Le constructeur britannique JCB a décroché une première européenne clé en obtenant, le 12 avril 2024, l’homologation complète de l’Union européenne pour son moteur à hydrogène destiné aux engins mobiles non routiers. Une étape qui positionne leur technologie comme une alternative crédible aux moteurs thermiques classiques dans un secteur confronté à des contraintes environnementales croissantes.
L’autorisation, délivrée conformément au règlement (UE) 2016/1628, valide la conformité du moteur de JCB aux normes d’émissions Stage V, les plus strictes en vigueur. Elle ouvre la voie à sa commercialisation et à son’intégration dans les équipements des fabricants (OEM) à travers les 27 pays membres de l’Union, ainsi que dans les territoires de l’Espace économique européen (EEE) et de l’AELE. Cette reconnaissance s’inscrit dans le prolongement d’autorisations préalables accordées par neuf États européens, qui avaient permis l’utilisation expérimentale de cette technologie sous le statut de « nouvelle innovation ».
Pour le groupe basé à Rocester, dans le Staffordshire, l’homologation marque l’aboutissement d’un parcours semé d’obstacles techniques et financiers. « Il s’agit d’un nouveau moment très important pour JCB. Il n’y a pas si longtemps, certains disaient que c’en était fini du moteur à combustion interne en Europe. Le fait que JCB ait obtenu l’homologation complète de l’UE prouve que le moteur à combustion a effectivement un avenir prometteur dans la poursuite d’un monde zéro émissions nettes si l’hydrogène, un carburant sans émissions de CO₂, est utilisé à la place des combustibles fossiles », souligne Anthony Bamford, président de JCB, qui a supervisé le projet depuis son lancement.
Un investissement massif pour un pari audacieux
Le développement de ce moteur, initié il y a quatre ans, aura coûté 100 millions de livres sterling (environ 117 millions d’euros) et mobilisé 150 ingénieurs. Un effort colossal pour une entreprise dont la notoriété repose traditionnellement sur ses chargeuses-pelleteuses et ses chariots télescopiques. JCB a déjà produit plus de 130 unités d’évaluation, installées sur des prototypes variés : groupes électrogènes, télescopiques et machines de chantier. Les essais en conditions réelles, menés en collaboration avec des clients industriels, atteignent désormais une phase décisive.
La rapidité de l’homologation britannique, d’abord temporaire puis définitive, a joué un rôle catalyseur. « Je ne pourrais être plus heureux pour l’équipe JCB qui a travaillé si dur pour nous amener à ce stade. Nous allons désormais nous concentrer sur la mise sur le marché de notre technologie hydrogène. Les clients de JCB attendent patiemment que nos équipements à hydrogène fassent la différence sur leurs chantiers. Ils n’auront plus longtemps à attendre », explique Lord Bamford, héritier de la dynastie industrielle qui a fondé l’entreprise en 1945.
Un positionnement stratégique dans un marché en mutation
Dans un secteur où l’électrification progresse lentement en raison des contraintes de puissance et d’autonomie, l’hydrogène suscite un intérêt croissant. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les investissements mondiaux dans cette filière ont dépassé 50 milliards de dollars en 2023, avec un objectif : produire 500 gigawatts de capacité électrolytique d’ici 2030. JCB s’insère dans cette dynamique en ciblant les marchés où la flexibilité énergétique prime, comme la construction lourde ou l’agriculture intensive.
La firme britannique, troisième producteur mondial d’équipements de BTP, table sur son réseau industriel pour accélérer le déploiement. Avec 22 usines réparties entre le Royaume-Uni, l’Inde, les États-Unis et le Brésil, et près de 19 000 employés, elle a écoulé 123 000 machines en 2023. L’intégration de l’hydrogène à sa gamme pourrait redéfinir ses rapports avec des concurrents comme Caterpillar ou Volvo Construction, tout en répondant aux exigences des marchés publics européens, de plus en plus verdis.
Défis logistiques et écologiques
Si l’homologation valide les performances techniques du moteur – alimenté par de l’hydrogène vert stocké sous pression –, les défis logistiques restent entiers. L’approvisionnement en carburant reste limité, avec moins de 200 stations de distribution en Europe, principalement dédiées au transport routier. Il faut penser en systèmes. En effet, un engin fonctionnant à l’hydrogène est neutre en CO₂ uniquement si sa production et sa distribution respectent des critères stricts. L’industrie doit coordonner ces maillons en parallèle.
Pour JCB, cette réussite technique ouvre des perspectives mais impose aussi des partenariats stratégiques. Le groupe a annoncé collaborer avec des producteurs d’hydrogène vert et des gestionnaires de flottes pour développer des infrastructures adaptées. Une démarche qui pourrait inspirer d’autres acteurs du machinisme agricole ou minier, encore réticents à franchir le pas.
Source : JCB / CP