovoltaïque. Ces enjeux sont d’ailleurs les mêmes pour les autres pays européens. Il ne s’agit plus seulement de produire des centrales, mais de les combiner avec d’autres sources d’énergie, avec des mesures d’économie, d’isolation, etc.

Si les intentions de la feuille de route sont louables, elles manquent d’une vision industrielle. Rien dans ce rapport ne suggère une véritable intention de créer des partenariats public/privé. L’Allemagne a opéré un rapprochement entre la recherche publique et l’industrie privée pour faire éclore un projet industriel qui vise une production de 50 000 à 70 000 MW d’ici 2020 (1). En France persiste le sentiment d’avoir d’un côté les laboratoires de recherches publics qui développent de belles technologies sans applications industrielles, et de l’autre, des industriels qui, dans un contexte de crise, ont des difficultés à investir dans l’innovation. Malgré cette prise de conscience apparente des erreurs du passé, il n’est donc pas évident que les acteurs du photovoltaïque en France aient été convaincus par le message du gouvernement.

A court terme, pour redonner confiance à tous les acteurs de la filière : investisseurs nationaux, installateurs, grand public… il faut faire progresser la compréhension des objectifs et du bien-fondé d’une filière photovoltaïque intégrée au sein d’une politique énergétique plus vaste. A ce titre, les démarches d’une association indépendante, impliquant fabricants, distributeurs et installateurs comme InSoCo prend son importance. De nos jours tout passe par la communication et l’explication. Il est nécessaire de sensibiliser les consommateurs sur le fait qu’investir dans le solaire va au-delà d’une simple réduction de sa facture d’électricité ; c’est une création de richesse et de valeur pour l’avenir. Une préoccupation partagée par le gouvernement et qui doit valoriser les acteurs ayant une vraie conscience écologique.

A plus long terme, il faudra probablement prendre des mesures au niveau européen. En Italie par exemple, le marché du photovoltaïque a explosé l’année dernière, suite à l’installation de 7GW (2), mais on s’attend en 2013 à un très gros coup de frein. De tels à-coups ne servent qu’à créer des bulles spéculatives dès lors que les politiques ne sont pas harmonisées. Pour assurer la stabilité de notre industrie, il conviendrait donc d’avoir une politique européenne mieux synchronisée.

L’Europe pourrait également établir de vrais critères de développement durable et social sur l’industrie photovoltaïque. Sur ce marché très dominé par la Chine, la production ne doit pas se faire au détriment du respect des normes environnementales et du droit du travail. Il faut construire de bout en bout une chaîne écologique, depuis la création du produit jusqu’à son utilisation, voire son recyclage. Dans le même ordre d’idée, les nouveaux appels d’offres qui vont être lancés en France ne devraient pas se focaliser sur le « moins-disant » : des critères sociaux ou écologiques doivent être pris en compte tout en restant « pragmatique », simple et sans détour.

En élargissant le débat, une autre idée intéressante de la feuille de route est la réhabilitation des logements sociaux en termes énergétiques. Revoir en profondeur la consommation de l’habitat social prend beaucoup de sens. On ne peut pas accepter de subventionner le photovoltaïque uniquement pour les foyers qui en ont les moyens. Nous devons apprendre à gérer l’habitation comme un tout et non comme un ensemble d’éléments séparés. Au Japon, des solutions existent déjà pour permettre de gérer tous les acteurs de l’habitat de façon à optimiser les consommations.

En conclusion, il nous faut aller vers une vision globale – au sens géographique, technologique et économique – pour construire durablement cette filière d’avenir.

Michaël Seys, Product Development Coordinator, Panasonic Solar

(1) Source : Bureau de coordination énergies renouvelables

(2) Source : Inter PV

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cezorb

On pourrait commencer par imposer la vente du seul surplus d’électricité produite. Cela obligerait les propriétaires à s’intéresser à leur consommation énergétique et à tenter de la réduire.

meminick

Il est effectivement temps de fiare éclore et d’accompagner cette jeune industrie en s’appuyant sur les industriels prets à investir et non seulement sur les retiers actuels qui sont en situation de quasi monopole

Edi

Ne serais que pour éviter les décisons arbitraires au niveau national. Si on analyse les conséquences du moratoire et autres décisions : il y a manifestement eu la volonté de bloquer la filière. Sans prise en compte des conséquences, à voir la facilité avec la quelle on a accepté la disparition de milliers d’emplois. Le secteur éolien subit également un véritable « harcèlement », qui n’aide pas au développement de l’activité. Et ce n ‘est pas uniquement une question de “spéculation”, sinon il aurait suffi de baisser les tarifs. Il faudra plus que des discours pour restaurer la confiance dans ces filières et pour attirer des entrepreneurs. Cela passe aussi par une « clarification » de la politique énergétique en France. Car il reste à régler un « problème de fond », avec même un aspect culturel. Le tout nucléaire oblige à un mode de fonctionnement technocratique. Qui a démontré son efficacité. Mais s’abstrait souvent de la politique et est mal adapté à l’évolution technologiqueet à la mise en concurrence (tendance permanente à la réduction des coûts, entrainant des risques). Dans ce contexte, fallait-il ouvrir le marché de l’énergie à la concurrence ? Il semble que ce choix n’a pas réellement été assumé. Idem pour France Telecom. On ne passe pas d’une culture qui privilégie le service d’état, à une culture de rendement financier en quelques mois, ou même quelques années, sans la mise en œuvre de plans d’envergure. Et ce n’est pas au niveau des employés ou de l’encadrement que l’on peut résoudre ces problèmes (voir le taux de suicides et de dépressions). Mais au niveau des directions et aussi du politique, qui continuent à agir “comme avant”. L’appel à la sous traitance semble également être un symptome du mal : car menant à des excès “compensatoires” (c’est risqué dans le nucléaire). Une espece de soupape qui fait endosser aux sous-traitants l’essentiel des problèmes. Soit on coordonne et organise l’ensemble, soit il vaut mieux renationaliser(idem pour l’eau, et les banques…). Pour revenir aux ENR : à court terme les énergies renouvelables ne pourront survivre sans un minimum d’équité. A long terme, à parité réseau, le développement se fera naturellement, avec ou sans les industriels Français et avec ou sans les monopoles ou oligopoles. La Chine a bien compris que le secteur photovoltaïque est stratégique.

Tech

pour éviter la spéculation, proposer aux “rentiers” du 3% garanti exonéré d’impôts, c’est ce que donne aujourd’hui l’assurance vie! et c’est très légèrement au dessus de l’inflation et pas un taux exhorbitant! c’est de la finance qui au moins ne dormira pas et cela permettrait comme par exemple les anciens emprunts edf ou charbonnages de France!(je sais, c’est daté ;o) de développer de nouveaux sites, d’innover et servirai à se débarasser petit à petit de la trop grande dépendance au pétrole.